Léon Acolet - Partie 1


Je viens de terminer la lecture du dernier acte inscrit sur les registres de l’état civil de la ville de Limay pour l’année 1884. Oui, je me rends compte que mes occupations peuvent paraître étranges à ceux qui ne me connaissent pas en revanche, mes fidèles lecteurs ne seront nullement surpris puisqu’ils savent que, depuis des années maintenant, je tente de sortir un peu de l’oubli les hommes de cette petite ville des Yvelines ayant un lien avec la Grande Guerre.

Le 27 décembre 1884, Monsieur Adolphe Alexandre Langlois alors maire du village de Limay note soigneusement que la veille, au domicile de ses parents, un enfant de sexe masculin est né et qu’on lui a donné les prénoms de Léon Jules. C’est le père du bébé qui vient faire la déclaration, la maman est dite sans profession, elle est âgée de 32 ans et se nomme Alice Marie Pervillé ; il est assisté par son beau-père, Louis Victor Pervillé qui est alors âgé de 67 ans et est rentier à Limay et par un ami, Ambroise Ferdinand Delaroche, ancien instituteur. Bon, rien d’extraordinaire jusque là mais… Le déclarant est Jules Antoine, il est marchand de bois et porte le patronyme, aujourd’hui toujours bien connu des Limayens qui s’intéressent un tant soit peu à leur ville et à leurs voisins, d’Acolet…

Le même nom que notre menuisier local  ! Mais oui, nous sommes au cœur de l’histoire contemporaine de notre petite ville si aimée des uns et si maltraitée par les autres… alors, remontons un peu le temps.

Les parents de notre petit Léon Jules Acolet se sont mariés ici, dans l’étrange bâtiment qui abrite, à l’époque ou j’écris ces lignes, l’école de musique mais qui dans le temps dont je parle était la maison commune. Les travaux nécessaires à l’érection de ce nouvel édifice qui devait devenir la mairie-école de Limay ont officiellement débuté par la très belle cérémonie de pose de la première pierre, le 27 octobre 1857 pour se terminer par la cérémonie d’inauguration fixée au 29 mai 1859. 
Le mariage qui nous intéresse aujourd’hui est célébré le 18 septembre 1871… la période n’est pas des plus

Pontonniers bavarois aux Andelys en 1871, 
peut-être ceux qui ont jeté un pont provisoire sur la Seine, 
entre Limay et Mantes en mars de la même année
heureuses. Limay, terre de passage depuis toujours pour les troupes armées, n’a pas été épargnée par les Prussiens et même maintenant que le traité de paix définitif a été signé le 10 mai 1871 à Francfort en Allemagne, la guerre a laissé des traces surtout qu’en plus des revendications territoriales bien connues, la France doit verser une indemnité de guerre de 5 milliards… en attendant que cette somme soit payée… la France reste occupée.


Mais la vie continue et les deux familles avec les amis de nos fiancés du jour se trouvent face à Monsieur Joseph Laurent, alors maire de la petite ville, qui va officialiser l’union.
Le futur est donc Antoine Jules Acolet, il est marchand de bois, né le 10 juillet 1837 à Compiègne dans l’Oise où son père était maître marinier pendant que Louis Pierre Acolet, oncle du nouveau-né, construisait des bateaux. Le prénom d’usage de notre fiancé est Jules, c’est ainsi que je vais donc maintenant le désigner. Lorsqu’il se marie, il est orphelin de père car Antoine, marchand de bois, s’est éteint à l’âge de 58 ans, le 22 janvier 1869, à son domicile situé Chaussée du Pont à Mantes-la-Jolie, ville où le futur habite toujours ainsi que sa mère, Sophie Victoire Decoint, qui y est rentière sans doute depuis son veuvage.

La future est Marie Alice Pervillé qui n’a pas de profession, est née le 02 janvier 1852 à Fontenay-
Saint-Père de Louis Victor alors instituteur et de Adèle Luguière dont le père, François Joseph Alexis, est à l’époque de la naissance de sa petite-fille, régisseur du Mesnil à Fontenay-Saint-Père.


Les parents de la jeune femme sont présents et consentants ; il faut dire qu’ils n’ont pas beaucoup de chemin à faire car, rentiers, ils se sont retirés à Limay. En revanche, la mère du fiancé a donné son consentement par l’intermédiaire d’un acte authentique dressé le 09 septembre par Maître Emile Charles Leblanc, notaire à Limay qui, le 16 suivant, rédigera le contrat qui stipulera que le mariage sera placé sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts.
Une petite discussion a eu lieu lors du mariage car à la lecture de l’acte de décès du père du futur, Monsieur le maire a relevé une divergence : la veuve Acolet est nommée Victoire Descoint alors qu’on lui a fait écrire sur l’acte de mariage de son fils Sophie Victoire Descoint… toute l’assemblée, dont les témoins qui ont été choisis parmi les amis, atteste que c’est sur l’acte de décès qu’il y a une petite erreur et que la mère du futur se prénomme bien Sophie Victoire.
Revenons maintenant vers notre bébé Léon Jules Acolet né en 1884 et dont les parents sont mariés depuis 1871… entre ces deux dates, il y a de la place pour quelques naissances et, en effet, deux fillettes étaient là pour accueillir le nouveau-né. L’aînée est Berthe, née le 16 juin 1872 à Mantes-la-Jolie au domicile de ses parents, qui était toujours Chaussée du Pont , dont la déclaration de naissance a été faite par le père, toujours marchand de bois, assisté par son beau-père qui habite toujours à Limay. La seconde des filles est Juliette qui est née le 28 mars 1879 à Limay rue des Pigeons, au domicile de son grand-père maternel mais les parents de l’enfant sont toujours domiciliés à Mantes ; l’autre témoin de la naissance de cette fillette est Ambroise Ferdinand Delaroche, ancien instituteur, qui sera aussi présent à la déclaration de naissance de Léon Jules.
Léon Jules a la vie d’un garçonnet de son époque qui se partage entre sa famille, ses copains et son école et quelques grands événements qui viennent ponctuer sa routine comme le 20 décembre 1894 où sa sœur Berthe épouse, à Limay, Isidore Chancerel né le 27 novembre 1861 à Saint-Christophe de Chaulieu dans l’Orne où sa mère, Julie Aimée Devazé, veuve de Charles Louis François Chancerel, habite toujours lors du mariage. Le futur est garçon boucher, habite Limay et a satisfait à ses obligations militaires, il sera même libéré du service le premier octobre 1907 ; sa mère a adressé son consentement par acte authentique. Les parents de la future, dont le père est toujours marchand de bois mais qui habite désormais Limay, sont présents. Un contrat plaçant le mariage sous le régime de la communauté réduite aux acquêts a été signé devant Maître Michel Hippolyte Legoux, notaire à Limay. Deux amis de Limay assistent le futur époux, l’un est marchand boucher et l’autre est épicier en revanche, les témoins de Berthe ne semblent pas être du village. Il y a Fernand Jules Deslandres, âgé de 38 ans, qui est capitaine d’artillerie en garnison à Bourges et un autre Deslandres, Jules Louis Raymond, âgé de 34 ans, qui est négociant et habite 53 Boulevard Rochechouart à Paris. Ces deux hommes sont dits être petits cousins de la mariée.
Nous les retrouverons encore témoins de Juliette, l’autre sœur de Léon Jules, lorsque, toujours à Limay, elle épousera, le 09 mai 1898, Gaston Léopold Lacarpe qui est clerc d’huissier à Mantes.

Le temps passe si vite, Léon mesure maintenant un bon mètre soixante-dix, il est châtain aux yeux gris-vert, son nez et sa bouche sont moyens et son menton est rond ; son niveau d’instruction est de trois et il est bon pour le service militaire. Il est incorporé au 6e Régiment de cuirassiers dès le 03 novembre 1905, cavalier de 2e classe. Il passe cavalier de 1ère classe le 06 octobre 1906 ; est envoyé dans la disponibilité le 28 juillet 1907.  Il a résidé un temps, en 1908, au 5 de la rue de Paris à Andilly dans le Val d’Oise puis on le retrouve rue du Cordier à Limay où il s’occupe de l’entreprise familiale…
Ne serait-il pas temps pour Léon de commencer à penser sérieusement au mariage ?

Catherine Livet

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