C'est incroyable comme j'aime ces instants de liberté pendant lesquels mon esprit, doté d'une totale indépendance, se désolidarise de mon corps, pour partir à la rencontre de celui de l'un de mes ancêtres.
Et me voici à Hargeville, aujourd'hui dans les Yvelines. Charmant village d'environ deux cents habitants, mais doté d'une immense ferme, et d'un château dominant la plaine d'Arnouville, dont la vue à partir de la terrasse est superbe et permet d'admirer le Vexin français, le Mantois et de voir le château de Versailles.
Ce 25 novembre 1755, il y a foule dans la petite église Saint-André, si simple, bâtie, il n'y a que quelques dizaines d'années puisque le village n'a été érigé en paroisse qu'en 1706. C'est là que je fais votre connaissance, vous, Jean Denis Hourdeau, fils d'Honoré et de Magdeleine Simon, et j'ai une révélation à vous faire : "je suis votre descendante". En ce jour béni de votre union avec Marie Marguerite Dubois, le curé a dressé un acte qui fourmille de détails sur votre vie et c'est avec un immense bonheur que je l'ai consulté, pratiquement 270 ans après sa rédaction. Vos parents habitent à Goupillières, village voisin d'Hargeville, mais vous ne vivez plus avec eux depuis plusieurs années, car vous êtes installé à une petite dizaine de kilomètres, à Maule ; je suppose que c'est parce que vous y avez trouvé du travail. Vous êtes charretier. Votre promise est née à Hargeville, elle est la fille de Jean Claude et de Marguerite Rabusier.
Au moment où vous vous engagez, l'un envers l'autre, pour la vie, avez-vous été placés sous un drap tenu par deux jeunes hommes du village, comme il semblait être d'usage à Hargeville ? Vous êtes accompagné par vos proches parmi lesquels se trouvent votre père ainsi que trois de vos frères : Pierre, Jérôme et Jean. Marie Marguerite est assistée par Louis Denis Dubois, son oncle paternel, de Barthélémy Rabusier, son oncle maternel et par Claude Dubois, son frère. Ses parents sont également présents.
Ha ! Comme il m'est agréable de pouvoir contempler tant de signatures, la vôtre, celle de vos trois frères cités... même Marie Marguerite sait signer, ainsi que ses témoins.
Il paraîtrait que, très rapidement, vous vous installiez à Hargeville. Par qui avez-vous été embauché ? Avez-vous travaillé à la ferme du Buisson dont les terres s'étendent sur Hargeville, Arnouville, Boinville, Goussonville et Saint-Martin-des-Champs ? En tous les cas, c'est là que j'ai trouvé la naissance de vos enfants.
Un fils, prénommé Jean, vient au monde le 29 septembre 1756 et est immédiatement baptisé. Son parrain est Nicolas Hourdeau, votre frère qui n'était pas nommé dans votre acte de mariage... mais je pense savoir pourquoi... La marraine du nouveau-né est Marguertie Rabusier, l'épouse de Jean Claude Dubois, donc elle est aussi la grand-mère maternelle de l'enfant.
Oh ! Malheur ! Il vous faut accompagner le petit corps de votre fils jusqu'au cimetière d'Hargeville ; trop fragile, malade, accidenté... jamais, je ne le saurai, mais ce qui est certain est qu'il décède le 15 juin 1758.
Qui arrive sur terre en ce 20 août 1759 ? Personne ne le sait encore, mais elle sera mon ancêtre. C'est sa marraine, Marie Anne Hourdeau, fille de Nicolas, qui lui donne le prénom de Marie Marguerite. Son parrain est Martin Pelletier, fils de Pierre André, laboureur à Hargeville. La marraine ne sait pas signer, mais le parrain le fait très bien.
Bon, je suppose que personne ne l'a fait pour m'embêter, mais tout de même, j'aimerais bien comprendre la motivation de celui qui a choisi le prénom de cette enfant, née et baptisée, toujours à Hargeville, le 30 septembre 1762. Pourquoi s'appelle-t-elle Marie Marguerite comme sa sœur aînée ? La première était-elle à deux doigts de la mort ? Je ne sais pas si vous savez lire, mais sur son acte de baptême, votre patronyme est Hourdiot alors qu'il est souvent écrit Hourdeau, c'est d'ailleurs ainsi que vous signez, comme les autres membres de votre famille, et quelques fois, il sera orthographié Hourdot.
Que vous est-il arrivé ? Vous êtes malade ; tellement malade que le curé vint à votre chevet, plusieurs fois, afin que vous puissiez recevoir tous les sacrements qui vous ouvriront les portes du paradis... Vous décédez et êtes inhumé le 11 février 1763, à Hargeville, âgé de 36 ans.
Puisque je sais maintenant que vous êtes né vers 1726 et que vos parents sont de Goupillières, j'ai assez d'éléments pour chercher votre acte de baptême et... je l'ai trouvé !
Vous avez été baptisé le 10 avril 1726 ; votre patronyme était orthographié Hourdot et votre prénom était Denis Jean. Votre parrain, qui signe, était Jean Le Roy et votre marraine, Geneviève Lucas.
C'est vrai, je suis bien heureuse d'avoir trouvé ce premier acte vous concernant, mais il ne faut pas oublier que votre mort rend la situation de votre famille bien triste. Vous laissez une veuve avec une fillette en bas âge, celle qui sera mon ancêtre, et un bébé. Comment Marie Marguerite va-t-elle pouvoir subvenir aux besoins de votre famille ?
Cruel destin ! La question ne se pose pas trop longtemps... Votre veuve tombe, à son tour, malade. Est-ce la même maladie que celle qui vous a emporté ? Avez-vous, tous les deux, été victimes de la variole ? En tous les cas, si l'on en croit le nombre d'inhumations pratiquées entre 1763 et 1764 à Hargeville, il semblerait bien qu'une épidémie ait causé bien des morts. Comme vous, Marie Marguerite reçoit les sacrements nécessaires à son salut, avant de s'éteindre et d'être inhumée, le 28 janvier 1764. Les témoins qui signent l'acte sont Barthélémy Rabusier, sans doute son oncle maternel, et Claude GILBERT qui est probablement également un parent puisque lors de son baptême, célébré le 10 octobre 1730 à Hargeville, sa marraine était Marie Anne GILBERT, épouse de Pierre Dailly ; son parrain était Louis Denis Dubois.
Que vont devenir les deux orphelines ? Elles vont survivre, j'en suis sûre parce que Marie Marguerite première du nom, sera mon ancêtre et je sais que la seconde du nom va, pareillement, se marier.
Jean Denis, il me faut maintenant vous quitter, car mon esprit doit rejoindre la terre et il me faut transcrire notre rencontre pour que tous ces détails que vous m'avez fournis restent disponibles pour tous vos descendants, dont les miens. Cependant, soyez assuré que nous nous reverrons bientôt... lorsque je viendrai rencontrer votre fille Marie Marguerite.
Catherine Livet
Ce texte a été rédigé dans le cadre du #RDVAncestral
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