Bon, la Légion, on la connaît et,
pour la plupart d’entre nous, nous l’aimons… mais j’ai une relation un peu
particulière avec elle ou plus exactement avec l’un de ses soldats… le Sergent
Charles Muyllaërt !
Ceux qui me connaissent un peu
-et encore plus ceux qui me connaissent un peu plus- savent que je parle
beaucoup de lui et pourquoi je le fais mais pour les autres, ce n’est pas
évident alors voilà :
Charles François Muyllaërt est né le 16 mars 1890 à Doullens dans la
Somme… ce qui est déjà un mystère… Pourquoi est-il né dans cette ville alors
que sa famille était parisienne ? Je ne vais pas développer ce sujet parce
que ce n’est pas le propos de cette publication.
Il est né d’un autre Charles
François Muyllaërt mais qui était couramment appelé François et de Hortense
Merda ; ses deux parents étaient veufs, chacun de leur côté donc,
lorsqu’ils se sont mariés et avaient chacun un certain nombre d’enfants… C’est
la branche terrible de ma généalogie et lorsque je dis terrible… le mot est faible…
Il existe quelques circonstances atténuantes tout de même : misère et
déveine ont été les fidèles compagnes de route de cette branche tout au long de
son existence et sur plusieurs générations… C’est la « P’tite
Denise » qui va briser la première -et avec fracas- ce cercle vicieux.
Charles
-c’est son prénom d’usage, certainement pour le distinguer de son père- n’a pas
dérogé à la règle… il était déchaîné mais la première guerre mondiale, avant de
détruire complètement sa vie, l’a remis sur les rails.
La seule photo qui existait de
lui est introuvable depuis le décès de sa fille Charlotte, ma grand-mère
maternelle, mais il a laissé une impression de force et de grandeur à celle qui
l’a connu, la « P’tite Denise » qui n’est autre que ma mère et à ceux
qui l’ont vu sur cette unique photo qui le représentait (les nombreux frères et
sœurs de la P’tite Denise), chapeau vissé sur la tête, ganté,
couvert de médailles et en appui sur une pelle.
Mais enfin Charles
Muyllaërt ! Que diantre êtes-vous allez faire à la Légion ?
« Bah çà alors ! J’en r’viens pas ! Vous
êtes la fille d'la P’tite Denise ? Vous savez, j’sais pas
causer mais j’dois dire que j’l’aimais bien ma P’tite Denise, l’était bien la
seule à n’pas avoir peur d’moi et la première fois qu’elle a noué ses p’tits
bras blancs autour de mon cou pour m’faire un bécot j’ai failli la repousser
-j’avais pas l’habitude de ces effusions et encore moins des moutards- Ah mais, c’est pas c’que vous voulez
entendre ; c’est pourquoi, jeune, Français, m’suis r’trouvé engagé à la
Légion Etrangère… Ca va p’t’être pas vous plaire… Bah, tant pis, j’y
vais :
En 1910, j’ai fêté mes 20 ans,
j’voulais pas aller faire mon service, j’étais antimilitariste, anticlérical…
bon, j’étais contre tout… c’que j’voulais c’était profiter de ma légitime,
d’mes potes, faire la nouba, guincher jusqu’au matin en biberonnant… c’est bien
vrai ça… j’l’ai toujours aimée la bibine bien fraîche.
Alors v’la c’que j’ai fait : j’me suis fait recenser
loin… là où j’habitais pas… alors, j’ai pas reçu les convocations… Insoumis
z’on dit qu’j’étais à l’armée.
Et puis dis-donc, paraît que
tout le monde savait qu’ça allait péter… sauf ma pomme… l’a fallu que j’vois
l’affiche qui disait bien qu’les Boches voulaient not’peau… Mon sang n’a fait
qu’un tour ! J’suis allé m’engager, les Pruscos n’avaient qu’à bien se tenir…
j’la vendrais chère ma peau et la France, l’auront pas !
Mais bon, j’voulais m’battre,
pas qu’on m’foute au trou alors, vous savez c’que j’ai fait ? J’suis allé à la
Légion… sont moins regardants… j’ai pas été le seul, y en avait tellement
qu’ils savaient plus quoi en faire à la Légion Etrangère des Français… J’ai pas
pipé, tout p’tit que j’me suis fait, j’ai t’nu bon… j’suis resté… J’suis arrivé
au 2e le 28 août 1914, j’suis passé Caporal le 24 octobre suivant… J’ai été
content… Déterminé qu’j’étais à en bouffer du Boche ! C’est pas qu’j’lui en
voulais au Prussien au bout d’ma baïonnette mais c’était lui ou moi… Pensait
tout pareil en face de moi le Boche…
Une mesure exceptionnelle du Ministre
de la guerre m’a permis de rester à la Légion jusqu’à la fin des hostilités et
puis j’finirai mon temps dans un régiment conventionnel qu’ils m’ont dit et
j’ai même été rayé de l’insoumission et, dans la foulée, j’suis passé Sergent.
Ben voilà, c’est tout, c’est
l’destin…
Ca m’plait bien toutes ces
commémorations, ça m’rend heureux… J’aime bien entendre mes
arrières-petits-enfants dire que j’suis mort de mes blessures de guerre malgré
les 20 ans pendant lesquels j’ai survécu tant bien que mal. C’est beau de
continuer à vivre, cent ans plus tard, dans le cœur de ses descendants… Le
Poilu, le Monument préféré des Français ! J’ai pas été sacrifié pour rien
! »
Allez, c'est promis, il ne sera pas question, demain, du sergent Muyllaërt
Alors, à demain pour la lettre... M
Catherine Livet
Bravo
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