25 novembre 1926, Germaine Livet est admise à l’hôpital Broussais
C’est au crépuscule du siècle, comme pour bien se préparer à l’aube du développement des sciences et des progrès que, le 17 janvier 1900, à 11 heures 45, la jeune Emilie Chalvet, âgée de 18 ans, alors relieuse, met au monde, au 123 boulevard Port Royal, dans le 14ᵉ arrondissement de Paris, Andrée, Germaine, la fille de Noé qui exerce la profession de cocher.
Comme elle n’arrivait pas, enfant, à prononcer son prénom d’Andrée, c’est celui de Germaine qui est devenu son prénom usuel.
C’est le 15 juillet qui suit sa naissance, alors que se tiennent dans la capitale, dans le cadre de l’exposition universelle, les IIe jeux Olympiques, que l’on baptise la petite Germaine à la paroisse Notre-Dame de Plaisance.
L’avenir devrait s’ouvrir à la petite fille ; l’espérance de vie est alors de 46 ans (40 ans en 1881), la technologie et la science font d’immenses progrès... Dans la presse, les titres se multiplient et les enfants ne sont pas oubliés : « l’Illustré », « l’Épatant » — avec les fameux pieds nickelés — , « l’Intrépide » sont pour les garçons ; « La semaine de Suzette » — avec dès 1905, l’illustre Bécassine — et « Fillette » sont réservés aux filles… la petite Germaine bénéficie de tous les progrès de ce siècle naissant, sa vie s’annonce confortable, son avenir long et prometteur… Elle est très entourée par sa famille.
Derrière Germaine Livet, de gauche à droite en regardant la photo, se trouvent : Émilie Chalvet, sa mère, Émile Berroy, son oncle, Thérèse Livet, sa grand-mère, Noé Livet, son père et Joséphine Berroy, sa tante.
Elle part régulièrement en vacances « à la campagne » pour respirer un bon air sain. En fait, elle va chez une tante, à Arnouville, aujourd’hui dans les Yvelines, comme ici, en 1908.
Le temps passe et nous retrouvons déjà la petite Germaine en communiante.
Parmi les cadeaux se trouvait un petit porte-monnaie en ivoire.

Le 14 mai 1913, Germaine entre, en qualité d’apprentie brocheuse aux éditions Max Leclerc et H. Bourrelier, les successeurs d’Armand Colin, 8 avenue Villemain dans le 14ᵉ arrondissement parisien. Ce premier emploi lui ouvre droit à des prestations retraite, une carte spéciale lui est automatiquement délivrée.
Elle est amoureuse !
Il faut
dire qu’il porte un bien joli nom, il s’appelle Lucien Chou… C’est un voisin, le fils d’une concierge
dans une rue adjacente. Mais l’époque n’est pas propice
aux amourettes de la tendre jeune fille... Nous sommes au début de la Grande Guerre...
Lucien est au front.
Ils
exhaleront leur amour par correspondance, pendant les longues absences du
« petit fiancé » de la jeune fille trop gâtée et – je l’ai toujours
pensé –, un peu capricieuse…
Elle oubliera parfois de répondre aux lettres du
pauvre Lucien…
Pratiquement toutes les lettres adressées par Lucien Chou, sont décorées de fleurs... le temps est parfois très long dans les tranchées... Le malheureux parlera souvent du froid terrible qui lui fera peur de perdre un pied.
À la fin de la guerre, lorsqu’il
rentrera, il épousera une autre jeune femme.
Pendant ce temps, Germaine a fait la connaissance de Jean Schmidt qui lui adressera de bien jolies cartes postales brodées… Nous ne saurons jamais qu'elle est la promesse qu'elle lui a faite et qu'il lui rappelle dans cette carte qui est la première qu'il lui adresse… Il habite alors dans le 9e arrondissement de Paris. Nous sommes alors, très certainement, à la fin de l'année 1918 ou au début de 1919. Leur relation ne sera pas suivie très longtemps... il faut dire que Jean Schmidt semble ensuite habiter à Strasbourg... du moins, toutes les cartes suivantes seront envoyées de cette ville, les deux dernières cartes seront expédiées au mois de mai 1919.
Germaine, à cette époque, a peut-être d'autres préoccupations... Elle est en grève. À partir du 13 mai 1919, et au moins jusqu’au 27 juin suivant, elle est adhérente au comité d’entente des métaux voiture, aviation et électricité. Elle est alors monteuse, il est donc certain qu’elle ne travaille plus aux éditions Max Leclerc et H. Bourrelier… ce changement d’emploi est sûrement lié à la Grande Guerre.
Fin 1921, début 1922, Germaine tombe amoureuse. Cette fois, c'est le bon ! Le mariage est en préparation… Malheureusement, le fiancé est victime d’un accident automobile mortel. Elle est enceinte…
Le 26 décembre 1922, elle donne naissance à un fils, René Émile, qui deviendra mon père… La mère et son enfant seront très bien entourés par leur famille, parents, frère, oncles et tantes…
Tout va bien pour Germaine. Au mois de mai 1926, elle commande une salle à manger composée d’un buffet Renaissance en chêne ciré à corniche droite d’1 m 40, d’une table à allonges en chêne assortie et de 6 chaises cannées, le tout pour la somme de 2 285 F. René gardera toute sa vie la salle à manger de sa mère, le buffet est aujourd’hui au 37 rue Nationale à Triaize en Vendée, la table est chez moi et les chaises sont dispersées.
Malheureusement, le destin a décidé de jouer un mauvais tour à la jeune femme.
Voici probablement la dernière photographie de Germaine qui semble avoir été prise à l’aide d’une cabine automatique, elle aurait donc utilisé vraiment l’un des tout premiers dispositifs de ce type, car l’on fixe généralement l’arrivée des « Photomaton » à Paris à l’année 1928 or, cette photo est obligatoirement antérieure à cette date.
Germaine n’aura certainement plus l’occasion de poser devant un objectif parce qu'elle est souffrante, tellement malade même qu’elle est admise à l’hôpital Broussais le 25 novembre 1926, elle y restera jusqu’au 8 décembre.
Mais si elle est renvoyée chez elle, ce n’est pas parce qu’elle va mieux, bien au contraire, c’est parce que les médecins ne peuvent rien faire pour elle… elle a une tumeur dite maligne… elle n’a plus que quelques semaines à vivre… effectivement, elle décède au 39 rue Daguerre, chez elle, mais la déclaration est faite par Monsieur Jean Léger qui est employé au 47 rue Boulard, le 04 janvier 1927 à 5 h, elle n’a même pas 27 ans. Elle est dite brocheuse, comme sa mère. Bien entendu, en marge du registre 14D 356 des actes de décès du 14ᵉ arrondissement, le prénom qui figure est celui d'Andrée.
Son père, Noé, réglera la somme de 550 F aux établissements Eugène Léger qui se chargeront des funérailles ainsi que la somme de 60 F au service municipal des pompes funèbres. La cérémonie religieuse se déroule bien entendu à l’église Saint-Pierre de Montrouge, l’assemblée est importante, elle était si jeune, tout le monde est bien triste devant cette Vie trop courte. Puis, Germaine est transportée au cimetière parisien de Bagneux, la concession est prise pour cinq ans, son corps entouré d’un drap galonné en coton est placé dans un cercueil de chêne et toute l’assemblée suit un service religieux de 9ᵉ classe ; elle est inhumée le 06 janvier 1927 dans la 71ᵉ division, à la 10ᵉ ligne, dans la fosse n° 36 ; ce n’est que le 18 avril suivant que le marbrier, Fernand Chouvin, prend contact avec Noé pour lui dire que le terrain dans lequel est inhumée Germaine est assez tassé et qu’il est possible, dès que Noé le voudra, de commander les travaux de l’entourage, Monsieur Chouvin est prêt à se déplacer avec ses catalogues ; en attendant ces travaux définitifs, le marbrier avait posé sur la tombe une petite croix provisoire et avait conservé les couronnes provenant du convoi, ce qui fait que je suis obligée de penser que les couronnes en question étaient composées de fleurs artificielles.
Jamais René n’a parlé de visites sur la tombe de sa mère, peut-être a-t-on voulu le préserver, pensant qu’un cimetière n’était pas un lieu pour un enfant ; la concession a été renouvelée au moins une fois, le 17 septembre 1932, par Émile, frère de Germaine, pour la somme de 100 F.
Et voilà, une vie entière, en quelques lignes et quelques documents, pour le #ChallengeAZ.
À demain pour Wading en eaux chaudes
Catherine Livet
Ce texte a été rédigé dans le cadre du #ChallengeAZ 2025.
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