#GeneaSaint Ponce de Faucigny

 

Princes et évêques

Le hasard des affaires internationales a conduit mes pas à Genève et après une longue journée de travail, je flâne sur les rives de ce magique lac Léman… Il y a plusieurs années que je n’étais pas venue dans ces lieux qui ont pourtant longtemps fait partie intégrante de ma vie… j’ai l’impression de ne rien reconnaître… puis, doucement, les souvenirs reviennent… et les premières images qui se dessinent dans mon esprit sont surprenantes, je me revois, jeune, en train de faire du pédalo sur cette très vaste étendue d’eau, frontière invisible et mouvante, noyée et presque oubliée, véritable

Lac de Genève
trait d’union en fait entre la France et la Suisse… Je revois Lambert, mon setter irlandais, embarqué contre son gré sur le fragile esquif qui passe son temps à guetter de plus importantes embarcations pour tenter de changer de bord jusqu’à ce qu’il se mette en tête de chasser les cygnes, majestueux, qui n’ont pas du tout l’intention de se laisser plumer par un chien présomptueux… Mais mon esprit rappelle bientôt à tout mon être que je suis aussi en train de fouler la terre des Faucigny et que, puisque je suis ici, j’ai autre chose à faire que de me perdre dans mes souvenirs d’adolescence… alors, laissant mon corps à sa contemplation au cœur de l’extraordinaire église de Genève où j’ai finalement trouvé refuge pour me reposer de ma très longue promenade, mon esprit, heureux, part à la rencontre de l’initiateur du lieu et de sa puissante famille…

Que d’ombres autour de vous Rodolphe, vous qui pourtant êtes alors la pierre angulaire de la maison des Faucigny. Vous apparaissez dans les chartes, maître absolu de vos décisions alors que votre père, Guillaume, est encore en vie… que lui est-il arrivé ? Habituellement, votre épouse s’appelle Constance de Beauvoir… mais il est également manifeste que l’on ne pourra jamais savoir qui elle était… pourtant, depuis ces dernières années, certains lui connaissent père et mère et aïeux jusqu’à Adam et Eve… j’exagère un peu… jusqu’aux alentours de l’an 1000 en vérité… et par là même, vous font endosser quelques paternités… Bon…

Pointe de Bellegarde
Fort de l’extraordinaire destinée de vos prédécesseurs, aidé et encouragé par votre oncle Guy qui est Evêque de Genève, vous passez votre existence à consolider et même étendre la puissance de votre redoutable famille… vous êtes loin d’être seul dans l’aventure, vos frères vous soutiennent et usent et… abusent de leurs fonctions pour œuvrer pour le bien commun des Faucigny et ils sont bien placés pour le faire puisque Girard (Gérold) est Evêque de Lausanne et que Amédée est à la tête de l’évêché de Maurienne… Bon on aura vu que les évêques de la famille sont avant tout de puissants seigneurs… Les bases de votre domination sur la région sont solides, la maison de Genève, votre parente proche, n’intervient plus trop violemment dans vos affaires… Une sorte de paix règne sur la région … alors, l’épée reste au fourreau même si par là même elle est à portée de main… Toute la famille se tourne vers le spirituel… le vrai, le pur, le dur… celui que vous faites pour le salut de votre âme…

Et c’est ainsi que vers l’an 1140, nous pouvons faire la connaissance de votre frère Raymond ainsi que de son épouse Pétronille qu’il nomme lui-même bien que certains pensent qu’il ne s’est jamais marié ; il fait une donation aux moines d’Aulps, elle n’est pas la première puisque la fondation de cette abbaye, par Humbert de Maurienne, avait été autorisée par Guy de Faucigny, Evêque de Genève et cette donation ne sera pas non plus la dernière mais cette charte à une particularité puisqu’elle donne tant de détails que même aujourd’hui, on peut reconnaître avec certitude la plupart des lieux dont il est question… nous donnant ainsi une idée assez précise de l’étendue du territoire concédé :

Les Hauts-Forts


« Moi, Raymond de Faucigny, avec l’approbation de mon épouse Pétronille, de mes neveux Arducius, évêque de Genève, Aymon, Rodolphe et Guillet, je donne à perpétuité à l’église d’Aulps et aux religieux de ce monastère, les deux alpes de Nyon et d’Embel (massif comprenant Joux-Plane, et les alentours de la pointe d’Angollon), avec toutes leurs dépendances, sans rien nous en réserver, ni pour nous, ni pour notre postérité. Et pour que, par la suite, il ne surgisse pas de contestation touchant les confins, les limites de Nyon sont :Depuis l’eau de Valentine (ruisseau coulant sur le versant de la vallée du Giffre, prenant naissance sous le col de Joux-Plane), par le Partimuron ( ? ), jusqu’au sommet de Bellegarde, de Bellegarde, par l’arête, vers Argolon jusqu’à la Drance (Drance de la Manche à Morzine). Les confins d’Embel sont, depuis la Drance, par le rocher qui monte sur Col (de Cou ?) et par le rocher qui sépare Evoreya (Avoriaz) d’Embel (les Hauts-Forts), et depuis la Drancéole, par l’arête qui monte sur les Gêts jusqu’à l’eau de Valentine. »

Encore une fois les Faucigny, contrairement aux Ravorée et aux Allinges qui font toujours leurs dons sous la tutelle des Faucigny et sur des portions de droits, donnent sans aucune restriction autre, bien entendu, que l’obligation pour l’abbaye de fournir des hommes pour la défense de Châtillon et des Allinges, terres que nous découvrirons réellement dans quelques décennies.

D’autres dons seront faits à cette même abbaye d’Aulps par d’autres familles mais toujours avec l’accord des Faucigny et c’est ainsi qu’au détour d’une charte rédigée vers 1094, nous apprenons que votre père, nommé, apparaît donc encore en public, peut-être pour la dernière fois ; vous l’accompagnez ainsi que vos frères Girold et Louis et nous découvrons l’existence d’un autre membre de la famille dit également présent un Sayvirus, fils d’Augeron de Faucigny sans que l’on puisse savoir avec certitude qui ils sont… sans doute Sayvin (il existe de nombreuses variantes de son nom) est-il votre cousin, fils du frère de votre père Guillaume…

Dans l’acte qui nous intéresse, en plus de son épouse Pétronille, Raymond cite ses neveux, vos fils, Arducius déjà Evêque de Genève, Aymon qui sera votre successeur, Rodolphe dont le rôle prépondérant dans la préservation de la maison de Faucigny n’éclatera en plein jour que dans plusieurs siècles, au 18e pour être aussi précise que l’on peut l’être dans ce cas et Guillet dont on a gardé le souvenir sous le nom de Guy et qui décèdera aux croisades sans laisser de postérité mais il ne parle pas de son neveu Ponce… à moins que les copistes ne l’aient tout bonnement oublié…

Votre fils Aymon donne de vastes territoires incultes et sauvages mais d’une beauté époustouflante dans


le but de fonder une abbaye qui est confiée à votre fils Ponce ; Arducius, entre autres dons, offrira la paroisse de Samoëns et Ponce, pourtant déjà abbé d’Abondance, va viscéralement s’attacher à ces lieux propices au recueillement et à la spiritualité… Ponce à l’âme aussi belle que son cher refuge de Sixt-Fer-à-Cheval que nous considérons encore de nos jours comme l’un des plus beaux villages de France ; Ponce, si estimé de ses contemporains, si aimable, si bienfaisant que son esprit continuera à veiller et à soigner les habitants de la région qui, nombreux, dévots, viennent se recueillir sur son tombeau pour implorer son aide ou viennent boire l’eau de la fontaine où Ponce, un jour, malade, brûlant de fièvre, se serait arrêté pour étancher son ardente soif et là, sous les yeux ébahis des badauds, l’eau claire se serait transformée en vin… Son esprit entend les
Représentation de Ponce en pierre de Sixt, sur la fontaine dite de l'abbé Ponce

suppliques de ces pauvres corps éplorés, son âme sensible les écoute et les comprend et sur ces malheureux en prière, dispense grâces et guérisons… La dévotion est si grande, les miracles si avérés que, plus de quatre cents ans après, François de Sales sera très impressionné et, séduit, œuvrera pour que Ponce de Faucigny soit reconnu… Plus qu’environ trois cents ans à attendre et Monseigneur Magnin, alors Evêque d’Annecy, en 1866, ordonnera une enquête sur la vie de Ponce de Faucigny… l’affaire est sérieuse et l’Eglise prudente et patiente, comme toujours en ces temps modernes, prend son temps mais n’oublie jamais ses dossiers… et c’est ainsi que Monseigneur Isoard qui succède dans la précipitation à l’évêque Magnin, plus bureaucratique qu’apostolique, même pas savoyard –ce qui lui vaut sans doute ses relations tendues avec le clergé local- connu pour ses prises de positions intraitables, surtout au niveau des lois laïques de 1883-1884, ouvre la procédure de béatification le … 19 février 1890 ensuite, il faudra attendre un relatif court temps puisque le pape Léon XIII accèdera à la demande et aura l’extrême obligeance de déclarer Ponce Bienheureux le… 15 décembre 1896.

Mais Rodolphe, je ne peux pas vous quitter sans que nous évoquions votre fils dont la postérité a conservé le nom d’Arducius qui s’est si bien acquitté de la tâche que votre famille entière lui avait confiée… Evêque de Genève, par la grâce de Dieu et surtout par la volonté de ses père, oncles, frères et cousins, il s’en est fallu de peu pour qu’il succède à son grand-oncle qui avait exercé ces mêmes fonctions auparavant durant, grosso modo, une quarantaine d’années… et puis, comme un intermède, Humbert de Grammont va siéger pendant une quinzaine d’années avant que, fortement aidé et certainement encore très jeune, Arducius va s’emparer de la crosse épiscopale pour ne plus la lâcher pendant une cinquantaine d’années… Le sang d’Emmerard, de Louis, de Guillaume et le votre bouillonne dans les veines d’Arducius qui, plus encore que son grand-oncle Guy va se montrer un très grand prince épris de grandeurs et de conquêtes… Bernard de Clairvaux, cet homme qui se voulait pourtant être un discret cistercien mais qui deviendra le grand Saint-Bernard, celui qui est omniprésent,

arbitre du moindre conflit entre les plus grands de son époque, faiseur de papes et prédicateur de la seconde croisade va à maintes reprises tancer, admonester et même fustiger Arducius en l’enjoignant d’acquérir d’urgence les qualités et les vertus qu’il aurait du posséder avant d’accéder au rang d’Evêque… Il semblerait que le magnifique évêque de Genève n’ait cure des remarques et conseils du bon Bernard… Arducius est évêque alors, bien sûr, lorsqu’il le faut, il porte mitre et chape mais il le fait avec prestance et majesté… et ce n’est pas de la considération du futur Saint-Bernard dont les conquérants Faucigny ont besoin mais bien d’une reconnaissance temporelle et Arducius, grâce il est vrai au travail déjà accompli par ses prédécesseurs, va se voir remettre, par l’empereur Frédéric dit Barberousse, presque à l’instant où il devient évêque, les droits régaliens sur Genève ainsi que le titre de prince de l’Empire ainsi, le temporel et le spirituel sont réunis dans les seules mains d’Arducius, seul l’empereur pourrait le contredire, il est le premier prince-évêque de l’histoire, le rendant maître absolu de Genève.

Ceci dit, Bernard de Clervaux convaincra les farouches Faucigny de participer aux prochaines croisades et plusieurs d’entre eux vont partir dont vos fils Guy qui y laissera la vie, Rodolphe et Aymon qui entraînera avec lui au moins l’un de ses fils. N’oublions pas qu’Arducius est également resté célèbre pour les pharaoniques travaux de construction de la cathédrale de Genève, telle que nous la connaissons de nos jours… ou presque car les bâtiments vont subir quelques outrages et, comme chacun le sait, vont changer de destination… Les travaux vont durer si longtemps qu’Arducius, même s’il semble atteindre un âge fort respectable, surtout pour cette époque, n’en verra pas l’achèvement.

Les femmes semblent très peu présentes en ces temps reculés pourtant, à n’en pas douter, elles étaient également investies d’un rôle important, certaines vont commencer à apparaître dans l’histoire des Faucigny, comme Adelaïde, l’une des nièces de Ponce, qui viendra installer une communauté de sœurs Augustines non loin de l’abbaye de Sixt mais elles souffriront beaucoup et la famille va les installer dans des lieux plus cléments, veillant à ce qu’elles ne manquent de rien et puis, un peu de patience encore car d’en moins de cent ans ce seront les femmes qui porteront haut et fort le nom de Faucigny, n’hésitant pas à fourbir les armes lorsque les négociations échoueront...


Louis-Alexandre de Faucigny-Lucinge - Genève 2017

Tableau généalogique des Faucigny jusqu'au temps de Arducius, prince-évêque de Genève et de Ponce, futur Bienheureux Ponce


Ah Rodolphe ! Comme je suis heureuse d’être revenu fouler vos terres, je ne suis pas la seule, mon fils part à la moindre occasion sur les traces des Faucigny... oui oui Rodolphe, votre nom n’est pas mort et j’espère bien qu’il perdure... mais il faut vite que mon corps et mon esprit se retrouvent et que je me concentre car il me faut reprendre la route pour Paris sans tarder et elle va être longue… Je suis attendue avec impatience par mes contemporains, une grande réunion familiale est prévue demain… chez moi… je me dois d’y être… c’est la moindre des choses.

Catherine Livet

Ce texte est écrit dans le cadre du #RDVAncestral et est la suite de

Du Faucigny à Jérusalem et de Aux confins de ma généalogie

La suite se trouve ici : Envoûtante région, ensorcelant Faucigny

Pour lire et relire l’intégralité de mes “petits textes” en lecture libre : Becklivet

Sources / bibliographie :

  • Mémoires et documents publiés par la société d’histoire de la Suisse
  • Fondation des clefs de St-Pierre
  • Saints et Saintes de Savoie - Jean Prieur
  • Armorial et nobiliaire du duché de Savoie
  • Recueil de la vie et gestes du vénérable Ponce - Jean Passier
  • Chronique de Morzine - Jacques-Alexis Pissard
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