Jean-Marie Mathurin Pincemin - Mort pour la France !

Bonjour à tous,

Ce texte est un extrait du tome 1 de "Les Poilus de Limay" ; il a également été publié dans un livret édité par la ville de Limay à l'occasion du centenaire de la Grande Guerre : "Au nom des nôtres" que vous pouvez télécharger gratuitement en cliquant ICI

Je vous souhaite une très bonne lecture.


Yffiniac - vue sur la baie de Saint-Brieuc
Yffiniac ! Comme ce nom fleure bon la Bretagne, les Côtes du Nord qui deviendront les Côtes-d’Armor et la douceur du climat de l’incomparable Baie de Saint-Brieuc… Pincemin, ce patronyme que l’on retrouve partout sur les registres d’état civil et même paroissiaux de la petite ville d’Yffiniac… les plus de 2 000 habitants d’Yffiniac seraient-ils tous cousins en cette année 1878 où celui que l’on va désormais appeler par les prénoms de Jean-Marie Mathurin vient de naître, ce 30 septembre, de Mathurin François et de Jeanne Marie Le Guigot ? Le nouveau-né n’est pas fils unique… il faut dire que ses parents sont mariés depuis longtemps déjà… leurs noces ont été dignement célébrées le 29 mars 1869… ici,  à Yffiniac… évidemment… parce que la famille Le Guigot aussi est bien implantée dans la petite ville depuis… quelques siècles… Par le passé, des unions entre des Le Guigot et des Pincemin ont déjà été fêtées en tous les cas, les deux noms sont souvent entremêlés d’ailleurs, le beau-père de Jeanne Le Guigot, orpheline de père de fraîche date, est un certain… Mathurin Pincemin qui est le fils de François et de Julienne Le Guigot !
Jeanne Le Guigot a mis au monde quelques filles avant l’arrivée du petit Jean-Marie et au moins un garçon qui a déjà 7 ans puisqu’il est né le 1er février 1871 -est-il besoin de le préciser ?- à Yffiniac et pour bien rester dans la lignée des Pincemin, l’aîné des garçons se prénomme Mathurin bon, on a ajouté Marc, pour être sûr de ne pas se tromper… mais aussi pour se souvenir du grand-père dont c’était le prénom usuel… Jean-Marie va devoir accueillir quelques sœurs et parmi celles-ci, Louise Julie, dont la destinée va suivre la sienne, du moins pendant un certain temps, lorsqu’ils seront adultes, qui pousse son premier cri le 14 mars 1886.
Le temps va passer et les enfants, du moins les garçons, vont suivre assidûment les leçons de l’instituteur ; il est probable qu’ils fréquentent également l’église du village… placée sous le patronage de… Saint-Aubin… faut-il y voir un signe du destin pour ce qui va se passer par la suite dans la vie de Jean-Marie Pincemin ?
Et puis le 14 novembre 1891 Jean-Marie va regarder son frère, devenu homme, quitter la maison pour rejoindre le 24e Régiment d’Infanterie ; c’est donc lui maintenant, le jeune Jean-Marie qui doit seconder le père, cultivateur dans le quartier des Villes Hervé où il a installé la famille depuis quelques années déjà. Le maniement de la charrue, qui n’a plus de secret pour lui, le travail, harassant, au grand air des terres agricoles d’Yffiniac qui dominent la superbe baie de Saint-Brieuc ont parfait son éducation et modelé son corps et puis, un soir du mois de novembre 1894, après son dur labeur, rentrant à la nuit tombante, il a poussé la porte de la demeure parentale et là, face à lui, Mathurin, son frère, enfin disponible pour sa famille et ses amis depuis le 08 novembre 1894… Jean Marie s’aperçoit soudain qu’il est presque aussi grand que son aîné… lui aussi bientôt sera un homme. 
En attendant, la vie a repris son cours, et Jean-Marie est bien content de savoir que cette année, comme avant, son frère l’accompagnera à la foire qui va débuter dans quelques jours, c’est une grande fête, bien appréciée dans toute la région, tellement que la compagnie du chemin de fer met en service quelques trains supplémentaires, réservés aux voyageurs de seconde classe sans bagage, afin que les visiteurs puissent aisément venir de Saint-Brieuc et des villages alentours… même si on n’est pas acheteur, on aime à se promener au milieu de la foule pour voir les porcs et les chevaux mais, sans doute, ce que la jeunesse préfère, ce sont les bals et cette année, Jean-Marie qui a seize ans compte bien y aller…
On  lit parfois les journaux qui parlent des grands événements bien sûr mais aussi des faits divers régionaux… mise en garde contre une bande de colporteurs qui, en cette année 1894, sévit sur la région, vendant par souscription de superbes vêtements… que les paysans crédules, après avoir versé quelques à-valoir conséquents, ne recevront jamais… Chiens enragés qui courent la campagne, qu’il faut abattre sur-le-champ avant qu’ils ne mordent congénères ou passants… incendies aux causes indéterminées… et les larcins en tout genre… et cette fois, c’est Mathurin, l’aîné des Pincemin, qui se retrouve devant le tribunal de Saint-Brieuc qui le condamne, ce 29 novembre 1894, à vingt jours de prison pour vol et rébellion… quelques 
années plus tard, le 20 juin 1901, il connaîtra encore quelques problèmes et se verra infliger une amende de 50 F et confisquer son fusil pour chasse prohibée et utilisation d’un faux nom… Mais cette condamnation là, Jean Marie n’en prendra connaissance que plus tard car son tour est arrivé, lui aussi est allé faire ses classes, c’est au sein du 47e Régiment d’Infanterie qu’il a été affecté le 16 novembre 1899, il y est resté jusqu’au 20 septembre 1902 et a reçu son certificat de bonne conduite. Lorsqu’il rentre, il n’en croit pas ses yeux… sa sœur, Louise Julie, qui n’était qu’une gamine revêche à son départ est une vraie jeune fille maintenant… pour un peu, il ne l’aurait pas reconnue ! Il s’aperçoit aussi que certains de ses amis ont quitté le village pour aller tenter leur chance ailleurs, en ville, en région parisienne… Et bientôt, une opportunité va s’offrir à lui qu’il va saisir… 
 
En tous les cas, Aubin Augustin Groux, maire, officier de l’état civil de la commune de Limay dans les Yvelines en région parisienne, ce 17 septembre 1904, préside au mariage de Jean-Marie Pincemin avec la demoiselle Ernestine Françoise Rabardel qui est née le 13 février 1882 à Combourg en Ille-et-Vilaine, département de… Bretagne, elle est la fille de Eugénie Rabardel qui habite à Meillac aussi en Ille-et-Vilaine ; la future est domestique à Limay ; les parents du futur ne sont pas présents mais ont donné leur consentement. 
Il se pourrait bien que les témoins du mariage de Jean-Marie soient intimement liés à l’installation du marié à Limay. Le premier témoin est un jeune homme de 26 ans, né le 08 septembre 1878 à Boinville, à quelques kilomètres de Limay ; il est installé comme jardinier, les deux jeunes hommes exercent donc le même métier et sont de la même classe et, bien que n’ayant pas, a priori, fréquenté les mêmes régiments il est tout à fait probable qu’ils aient fait connaissance au moment de leur service militaire, ce jeune homme a pour nom -bien connu de tous les Limayens, ne serait-ce que pour la rue qui porte son nom- Adrien Roëlandt. Un autre des témoins, dit ami de la mariée, a pour nom François Pincemin, il est domicilié à Argenteuil  alors dans le département de Seine et Oise et est employé du chemin de fer, ce qui peut expliquer ses déplacements ; par exemple, quelques années plus tôt, il habitait au Vésinet… Ce François Pincemin ne serait-il pas un « cousin » d’Yffiniac ? Le troisième témoin important du mariage de Jean-Marie est son frère, Mathurin, qui est également à cette époque installé à Limay où il exerce en tant que cultivateur, son métier de toujours.
Puis, il y a un peu de flou dans la vie des frères Pincemin, en tous les cas, ils ne laissent pas de bonnes traces bien distinctes dans les archives… la seule certitude est que Jean-Marie se rend bien aux convocations de l’armée et qu’il effectue les périodes d’exercices réglementaires, aux bonnes dates, au 71e Régiment d’Infanterie et il est probable que Mathurin aura regagné Yffiniac en 1906, comme il est probable que leur mère décède entre 1901 et 1906, ce qui pourrait expliquer le retour des frères vers la maison familiale mais ce qui est certain c’est que les Pincemin n’ont pas abandonné l’idée de s’installer à Limay puisqu’ils ont fait venir leur jeune sœur, Louise Julie qui est placée comme domestique au sein d’une famille aussi implantée depuis des siècles à Limay que l’est la famille Pincemin à Yffiniac dans les Côtes du Nord en Bretagne… Se sent-elle dépaysée lorsqu’elle arrive à Limay ou rien ne ressemble à ce qu’elle a toujours connu jusqu’ici ? Jusqu’aux maisons qui ne sont pas construites de la même façon… les tuiles, les pierres… même la terre ne sont pas identiques à celles d’Yffiniac… les vêtements ne sont pas les mêmes, les habitudes sont différentes et parfois, elle n’est même pas comprise de ses hôtes tant les accents sont différents… Pourtant, l’église qui ne ressemble pas du tout à celle d’Yffiniac est dédiée à… Saint-Aubin… Pourtant le chef de famille qui l’emploie, Alfred Lefèvre, a sensiblement le même âge que son père, sa femme, Alexandrine Pinard, le même que sa mère, désormais, elle vit avec eux, leur fils Georges, leur fille Marie et ses enfants dont une petite fille, Yvonne, qui vient de naître le 21 janvier de cette année 1906 au domicile de son grand-père qui est allé chercher Louis Bracilieri, le père de son gendre, qui est tailleur à Mantes-la-Ville, pour qu’il soit témoin de la naissance… comme l’aurait fait son père… Alfred Lefevre est propriétaire de la maison où elle habite 
La rue de la Faïencerie - Limay
désormais, rue de la Faïencerie, une ferme en fait, mais aussi de terres un peu plus loin, au bout de la rue, qu’il exploite. Ici, on dit qu’il est jardinier… les outils sont différents de ceux que la jeune femme a connus en Bretagne, on ne met peut-être pas le même nombre de graines en godets, on ne plante pas tout à fait aux mêmes dates et on ne cultive pas les mêmes variétés mais au final, son frère Jean-Marie a raison, le but est le même que celui de leur père en Bretagne, il faut produire le plus grand nombre des meilleurs légumes pour les vendre aux voisins, aux épiciers, aux restaurants et sur les foires… Mais Louise ne va rester que quelques années à Limay, elle gagne la capitale où elle se place comme cuisinière dans le 9e arrondissement où elle vit un certain temps avec Georges Marcel Josse qu’elle épousera le 07 mai 1912 dans le 17e arrondissement. Elle laisse ses frères bien installés à Limay, c’est Jean-Marie qui est dit chef de famille de la maison qu’il occupe maintenant rue de la Faïencerie, il vit avec sa femme et leur fille ainsi qu’avec Mathurin et très certainement avec une autre sœur Pincemin prénommée Marie, les deux hommes sont dits jardiniers.
Mais encore une fois, tout va changer car la mobilisation générale vient d’être décrétée… il n’y a pas que les jeunes gens qui sont concernés, les frères Pincemin le sont également et là, il faut reconnaître qu’ils n’avaient peut être pas bien compris qu’ils risquaient d’être impliqués à ce point.
Mathurin, l’aîné, est réserviste de l’armée territoriale depuis 1911 pourtant, il devra rejoindre le 74e Régiment d’Infanterie Territoriale (R.I.T) le 06 août 1915 mais il ne partira pas en première ligne, il sera détaché comme agriculteur à Saint-Jean de Beauregard, toujours en Seine et Oise tout en étant rattaché au 76e R.I.T puis, le 09 février 1917, il sera rattaché au 19e escadron du train, ensuite, il sera rattaché soit au 71e d’Infanterie soit au 22e d’artillerie, en fonction des besoins et sera finalement muté, le 08 octobre 1918 dans les Côtes du Nord où il semble s’installer à quelques kilomètres d’Yffiniac, à Langueux où il abandonne sa liberté de vieux garçon pour goûter aux joies du mariage en épousant, le 26 novembre 1919, Jeanne Marie Poulain...

Catherine Livet 

Suite

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Sources / Bibliographie : Archives des Côtes-d'Armor, Archives des Yvelines, Presse régionale, Mémoire des Hommes

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