Il nous faut remonter un peu dans le temps et parler d'une histoire
de fous... qui va se terminer le 08 août 1873
Paul
Verlaine est né le 30 mars 1844 à Metz ; il est marié depuis 1870 à
Mathilde Mauté ; ses "Poèmes saturniens" sont déjà publiés depuis
1866...
Mathilde va mettre au monde leur fil en 1871, il sera prénommé Georges.
À Charleville, dans les Ardennes, est né le 20 octobre 1854 Arthur
Rimbaud... Il est le second fils d'une fratrie de quatre enfants vivants
sur cinq nés. Les parents d'Arthur se séparent alors qu'il n'est encore
qu'un enfant, il est alors élevé par sa mère et devient un brillant
élève au collège de la ville mais il est aussi un "ado" rebelle... il
n'aime pas la religion et déteste l'ordre social.
En
revanche, poète talentueux et précoce, il écrit très jeune, dès 1870,
ses premiers essais dont "les effarés" et "le dormeur du val"
Fugue
après fugue, il renonce à passer son baccalauréat et n'a plus qu'une
idée en tête : Aller à Paris pour voir de près les suites de la guerre
de 1870, dont la Commune et fréquenter le milieu littéraire...
Le
jeune Arthur envoie quelques poèmes à Paul Verlaine, bien installé dans
ce cercle d'artistes, qui est tout de suite séduit par le talent du
poète et qui l'invite à Paris.
Le
petit provincial vient donc un temps habiter chez les beaux-parents de
Verlaine, mais sa conduite est assez édifiante... Malgré l'impulsivité,
la méchanceté et la violence de Rimbaud, une passion insensée va envahir
Verlaine qui n'aura plus d'yeux que pour le jeune débauché...
L'alcool
coule à flot et la fée verte n'est pas, contrairement à ce que les deux
amants maudits pensent, leur bonne amie... elle les rend fous...
Verlaine qui passe pour quelqu'un de calme et doux lorsqu'il est sobre,
devient d'une violence inouïe lorsqu'il est ivre... Mathilde, son
épouse, et même Georges, leur fils encore bébé, seront ses victimes...
Une séparation s'ensuivra puis, dès que la loi le permettra, un
divorce.
Le mal est grand. Dans "Confessions" en 1895, Verlaine écrira : "...
Je me plais dorénavant à cette franchise qui fait l'honnête homme,
parlons du peut-être seul vice impardonnable que j'ai parmi tant
d'autres : la manie, la fureur de boire"
De son côté, Mathilde écrira : "Un an de paradis, un an d'enfer et de souffrances continuelles, voilà ce que furent mes deux ans ce mariage.
Que
s'était-il passé ? Quelles furent les causes de mon malheur, de ma vie
brisée et, plus tard, de la triste et aventureuse existence de Verlaine ?
Rimbaud ! l'absinthe !"
La
liaison amoureuse des deux hommes et la personnalité de Rimbaud
choquent... Le couple maudit mène alors une vie vagabonde faite de
ruptures et de retrouvailles... leur relation tumultueuse va se terminer
dans le drame à Bruxelles où Rimbaud va accepter de rejoindre Verlaine
qui refuse d'être séparé de son amant... Verlaine, une nouvelle fois,
est ivre et armé d'un pistolet... nous sommes alors le 10 juillet
1873...
Déclaration de Rimbaud au commissaire de police, 10 juillet 1873
Depuis un an, j'habite Londres avec le sieur Verlaine. Nous faisions des
correspondances pour les journaux et donnions des leçons de français.
Sa société était devenue impossible, et j'avais manifesté le désir de
retourner à Paris. Il y a quatre jours, il m'a quitté pour venir à
Bruxelles et m'a envoyé un télégramme pour venir le rejoindre. Je suis
arrivé depuis deux jours, et suis allé me loger avec lui et sa mère, rue
des Brasseurs, no 1. Je manifestais toujours le désir de retourner à
Paris. Il me répondait : « Oui, pars, et tu verras ! »
Ce matin, il
est allé acheter un révolver au passage des Galeries Saint-Hubert, qu'il
m'a montré à son retour, vers midi. Nous sommes allés ensuite à la
Maison des Brasseurs, Grand'Place, où nous avons continué à causer de
mon départ. Rentrés au logement vers deux heures, il a fermé la porte à
clef, s'est assis devant ; puis, armant son révolver, il en a tiré deux
coups en disant : « Tiens ! Je t'apprendrai à vouloir partir ! »
Ces
coups de feu ont été tirés à trois mètres de distance ; le premier m'a
blessé au poignet gauche, le second ne m'a pas atteint. Sa mère était
présente et m'a porté les premiers soins. Je me suis rendu ensuite à
l'Hôpital Saint-Jean, où l'on m'a pansé. J'étais accompagné par Verlaine
et sa mère. Le pansement fini, nous sommes revenus tous trois à la
maison. Verlaine me disait toujours de ne pas le quitter et de rester
avec lui ; mais je n'ai pas voulu consentir et suis parti vers sept
heures du soir, accompagné de Verlaine et de sa mère. Arrivé aux
environs de la Place Rouppe, Verlaine m'a devancé de quelques pas, puis
il est revenu vers moi : je l'ai vu mettre sa main en poche pour saisir
son révolver ; j'ai fait demi-tour et suis revenu sur mes pas. J'ai
rencontré l'agent de police à qui j'ai fait part de ce qui m'était
arrivé et qui a invité Verlaine à le suivre au bureau de police. Si ce
dernier m'avait laissé partir librement, je n'aurais pas porté plainte à
sa charge pour la blessure qu'il m'a faite.
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Archives de Bruxelles
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Transcription du rapport de police :
À Monsieur le Commissaire en chef de police.
Vers huit heures du soir, l’agent Michel de la 2ᵉ division
amène au bureau le sieur Verlaine Paul, homme de lettres, né à Metz la 30
mars 1844, en logement rue des brasseurs 1, depuis 4 jours venant de Londres,
qu’il a arrêté rue du Midi sur la réquisition du sieur Rimbaud Arthur,
homme de lettres, né à Charleville (France) le 20 octobre 1854, en logement rue
des brasseurs 1 depuis deux jours venant également de Londres, lequel déclare
qu’il a été blessé au bras gauche d’un coup de revolver que lui a tiré vers
deux heures, son ami Verlaine dans la chambre qu’ils occupent rue des
brasseurs, qu’il s’est rendu ensuite se faire panser à l’hôpital St Jean,
accompagné de Verlaine et de la mère de ce dernier, et sont revenus tous
ensemble au logement précité, il n’aurait pas porté plainte de cette blessure,
si Verlaine ne s’était pas opposé à son départ, mais se voyant poursuivi par
Verlaine qui était toujours porteur de son revolver et craignant d’être tué par
lui il avait réclamé le secours de l’agent de police.
J’ai saisi le revolver qui est encore chargé, à la suite de
mon instruction Verlaine a été écroué au dépôt communal et mis à la disposition
de Monsieur le procureur du Roi.
Bruxelles, le 10 juillet 1873.
[Signature (illisible)]
Paul Verlaine
est condamné à deux ans de prison à Bruxelles le
08 août 1873.
Arthur Rimbaud avait renoncé à porter plainte.
Il cessera toute poésie dès ses 20 ans et partira à la conquête du monde.
À bientôt,
Catherine Livet
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