Lettre de la Grande Guerre
Une petite fille écrit à son oncle au front
Voici sans doute la lettre de cette époque que je préfère dans la boîte à souvenirs.
Malgré sa grande fragilité due à l'ajout de rubans dans des incisions faites au préalable, elle est encore aujourd'hui dans un excellent état de conservation. Il va sans dire que je ne la manipule plus depuis que j'ai procédé à son scan.
Non seulement je trouve cette lettre très belle mais elle est le témoin de la réelle tendresse qui existait entre tous les membres du clan des Livet. Ce n'est que très tardivement que j'ai compris que cette famille bienfaisante n'était pas la règle mais l'exception... J'ai une chance inouïe d'avoir été élevée en son sein.
Cette lettre est destinée à Papa Noé qui est Noé Livet, l'époux d'Emilie Chalvet ; ils sont les parents de Germaine et d'Emile et les futurs grands-parents de René Livet, mon père.
J'ai longtemps pensé que c'était parce qu'il avait servi de père au mien que toute la famille l'appelait Papa Noé, comme mon père le faisait mais non, il était appelé ainsi de longue date, bien avant la naissance de René.
Malgré son âge, il est né le jour de Noël 1873 -d'où son prénom- et le fait qu'il ait été victime d'un grave accident de la circulation en 1912 qui lui vaudra une invalidité compensé par une rente versée par la Mutualité Industrielle, il est soldat.
Henriette, Georges, Henriette et Jeannette bébé |
La petite fille qui écrit s'est appliquée pour faire une "belle lettre parêille". L'apprentie épistolière est, à l'état civil Jeanne Sirejean née le 13 février 1907 dans le 15e arrondissement de Paris de Georges Alexandre et de Louise Chalvet ; dans de très, très nombreuses années, elle sera ma marraine mais avant, elle connaîtra de terribles malheurs. Elle est la dernière née d'une fratrie d'au moins huit enfants dont des jumelles mais dont seuls quatre vont atteindre l'âge adulte. L'aîné est un garçon que l'on appelle Georges et qui est également au front ; malheureusement, le caporal au 94e Régiment d'Infanterie sera méchamment blessé au bras durant le conflit, il sera envoyé au service auxiliaire au camp de prisonniers allemands de Coëtquidan dans le Morbihan en Bretagne. Petit à petit, il perdra l'usage de son bras gauche et décédera prématurément d'insuffisance respiratoire le 15 novembre 1936.
Viennent ensuite Georgette qui, adulte, habitera dans l'immeuble des Livet, elle sera donc en plus de cousine, la voisine de mon père... ce qui fait qu'ils seront très proches jusqu'au décès, également beaucoup trop tôt, de Georgette qui, née le 05 mars 1900, mariée en 1922 et divorcée en 1926 ne se remariera jamais, décédera en 1959. La troisième sœur, Henriette est née le 20 mai 1902 dans le 14e arrondissement, je vais très bien connaître la cousine Yéyette qui n'aura pas d'enfant de son mariage avec Georges Giroir.
La tante Marie chez qui toute la famille, sauf Noé et Georges, est allée dîner est la soeur de Louise la mère de la petite Jeannette et donc la belle-sœur de Noé. Ce qui semble vouloir dire que son oncle Henri Montenach, époux de Marie était en permission et que leur fils Lucien, né en 1897, n'avait pas encore été appelé sous les drapeaux.
C'est Georgette qui continue la lettre commencée par sa petite soeur ; elle est la filleule de leur oncle Noé.
Curieusement, peu de lettres destinées à Noé durant cette époque de guerre ont été conservées, du moins dans la boîte à souvenirs dont je suis actuellement dépositaire. Il y a aussi une carte représentant sa fille Germaine, ma grand-mère que je n'ai jamais commue parce qu'elle est décédée lorsque mon père n'avait même pas encore l'âge de raison.
Parmi cette correspondance durant la grande guerre essentiellement constituée par les lettres qu'un certain Lucien Chou adressait à sa petite fiancée Germaine Livet, se trouvent quelques réponses à la même Germaine écrites par son oncle Henri Montenach.
Il parle principalement du grand ennui qui le ronge et qui le rend fou, surtout lorsqu'il est à Corbie dans la Somme ; il a hâte de venir embrasser les enfants.
En 1917, il sera affecté, comme mécanicien, au premier groupe d'aviation à l'école de Vineuil où il se sentira beaucoup plus utile. Il est à noter que son fils Lucien, très jeune, le rejoindra, également comme mécanicien, dans l'aviation. Ce sera dans un terrible accident d'avion, après guerre, que le fils Montenach trouvera la mort.
Les lettres signées par Henri Montenach sont les seules à ne pas avoir été décorées, celle de Lucien Chou sont toutes ornées de fleurs.
La boîte à souvenirs, ce qui semble étonnant, ne contient aucune lettre signée par Noé...
J'espère que cette jolie lettre puisse être transmise de dépositaire en dépositaire afin qu'elle continue à voyager de siècle en siècle et témoigner du temps révolu.
Quel beau témoignage familial ! Et très émouvant, les lettres décorées de fleurs, et celle avec les rubans témoignent de toute l'affection que l'on veut transmettre. Merci du partage, moi aussi je garde des lettres où mon beau-père dessinait des vols d'oiseaux par exemple.
RépondreSupprimerMerci beaucoup. C'est vrai, décorer de fleurs, d'oiseaux ou de rubans les lettres que l'on envoie à ses proches est une magnifique marque d'affection
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