#RDVAncestral avec Arthur Xavier Noyon

Étranges sensations qui s'emparent de tout mon être, contradictions entre la torpeur qui fige mon corps au fond du fauteuil, devant mon bureau, alors que mon esprit, pris d'une joyeuse frénésie, s'échappe, et file à la rencontre de celui, allez savoir pourquoi, d'Arthur Xavier Noyon.

Ô misère ! Les fées qui président habituellement aux naissances n’ont pas fait le déplacement pour la tienne. Tu es arrivé dans une masure, rue du Pavillon à Avesnes(1), dans le Nord.

Tu es le fils d’Hortense Merda. Sa vie n’a pas été facile, même son patronyme est un problème. C’est la sage-femme qui a assisté ta grand-mère maternelle pour l’accouchement et qui a déclaré que ta mère est née, ici, à Avesnes le 17 mai 1855. Ta grand-mère, elle aussi fille naturelle, s’appelait Marguerite Angélique Rahïr, mais son entourage la connaissait sous le nom d’Henriette Merda et la nommait, simplement, Mariette. La sage-femme ne devait pas connaître la véritable identité de l’accouchée… Ta mère n’a jamais eu de difficultés à cause de son patronyme. Mariette, c’est ainsi que nous appellerons ta grand-mère, a épousé, en août 1860, Constant Noyon, un veuf avec enfants. Cet homme est décédé le 27 septembre 1872 et ta grand-mère, le 26 février 1873, à seulement 41 ans. La situation est devenue encore plus difficile pour les enfants communs du couple, dont ta tante Julia, orpheline de 12 ans ; livrée à elle-même, elle va commettre, pour survivre, quelques vols qui la conduiront au bagne de Nouvelle-Calédonie et je ne sais pas qui s’occupe de son jeune frère, Paul, âgé d’environ 9 ans. Ta mère est un peu plus âgée, il est certain qu’elle travaille, mais elle est mineure… pourtant, elle va se marier – son mariage va se faire en deux temps parce qu’il faudra nommer un tuteur qui validera l’union de cette trop jeune fille, malgré le consentement de sa grand-mère – et, elle épouse… Henri Noyon, le fils de Constant Noyon. 

C’est donc Henri Noyon qui est ton père, mais tu n’as certainement aucun souvenir de lui. Tu es né le 03 février 1877 et il est décédé, chez vous, rue Bultot à Avesnes, le 26 mai 1879. Ta mère, une nouvelle fois, se retrouve désemparée et… responsable de trois enfants, car tu as une sœur aînée, Henriette et une cadette, Marie Joachime. Que peut faire ta mère, simple couturière ?

Il y a un homme qui, justement, cherche une épouse. Il est veuf depuis le 1er août 1879 et père de deux enfants, un garçonnet d’environ 6 ans et un bébé né le 19 juin 1879. C’est le 15 septembre 1880, toujours à Avesnes, qu’Hortense devient madame Charles François Muyllaërt. Le bébé qu’Hortense avait eu de son premier mariage, ta sœur Marie Joachime, née le 30 décembre 1878, décède le 02 novembre 1880 et le bébé né du premier mariage de François Muyllaërt, décède le 10 décembre suivant.

C’est donc François Muyllaërt qui t’a élevé. Ta mère et ton beau-père vont t’offrir pas moins de 8 frères et sœurs, peut-être même 9, mais qui disparaîtront très vite ; seulement deux garçons atteindront l’âge adulte, le premier-né de ce deuxième mariage de ta mère, Laurent Hector et son jeune frère, Charles François Muyllaërt, né en 1890, qui sera mon arrière-grand-père.

L’histoire de ta mère va se rejouer. Henriette Noyon, ta sœur, épousera Léon Benoist Muyllaërt, le fils de votre parâtre. Cette union n’était peut-être pas une très bonne idée, elle va très mal se terminer… Henriette va être mêlée à une sombre histoire qui se soldera par la mort d’un homme et la condamnation à une peine de prison à perpétuité pour la jeune et inconséquente Henriette.

Je ne sais rien de ton enfance, sauf que tu dois grandir à Paris où tes parents s’installent vers 1885, après avoir fait un séjour à Mons, en Belgique, pays de ton père. Tu fréquentes certainement convenablement l’école puisque tu sais lire, écrire et compter. 

Tu exerces le métier de bijoutier ; je ne sais pas pourquoi ni comment tu es arrivé à cette profession qui n’a, a priori, rien de commun avec celles de tes proches. Ton père est cordonnier et tes demi-frères seront terrassiers, coltineurs, débardeurs, etc. À dire vrai, malgré le fait que tu mesures 1,76 m, tu n’es peut-être pas au fait de ta forme ; en tout cas, tu es exempté de service militaire pour hernie.

À 23 ans, tu habites 89 rue Albert, dans le 13e arrondissement de Paris, avec Marie Hameau qui est née le 03 juillet 1879 à Saint-Pierre-lès-Nemours, en Seine-et-Marne, d’Alexandre et d’Adélaïde Roger. Tu officialises votre union, le 21 avril 1900 mais, finalement, ce n’était pas une bonne idée et tu demandes le divorce qui est prononcé, à ton profit, le 24 novembre 1909. À cette époque de ta vie, tu es employé de commerce et tu habites au 61 de la rue Rébeval dans le 19e, mais tu es déjà séparé de Marie Hameau, qui est appelée Gérard, et réside au 7 de la rue de la Présentation dans le 11e.

J’ai l’impression que tu ne ressembles pas spécialement à tes frères, surtout Laurent Hector qui va avoir un certain nombre de démêlés avec la justice ; tu sembles plus rangé ; il faut dire que tu as un vrai métier entre les mains.

Bien que tu n’aies pas eu l’occasion de faire ton service militaire, à l’heure où sonne la mobilisation générale, alors que tu as déjà 37 ans, l’armée considère que tu es apte à devenir soldat et, tu rejoins le 94e régiment d’infanterie, le 04 avril 1915 puis, le 1er août suivant, tu passes au 248e d’infanterie territoriale. Tu seras ensuite détaché, du 13 mars 1917 au 13 février 1919, en qualité de soudeur autogène, à la maison Clément qui se trouve au 128 rue de Silly à Billancourt, dans les Hauts-de-Seine.

Grande Avenue - Pré-St-Gervais
C’est très peu de temps avant ton départ pour la guerre que tu t’es remarié, le 22 mars 1915, au Pré-Saint-Gervais, en Seine-Saint-Denis, où tu habites au 34 Grande Avenue. Hortense, ta mère, est une seconde fois veuve, Charles François Muyllaërt est décédé entre 1910 et 1911 ; elle vit, à l’époque de ton deuxième mariage, à Montpothier, dans l’Aube, chez un veuf, Henri Fleury, qu’elle finira par épouser, en 1920. Ton demi-frère, Laurent Hector Muyllaërt, a également résidé à Montpothier, en 1911, avec son épouse et leurs filles, il travaillait comme tuilier chez Nourrissat et Paysard, l’employeur du futur mari de ta mère. Laurent Hector ne reviendra jamais de la guerre, il est décédé le 14 septembre 1914 à Courbesseaux, en Meurthe-et-Moselle.

En 1915, sa veuve, Gabrielle Lapostre, est ton témoin de mariage ; elle est blanchisseuse et habite rue Baudricourt dans le 13e arrondissement. Ta fiancée est plus âgée que toi ; elle est née le 13 mars 1866 à Imphy, dans la Nièvre ; elle est la fille de Léonard Clair et d’Anne Blaise, époux décédés. Elle se prénomme Françoise et est professeur de chant ; elle aussi est divorcée. Malheureusement, Françoise décède assez rapidement après le mariage. Tu te maries pour la troisième fois, le 12 juillet 1919, au Pré-Saint-Gervais, où tu habites toujours au 34 Grande Avenue, avec Marguerite Gabrielle Flary. Elle est née le 29 avril 1890 dans le 10e arrondissement parisien, d’Émile Chéri et de Louise Antoinette Joséphine Désachy, qui sont décédés lors de votre union. Elle est mécanicienne et trois des quatre témoins sont de sa famille, sa sœur Jeanne, son frère Émile, son cousin Louis Désachy.  Ta troisième épouse décèdera le 14 mai 1967 et j’aimerais bien pouvoir en savoir beaucoup plus, car elle décède à Avesnes-sur-Helpe, dans le Nord, le berceau de ta famille… est-ce le hasard ? Et toi, qu’es-tu devenu ? Suis-je certaine que tu n'aies pas de descendance malgré tes trois mariages ? Pourquoi me sembles-tu si différent des autres membres de ta famille ? Pourquoi me suis-je attachée à ta mère ? Il y a tant et tant d’ombres dans ce très court récit de vie, pourtant, je tenais à le faire, justement parce que je pense que tu n’as pas de descendance et que donc, il y a peu de chances pour que quelqu’un, aujourd’hui, s’intéresse à ta vie et aussi, parce que faire ta connaissance, ainsi que celle de tous les membres de ta tentaculaire famille, me permet de mieux appréhender la vie de ton demi-frère, Charles François Muyllaërt, le grand-père maternel de ma mère, Denise Beckrich.  

Il est maintenant temps que mon esprit retrouve mon corps qui, privé du moindre mouvement durant toute cette évasion vers le passé, commence à s'ankyloser alors qu'il faut maintenant qu'il retrouve un peu de vivacité pour pouvoir transcrire cette fantastique rencontre afin de la partager avec le plus grand nombre.

Catherine Livet

Ce texte est rédigé dans le cadre du #RDVAncestral  

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 (1) Avesnes-sur-Helpe

4 commentaires:

  1. Certaines familles semblent prédestinées pour le malheur.

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  2. Ah oui, c'est sûr, cette branche de ma généalogie n'était pas faite pour le bonheur... jusqu'à ma mère qui a forcé le destin...

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  3. Quel malheur, sait-on comment toutes ses femmes sont mortes ?

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  4. Pas encore, mais je ne désespère pas de savoir. Merci pour la lecture et le commentaire.

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Merci pour cette lecture.
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