dimanche 25 août 2019

Limay dans les Yvelines, riche de son histoire

Bonjour mon lecteur,

Je vous présente aujourd'hui la troisième partie du premier chapitre d'un projet un peu long à mettre en œuvre ; dans l'histoire locale d'un village, je suis en train de rechercher les petits détails qui ont concernés directement mes ancêtres qui y ont vécus parfois dans des temps lointains. 
Cette étape de la généalogie est un peu plus difficile à réaliser et, en tous les cas, assez longue car il faut vraiment éplucher un grand nombre de documents pas toujours faciles ni à trouver ni à comprendre à la première lecture. Il me semble donc que cet exercice doit être réservé à un village qui a concerné plusieurs générations d'ancêtres sauf, bien entendu, si un ancêtre est directement concerné par un événement donné à un endroit précis.
Vous pouvez trouver toutes mes publications concernant le village de Limay dans les Yvelines, puisque c'est de lui dont je vous parle aujourd'hui, ici : Histoire de Limay
Mais pour ceux qui le souhaitent, la partie dont je viens de parler est reproduite un tout petit peu plus bas.

Merci pour votre grande fidélité et n'hésitez pas à me faire part de vos remarques en commentaires directement en bas de cette page.

A très bientôt,
Catherine Livet

Moulins, pêcheries etc.
Vieux Pont et pont Perronet
Seine, quais, gel et inondations
Concentrons-nous, forçons notre mémoire, souvenons-nous des gravures, des films... que nous avons pu voir et imaginons notre bon vieux pont grouillant de vie... les charrettes, les carrosses, les voitures à bras, les cavaliers, les piétons et même les gens d'armes qui, depuis le moyen âge, se rendent d'un point à un autre du royaume... se croisent, se dépassent pendant que les mariniers manœuvrent de main de maître,
Dessin - mine de plomb - 18e siècle - BNF
serpentent entre les bateaux, se faufilent entre les pieux sur lesquels reposent les constructions qui s'accrochent de tout leur poids sur le pont comme ces maudits moulins qui sont si utiles à certains et qui sont si gênants pour d'autres... une chose est sûre encore de nos jours, il est évident que meuniers et bateliers ne faisaient pas bon ménage... Accidents et accrochages sont monnaie courante tant au-dessus qu'en dessous du pont, on s'invective, on s'injurie...
Mais bien d'autres sujets de discordes existent encore comme les droits de péage, ceux sur l'exploitation des pêcheries... on réclame, on se plaint, on fait dresser procès-verbal sur procès-verbal... 
Il est déjà si vieux ce bon pont... il rend  pourtant tant de services aux habitants de Mante comme à ceux de Limay... il faut continuellement l'entretenir, le réparer...  Il paraît que, déjà, en 1658, deux maîtres généraux des œuvres de maçonnerie et de charpenterie des bâtiments du Roi alertaient ainsi : "... dix-sept arches nécessitent des travaux immédiats : voussoirs à remettre, avant becs à rebâtir, parapet de pierre de taille à poser, voûtes à refaire etc."


Malgré les protestations, le pont du côté de Mante va tout de même être démantelé ; la fondation va débuter en 1757 sous la direction de l’ingénieur Hupeau mais voilà que les travaux vont cesser en 1759 à cause de la guerre de 7 ans qui oppose le Royaume de France aux Anglais  -pas que mais c’est une autre histoire- et puis, Monsieur Hupeau décède et voilà que Jean Rodolphe Perronet est nommé premier ingénieur du roi… le pont de Mante sera sa première réalisation à ce titre et les travaux vont reprendre, par la grâce de Dieu, en mars 1764 : «  … L’an 1764, au commencement du mois de mars, l'on a repris la construction du pont laissée au mois de décembre 1759. On a préparé le bois pour cintrer les arches ; avant que de les poser, on s’est dévotement préparé. Il fut dit en l’église Notre-Dame de Mante, le 04 juin, une messe du Saint-Esprit. Elle a commencé à 4 heures et demie du matin et, à 5 heures, tous les ouvriers qui avaient assisté à ladite messe ont été poser les cintres, ce qui dura neuf jours. »
On peut même dire que les travaux ont repris dès 1763 avec l’extraction de la pierre nécessaire de la carrière de Saillancourt à une vingtaine de kilomètres mais aussi, plus près, des carrières de Chérence et de Vétheuil dans le Val d’Oise, qui produisaient également une pierre très dure qui, le plus souvent, était acheminée par bateau dont un grand qui pouvait charger 4 600 pieds cubes… Il faut dire que l’on parle maintenant d’arches de 108 et 120 pieds d’ouverture… pourtant jusqu’à présent, la navigation au niveau du vieux pont de Mante ne se faisait que par une seule arche de 33 pieds alors que certains bateaux faisaient 28 pieds de large…

Travaux du  pont de Neuilly 1768-1769
Epuisement des eaux
Les travaux sont colossaux… Des engins formidables sont utilisés, une main d’œuvre importante est employée pour cette organisation mais, entendons-nous bien, ce chantier ne concerne que la partie du pont du côté de Mante d’ailleurs, Perronet lui-même dit que le Vieux Pont de Limay, construit sur le premier des grands bras a été reconnu pouvoir durer encore un certain nombre d’années… mais lorsqu’il parle de Limay, il parle aussi de « faubourg »… Les querelles entre les Chiens de Mante et les Loups de Limay seraient-elles toujours d’actualité à l’époque de Monsieur Perronet ?

Le nouveau pont de Mante est utilisable dès 1765 pour le plus grand confort de ses utilisateurs et l’on doit attendre avec assez d’impatience la construction, suite logique, d’un « nouveau pont de Limay », d’ailleurs prévu, dans le prolongement de ce pont dit Perronet très novateur et ayant bénéficié des techniques les plus modernes de l’époque… bon d’accord, notre bon Vieux Pont est encore assez solide, mais il va falloir attendre quelques dizaines d’années… jusqu’en 1855 pour pouvoir utiliser le pond neuf de Limay ! Curieux cheminement à effectuer en attendant sur cette route, pourtant appelée Royale, comme on peut le voir sur le plan ci-dessous puisque après avoir emprunté le pont Perronet, il faut tourner à angle droit à droite pour aller récupérer le Vieux Pont et vice versa lorsque l’on vient de Limay… 


Malgré tout ce qui reste à dire au sujet de notre Vieux Pont qui a su charmer, tout au long de son histoire, tous ceux qui le découvraient jusqu’à être starisé dans le film "Jules et Jim" de François Truffaut, sorti sur le grand écran en 1962, il va bien falloir le quitter… Mais tout de même, on ne peut passer sous silence cette étrange alliance, lorsqu’on y songe, entre cette automobile début du 20e siècle qui, désespérée, se jette dans la plaie béante de notre Vieux Pont témoin, au fil des siècles, de tant de souffrances humaines et ces immenses cheminées de la centrale de Porcheville qui ennuagent le ciel de leurs vapeurs douteuses.


Allons, cette fois il nous faut avancer, il reste tant de choses à découvrir et le temps nous est compté. Osons tourner le dos à notre si aimé Vieux Pont… ne soyons pas inquiets, il saura se rappeler à notre mémoire…
Empruntons le Quai qui porte maintenant le nom d’Albert 1er,  « Roi Chevalier de la Grande Guerre » ; mais était-ce vraiment rendre hommage a ce très distingué roi des Belges que de l’installer à la place de Saint-Nicolas sur la plaque qui indique le nom de ce petit quai situé entre notre Vieux Pont et le nouveau pont de Limay ? Jusqu’alors, ce quai s’appelait Saint-Nicolas en référence à l’importante confrérie des « Maîtres-Aydes » du pont de Mantes qui s’étaient placés, en 1652, sous le patronage de ce Saint et qui avaient obtenu, contre des droits plutôt importants, l’usage de la chapelle du même nom, qui devait être l’une des chapelles de la collégiale, sans doute celle qui sera ensuite dédiée à l’Ange Gardien… et cette confrérie ne bénéficiait pas que de ce seul privilège mais… c’est une autre histoire qui nous conduirait beaucoup trop loin de celle de Limay qui nous importe aujourd’hui.
 

Pont de Mantes - 1895
La Seine qui s’offre aujourd’hui si bleue à nos regards mais que nos aïeux ont vu toute blanche, prise par la glace, si complètement gelée que l’on pouvait la traverser à pied sec … Ah ! Merveilleuse invention que la photographie qui nous permet de contempler à notre tour ce qui nous semble une étrangeté mais qui était un phénomène assez fréquent jusqu’au premier tiers du 20e siècle comme en cette année 1895 pendant laquelle on a pu marcher sur l’eau solidifiée pendant au moins 23 jours. Non seulement la scène a été immortalisée mais elle a aussi été éditée sous forme de cartes postales  et du coup, les habitants d’alors se sont souvenus très longtemps de cet hiver 1895 où déjà certains racontaient à ceux qui ne le savaient pas qu’une noce entière s’était faite photographier sur le fleuve glacé en décembre 1879 mais à dire vrai ce n’est pas de cela dont on se souvenait le plus car ce qui a marqué les mémoires est ce qui s’est passé après… on se souvient même d’une date précise, le 07 janvier 1880 où la Seine, si nécessaire à la vie des habitants, s’est fâchée… voulant sans doute se débarrasser de cette chape de glace qui lui pesait, elle s’est mise à gronder… on a d’abord entendu quelques craquements, on a remarqué quelques fissures sur la glace mais bientôt un spectacle aussi grandiose qu’effrayant s’est offert à la vue des Limayens… Le fleuve entier est entré dans une colère noire et a craché dès l’amont son courroux dans un courant impétueux…  et des blocs de glace énormes, des troncs d’arbres, des débris d’embarcations, des pierres, de la ferraille, des meubles et même des cadavres d’animaux, devant la population ébahie,  sont charriés, roulés, soulevés, projetés contre les arbres de l’île de Limay qui ne résistent pas au choc et qui, arrachés, rejoignent les autres victimes de la furie fluviale… La Seine, dans sa fureur, déborde et couvre de ses eaux rageuses les maisons riveraines, effondrant leurs murs, attrapant au passage leurs pierres qu’elle jette dans son lit ravagé… Au niveau de l’arche la plus proche de la rive, la glace s’arc-boute, formant comme un mur sur la pile de notre bon Vieux Pont qui, malgré l’abandon dans lequel il se trouve depuis l’inauguration du nouveau pont, va résister vaillamment et, courageusement, va offrir un rempart suffisamment solide pour dévier le flot ravageur vers sa seconde arche… permettant ainsi que les bateaux des Limayens amarrés en aval soient épargnés par le courant dévastateur…

Il paraît  que dès le lendemain, sortant de leurs abris, plus de mille badauds –la population de Limay vers 1880 devant être inférieure à mille quatre cents habitants- seraient venus commenter l’événement sans précédent et s’extasier devant la robustesse de notre bon Vieux Pont décidément omniprésent dans l’histoire de Limay…
Comme il est difficile de résister à son pouvoir d’attraction mais nous devrions pouvoir le faire puisque nous nous engageons maintenant sous le nouveau pont, ce qui veut dire que nous tournons résolument le dos au Vieux Pont, mais n’oublions pas de jeter un coup d’œil à la petite plaque, discrète, qui indique la hauteur maximum atteinte par la crue de la Seine en 1910… ceci écrit, ce n’est pas la première fois que la Seine sort de son lit à Limay et… ce ne sera pas la dernière… mais en cette année 1910, certaines photos ont été prises et sont parvenues jusqu’à nous… alors, allons-nous afficher une autre vue que celle de notre Vieux Pont les parapets dans l’eau pour illustrer notre propos comme… un cliché du restaurant sis sur l’Ile et portant le
nom évocateur de « Robinson » pratiquement submergé ? Mais non, car la situation est loin de s’améliorer et les prochaines crues sont à redouter à Limay bien entendu mais également dans toute la vallée de la Seine, voici donc une photo qui date de février 2018… Mais où se trouve donc ce bateau ? Cette photographie a été prise à quelques mètres d’ici car nous n’avons plus qu’une dizaine de pas à faire et nous débouchons Quai aux vins…

Passons vite notre chemin car je risque d’oublier la modération et de m’enivrer avec un peu trop de détails et d’anecdotes au sujet des vignobles de Limay  qui produisaient ce bon petit vin qui plaisait tant au « Vert Galant »(1) et à ses successeurs… et cette fois, ce n’est pas une autre histoire…

Note :
(1) Ici, référence au  Roi Henri IV né en 1553 et mort en 1610
A suivre

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