vendredi 8 mai 2020

Victoire des alliés 08 mai 1945

La difficile commémoration

Bonjour mon lecteur,

Rédiger la vie de nos ancêtres
Vers toutes les fêtes
Je vais vous parler de la date du 08 mai qui est un jour férié en France mais j'ai toujours l'impression qu'un flou auréole cette journée car, franchement, je ne suis pas sûre que l'on sache aujourd'hui ce que l'on commémore vraiment... On entend même maintenant parler d'armistice de la seconde guerre mondiale... pourtant, ce n'est pas ce dont il s'agit.
Alors, j'ai voulu comprendre et je me suis aperçue que le problème ne datait pas d'hier.
Bon, la première loi, qui porte le n° 46-934 concernant cette date remonte au 07 mai 1946 ; les faits concernés datant de 1945, tout concorde mais la disposition prévue dans cette loi nous oblige déjà à nous interroger : cette date est-elle réellement importante ? Il est effectivement stipulé que la commémoration de la victoire serait fixée au 08 mai de chaque année à condition que cette date corresponde avec un dimanche, dans le cas contraire, la commémoration serait reportée au premier dimanche qui suit le jour du 08 mai.
Il faut ensuite attendre 1953 pour que le 08 mai devienne, à la demande des associations de déportés et de résistants, férié.
Mais, dès 1959, un nouveau changement intervient et les commémorations sont fixées, par la Ve République, au deuxième dimanche du mois de mai.
Les choses vont rester dans cet ordre durant neuf ans puis il est décidé de revenir au 08 mai  pour célébrer la victoire des alliés mais le jour reste travaillé s'il ne tombe pas un dimanche.
Valéry Giscard d'Estaing, président de la République française du 27 mai 1974 au 21 mai 1981, désireux de marquer fortement la réconciliation entre la France et l'Allemagne, supprime la commémoration officielle de la victoire sur l'Allemagne, et le caractère chômé du jour, pour la remplacer par une journée de l'Europe.
Le président suivant, François Mitterrand, déclare en 1981 que le 08 mai redevient un jour férié et que la journée est dédiée à la fin de la seconde guerre mondiale et à ses combattants.

Bon, année après année, le 08 mai, le président de la République passe en revue les troupes place de l'Etoile à Paris, ravive la flamme de la tombe du soldat inconnu et dépose une gerbe enrubannée de tricolore.

Mais, quel a été le rôle de la France dans la journée originelle du 08 mai 1945 ?
Avant de tenter de répondre à cette question, je dois vous rappeler que la date est elle même contestée car la capitulation de l'Allemagne, puisque c'est bien cela qui est commémoré le 08 mai, a fait l'objet de deux signatures différentes.

Dès le début de l'année 1945, il devient évident que la faveur de l'issue de la guerre penche du côté des alliés qui gagnent inexorablement du terrain en Allemagne.
Cependant la guerre se poursuit encore avec rage en Europe mais aussi dans le Pacifique lorsque les alliés décident de se rencontrer pour discuter de l'avenir. A cette époque, l'Armée Rouge n'est plus qu'à une encablure de Berlin et Staline, qui veut que le monde entier reconnaisse sa suprématie, exige que la réunion se fasse à Yalta en Crimée. Durant cette semaine de pourparlers qui se tient du 04 au 11 février, la France n'a pas été invitée, elle n'est pas considérée comme faisant partie des vainqueurs.
Il faut dire que Franklin Roosevelt n'apprécie guère le général de Gaulle qui refuse de placer la France sous une sorte de protectorat des Etats-Unis... peut-être pour faire main basse sur son empire colonial et ses bases stratégiques... ce qui expliquerait que le président américain ne digère pas la libération de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui était sous le contrôle du gouvernement de Vichy, par les forces navales de la France Libre. L'opération avait été exécutée malgré l'avis défavorable donné au général de Gaulle par les USA mais avec l'assentiment de Winston Churchill.
Les accords fixent notamment le contrôle de l'Allemagne par les trois vainqueurs mais, sans doute sous la pression de Churchill qui commence à avoir quelques soupçons au sujet de la probité soviétique en la matière, il est prévu que la France serait également, si elle le désire, invitée à occuper une zone et à faire partie de la commission de contrôle au titre de quatrième membre.
D'autres clauses portent sur des accords d'entrée en guerre de l'URSS contre le Japon... 

J'en profite pour faire ici une légère digression en vous apportant un tout petit témoignage : Mon père, René Livet, a été victime de la déportation du travail, restée sous le nom de S.T.O. Il était employé à la Deutsche Reichsbahn à ULM, qui était un lieu hautement stratégique. Après des journées terribles passées
Extrait passeport René Livet
sous les bombes, tout à changé lorsque qu'il est sorti le 24 avril 1945 de l'abri dans lequel il était terré avec ses compagnons d'infortune et qu'il s'est retrouvé face à des Américains.  Il a noté cet événement mémorable au dos de son passeport, là où il a également listé les bombardements auxquels il a échappé, ce qui n'a pas été le cas de tous ses camarades. "24 (avril) à 11 heures, arrivent des américains"

Drapeau de l'Armée Rouge


L'Armée Rouge avance inexorablement sur Berlin... C'est la débâcle... Hitler se suicide le 30 avril... Les Soviétiques prennent la ville, le drapeau de l'Armée Rouge domine Berlin qui rend les armes ce 02 mai... l'Allemagne, vaincue, capitule...
Il faut en finir au plus vite.

La capitulation est officialisée à Reims, où est installé le quartier général des forces alliées dont le général Eisenhower est le chef, le 07 mai ; la salle qui a accueilli les participants aux signatures de l'acte était la "war room", elle a été depuis classée monument historique et a été transformée en musée.
C'est donc sur les lieux où a été signé l'acte officiel qu'est  conservé un exemplaire du texte de la capitulation ayant appartenu à l'amiral Karl Dönitz, successeur d'Hitler à la tête du IIIe Reich après le suicide du Führer. Dönitz a donné par câble, la veille, pouvoir au général allemand Alfred Jodl de signer sans discussion l'acte tel qu'il lui a été présenté.
Une mention manuscrite attire l'attention du visiteur le plus inattentif ; il s'agit de l’authentification de la main même de Dönitz  datée et signée le 15 avril 1977.


Signatures de l'acte du 07 mai 1945

De très nombreuses questions viennent à l'esprit. La première est l'heure de la signature : 2 h 41 du matin, en pleine nuit... il fallait absolument arrêter la guerre au plus vite.

La brièveté du texte, distribué en 5 petits paragraphes, peut paraître surprenante mais s'explique par le fait que l'Allemagne n'est pas en position de discuter.

Le général Eisenhower ne signe pas l'acte, c'est le général Bedell-Smith, chef d'Etat-Major, qui le représente.

L'article 4 interpelle car il stipule que le présent acte de reddition militaire sera, sans préjudice, remplacé par tout autre instrument général de reddition qui sera imposé par ou au nom des nations unies. Ce serait le représentant de l'Armée Rouge, le général Sousloparov, qui aurait introduit cet article...

Article 4 - exemplaire de Karl Dönitz, successeur d'Hitler 

Le document comporte une quatrième signature qui doit particulièrement  attirer notre attention. Elle figure dans le pied de page, la partie dactylographiée ne présente pas les mêmes caractéristiques que le reste du texte.
Gal Sevez à la table des signatures

Cette signature est celle du général Sevez, second du général Juin.
La France n'a pas été associée aux préliminaires, pas le moindre petit drapeau français n'a été prévu dans la salle des signatures, aucun exemplaire de l'acte de capitulation en langue française n'a été dactylographié...
Le général Sevez s'est comme imposé, il a fini par être introduit dans la salle et a enfin été autorisé à signer, pour la France... en qualité de témoin...

Staline, veut que l'acte du 07 mai de Reims soit considéré comme un préliminaire et exige qu'un nouvel acte soit signé, plus solennel, sur le sol allemand pour bien mettre en relief la défaite allemande... comme les Allemands avaient exigé la signature de l'armistice de 1940 à l'endroit même où avait été signé l'armistice du 11 novembre 1918.
Le général de Gaulle n'est pas plus content que Staline, pour des raisons très éloignées car il entend bien que la France soit officiellement associée à l'acte et demande donc également une nouvelle signature.
Il adresse un télégramme au général de Lattre de Tassigny.
« Paris, le 7 mai 1945.
Je vous ai désigné pour participer à l’acte solennel de la capitulation de Berlin. Il est prévu que seuls le général Eisenhower et le représentant du commandement russe signeront comme parties contractantes. Mais vous signerez comme témoin. Vous devrez, en tout cas, exiger des conditions équivalentes à celles qui seront faites au représentant britannique, à moins que celui-ci signe pour Eisenhower. »

Le 08 mai, une seconde cérémonie est donc organisée, selon les exigences de Staline, à Berlin, au quartier général soviétique.
A la vue du général de Lattre de Tassigny, Keitel se serait exclamé "Quoi ? Les Français aussi !" Ce n'est pas le seul incident qui va émailler la signature et Joukov fera l'étonné, feignant de n'avoir pas été prévenu de la participation du général de Lattre de Tassigny... le drapeau de la France n'était même pas prévu et il faut aller en quérir un dans l'urgence...
Les réactions décrites par le général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre prouvent que la France, par l'intercession des plus grands, a du arracher de haute lutte sa place parmi les vainqueurs.
Trois Allemands apposent leur signature : le maréchal Keitel au nom du haut commandant allemand, l'amiral Von Friedeburg commandant en chef de la marine allemande et le général Strumpf représentant le commandant en chef de l'armée de l"air allemand.
Eisenhower a délégué la signature à son second, le maréchal de l'air Tedder, britannique et le maréchal Joukov a signé au nom de l'Armée rouge.
Mais cette fois, malgré les inimitiés évidentes, la signature de Jean de Lattre de Tassigny trône en bonne place, officielle, à côté de celle du général Spaatz, commandant de l'United States Strategic Air Force.
Le général de Gaulle, par le truchement de la radio, fait un discours le 08 mai à 15 heures, simultanément aux allocutions faites dans les capitales alliées, qui commence ainsi :
"La guerre est gagnée. Voici la victoire. C'est la victoire des Nations Unies et c'est la victoire de la France. L'ennemi allemand vient de capituler devant les armées alliées de l'Ouest et de l'Est. Le commandement français était présent et partie à l'acte de capitulation..."

Les Français inondent les rues et autres lieux publiques pour partager leur joie et leur soulagement.

A ce stade nous voici donc avec deux dates, le 07 et/ou le 08 mai 1945 pour un même événement, la reddition de l'Allemagne. Mais il ne faut pas oublier d'ajouter le 09 mai car, décalage horaire oblige, l'acte n'a été entériné que ce jour là du côté soviétique. Il est à noter que les Russes, de nos jours, commémorent avec grande pompe le 09 mai... mais ne lui attribuent pas vraiment la même signification...

Il n'y a pas eu d'armistice ni le 07 ni le 08 mai, c'est bien un acte (deux actes) de capitulation qui a été signé. On ne peut même pas parler non plus de fin de la seconde guerre mondiale car, à cette date, elle continuait à faire rage... en dehors de l'Europe.
Malgré tout, une conférence est organisée à Potsdam en Allemagne pour régler le sort des vaincus. Elle se tient du 17 juillet au  02 août 1945, la France n'est pas invitée. Truman a succédé à Roosevelt qui est décédé en avril dernier et Churchill qui a perdu les élections est remplacé, en cours de débats, par Attlee en revanche, Staline est plus que jamais présent...
Tout est décidément bien curieux dans cette rencontre qui semble sous la coupe de Staline qui nomme partout où il peut des gouverneurs communistes sur les places occupées par les Soviétiques.
Churchill, le 12 mai 1945, avait écrit à Truman "Un rideau de fer est tombé sur le front russe" mais le monde ne voit plus rien et s’enivre de l'allégresse de la victoire en travaillant assidûment à la fondation de l'ONU...
Durant cette conférence de Potsdam, Truman et Attlee se souviennent-ils que Staline, après avoir négocié un rapprochement bancal avec les Français et les Britanniques, avait conclu pour 10 ans, le 21 août 1939 avec Berlin et que la Pologne avait même été préalablement dépecée et partagée entre eux ?
Cette fois, mieux vaut être prudents, Londres et Washington s'entendent pour que la France, qui risque bien de retrouver de sa superbe et qu'il serait bon d'avoir à leurs côtés face à la vague rouge, se voit attribuer une zone d'occupation...
Les accords de Potsdam ne contiennent-ils pas les prémices de la guerre froide ? 
En contre-partie de cette reconnaissance, la France n'accepterait-elle pas de laisser aux mains de ses amis l’Indochine française dont les garnisons encore en place viennent d'être massacrées, le 09 mars, par les Japonais ?
Les accords de Potsdam ne contiennent-ils pas l'annonce de la guerre d'Indochine ?
En attendant, il faut justement en finir avec le Japon et Truman lâche le 06 août une bombe atomique sur Hiroshima et, trois jours plus tard, une autre sur Nagasaki... histoire de réfréner la trop puissante, mais encore traditionnelle, Armée Rouge.
Le monde va maintenant vivre sous la menace atomique.
Entre les deux bombes, comme convenu aux accords de Yalta, les Etats-Unis ont déclaré la guerre à l'empereur Hiro Hito et envahi la Mandchourie.
Dès le 10 août, Tokyo négocie avec Washington.
Le 02 septembre, l'acte de capitulation est signé sur le cuirassé Missouri de la US Navy en rade de Tokyo.




Mamoru Shigemitsu, le ministre japonais des affaires étrangères signe au nom de l'empereur, sa signature est suivie de celle de Yoshigiro Umuzu, chef d'état major de l'armée impériale japonaise.
Suivent la signature du général Douglas MacArthur, pour les Etats-Unis et celles de

  • Chester Nimitz, amiral de la marine des Etats-Unis,
  • Hsu Yung-Chang, général de la République de Chine,
  • Sir Bruce Fraser, amiral, pour le Royaume-Uni,
  • Kouzma Derevianko,  lieutenant-général pour l'Union soviétique,
  • Sir Thomas Blamey, général, pour l'Australie,
  • Laxrence Moore Cosgrave, colonel, pour le Canada,
  • Philippe Leclerc de Hauteclocque, pour la France,
  • Conrad Helfrich, lieutenant amiral, pour les Pays-Bas,
  • Léonard Isitt, Air vice-marshal, pour la Nouvelle-Zélande.
Cette fois, la France a été officiellement invitée et c'est le magnifique officier, emblème de la France Libre, Philippe Leclerc de Hauteclocque qui a la responsabilité et le grand honneur de représenter le gouvernement provisoire de la France.

Le 02 septembre 1945 est la date de la fin de la seconde guerre mondiale.


Je pense qu'il ne faut pas oublier non plus que le 08 mai 1945 est entaché de sang... car cette date est également restée dans l'histoire de France sous le nom de "Massacre de Sétif"... la-bas, en Algérie, dans cette région que l'on appelle le Constantinois... La situation était déjà tendue depuis un certain temps et ce jour là, une manifestation a tourné à l'émeute... Elle était pourtant autorisée, sous conditions... dont celle qui précisait que seuls les drapeaux français et ceux des alliés avaient le droit de sortie. Mais voilà qu'apparaît un drapeau algérien... c'est la bousculade... le porte drapeau est tué... le rassemblement tourne à l'émeute... Le mal se répand dans les villages avoisinants... L'armée est obligée d'intervenir...

Voila, en très résumé, les raisons qui font que, beaucoup de personnes aujourd'hui ne savent pas trop ce qui est commémoré le 08 mai et pourquoi les lois ont souvent été modifiées à son sujet

Merci pour votre lecture et n'hésitez pas à me laisser un commentaire en bas de cet article.

À  bientôt,
Catherine Livet

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2 commentaires:

  1. Un excellent film sur ce sujet diffusé en ce moment (05/2021) sur ARTE "La fin de la seconde guerre mondiale. L'analyse de Catherine se révèle tout à fait complète et exacte F Lenglet

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Merci pour cette lecture.
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