Rodolphe de Faucigny, le prince éphémère

 

Pour lire le début de l’histoire du Faucigny : Aux confins de ma généalogie

Bercée par le ressac et anesthésiée par la chaleur, je me sens soudain écartelée entre mon corps vieillissant qui aimerait, concentrant toute son énergie, se jeter dans les vagues impressionnantes de l’atlantique, rêvant de rejoindre mes surfeurs de fils et mon esprit qui, toujours gagnant, prend soin de mon enveloppe terrestre en l’installant sous un parasol en n’oubliant pas de lui laisser à portée de main une salutaire bouteille d’eau avant de se diriger vers d’autres cieux car, curieux, il veut savoir qui a succédé à Aymon à la tête de la maison des Faucigny…

Les Sires de Faucigny (en vert)

C’est donc toi, jeune Rodolphe, pas même encore un homme, à peine sorti de l’enfance en fait qui te retrouves souverain du Faucigny ! Ne sois pas triste, ne rêve pas à ce que tu aurais pu faire mais regarde ce que tu as réellement accompli… tu as préservé la paix sur ton vaste domaine et cela n’a pas de prix. A ma connaissance, tu n’as laissé qu’une charte mais, ô combien précieuse ! 

Copie (traduction seule) de l'exemplaire qui se trouvait entre les mains du prince de Lucinge, Charles de Faucigny (1824 - 1910) et dont il avait autorisé la publication dans "la Revue savoisienne" de 1866
 

Tu nous donnes une date précise, celle du 29 décembre 1168, tu nous annonces que tes parents sont morts et que tu t’inscris dans leur lignée. Peut-être ta mère est-elle décédée depuis quelque temps déjà, mais nous ne le saurons jamais. En revanche, ton père, le preux Aymon, ne nous a quittés que depuis peu car sinon, tu aurais été amené à intervenir plus tôt. Effectivement discordes, il y en a toujours et il y en aura encore mais, delà à ce que toute la famille de Faucigny intervienne ! L’attaque a dû être virulente mais, tu n’as aucune crainte à avoir, le mestral de Brémi et son belliqueux frère vont rentrer dans le rang, d’abord parce que qui dit mestral dit obligatoirement qu’il est ton subordonné, sans doute placé à cette prestigieuse charge - qui consiste à gérer un territoire peuplé et composé de plusieurs paroisses - par ton père et s’il a certains droits sur les alpes de Marins et de Brémi, terres qui t’appartiennent désormais, il ne les détient plus que de ton bon vouloir. Il faut dire que ton père et ses frères ont tout mis en œuvre pour que ces terres stériles et désertes, aujourd’hui pomme de discorde, deviennent fertiles et peuplées, les paysans se bousculent maintenant pour venir vivre ici où on ne connaît plus la famine et où les maladies reculent… prospérité et paix règnent sur toute la région… Les Chartreux du Reposoir et les moines de l’abbaye de

Ici, des Cisterciens défrichent à la force des bras
Sixt ont ensanglanté leurs mains, arrachant cailloux après cailloux pour purifier la terre, ils ont courbé l’échine, se brisant les os, tirant et poussant la charrue ou maniant la houe à tour de bras pour tracer les sillons profonds et réguliers qui protègeront la graine qui donnera la vie ; entre deux prières par lesquelles ils demandaient la force, l’honneur de le faire, ils ont posé pierre sur pierre pour construire leurs abris, leurs granges et… leurs tombes… alors, bien sûr, le grand Aymon parti trop tôt, ne laissant qu’un tout jeune homme pour prendre sa suite certains, envieux, vont en profiter pour tenter d'accaparer quelques droits, revenus et terres… 
Mais tu n’es pas seul, loin de là et tes oncles, à commencer par les plus prestigieux sont à tes côtés pour t'aider à œuvrer, encore et toujours, pour le bien et la réussite de tous ; il y a l’abbé Ponce de Sixt que tout le monde écoute tant la bonté et la grandeur d’âme sont contagieuses et si ses bonnes paroles ne suffisent pas à amadouer les plus rétifs, il y a le grand, le magnifique, l’exceptionnel, l’unique Arducius, prince-
Barberousse se soumet au Pape Alexandre III

évêque de Genève, seul maître sur terre… après Dieu, louvoyant, sans aucun scrupule, entre le pape Alexandre III et l’antipape Calixte III et ne rendant aucun compte à l’empereur Frédéric Barberousse, ami dont il est le bras droit, qui lui laisse toute latitude depuis qu’il l’a nommé prince de Genève.

Tu as fait les choses en grand et tu as réuni tous ceux qui pouvaient détenir un quelconque pouvoir ou une once d’autorité sur la région et bien entendu, tes autres oncles, non religieux, sont également présents, Raymond et Rodolphe qui est déjà nommé Allaman ; tes sénéchaux aussi sont présents et je regrette que tu ne donnes pas une petite précision sur le sénéchal Turembert… Alors, devant une telle assemblée, comment le mestral de Brémi et son frère auraient-ils pu continuer à clamer leurs prétentions sur tes terres ? Qu’auraient-ils fait devant tes sénéchaux et leurs hommes toujours armés, secondés par les paysans de la région, unis derrière les moines, brandissant houes et bâtons, prêts à fendre les crânes pour défendre leur gagne-pain ? Obligatoirement redevenus sages, le mestral Turumbert et son frère ont entièrement renoncé à leurs prétentions contre le monastère du Reposoir, et lui ont abandonné tous les droits qu’ils pouvaient avoir sur les dites Alpes…

Et voilà, c’est tout ce que je sais à ton sujet jeune Sire de Faucigny, tu quittes prématurément la vie terrestre en laissant la place à ton frère, Henri, qui était également présent à la signature de la charte dont nous venons de parler mais, qui était alors prévôt de Genève…

Il semble bien Henri que, bien que vous succédiez à votre frère, vous soyez l’aîné… vous êtes prévôt de Genève… vous n’êtes pas arrivé à cette fonction prestigieuse par hasard, votre oncle Arducius est certainement à la base d’une telle nomination… qui mieux qu’un Faucigny pouvait assumer cette charge aux côtés du formidable prince-évêque Arducius de Faucigny ? D’autant plus qu’Arducius sait bien qu’il n’est pas immortel mais que la maison de Faucigny doit perdurer siècle après siècle alors… il vous a placé là, à ses côtés où, jour après jour, vous recevez son enseignement et, après son voyage sans retour qu’il souhaite le plus lointain possible tant il lui reste de choses à vous apprendre et à accomplir, même si un Faucigny n’est pas immédiatement désigné comme son successeur, vous serez là, chef du Chapitre, régnant si ce n’est sur Genève, du moins sur la cathédrale… la moitié du chemin sera parcouru… mais voilà que le trône du Faucigny est vacant et que vous êtes le dernier de la race à pouvoir l’occuper… Ah mais Henri ! Que se passe-t-il dans votre esprit ? Etre souverain du Faucigny vous serait-il monté au cerveau ? Avez-vous tant souffert de la tutelle du grand Arducius que vous voilà prêt maintenant à le contredire ? Vous tirez à hue et à dia, répandant discordes et mécontentements dans toute la région…

Non Henri, je ne peux pas rester plus longtemps avec vous, des siècles plus tard, je suis aussi fâchée après vous qu’a pu l’être, à votre époque, le prestigieux Arducius… N’ayez pas peur, je reviendrai… d’autant que je sais que vous allez retrouver la raison…

Regardez, le vent se lève sur la plage de Biarritz, il faut que mon esprit rejoigne mon corps pour que je puisse, au milieu de mes contemporains, m’abriter de l'agression du sable sur la peau et dans les yeux.

Catherine Livet

Ce texte a été rédigé dans le cadre du #RDVAncestral ; à noter, voici juste un an que je participe à ce challenge mensuel, merci d’être mon fidèle lecteur.

Pour lire depuis le début : Aux confins de ma généalogie

Pour lire juste l’épisode précédent : Envoutante région, ensorcelant Faucigny

Pour lire et relire l’intégralité de mes “petits textes” en lecture libre : Becklivet

Sources/bibliographie :

  • Regestre Genevois – Répertoire chronologique et analytique. L’histoire de la ville et du diocèse de Genève avant l’année 1312 (Edition de 1866)
  • Mémoire de la société d’histoire et d’archéologie de Genève
  • Archives de Genève
  • Archives de Turin
  • La Chartreuse du Reposoir au diocèse d’Annecy - par l’abbé Jean Falconnet 
  • Revue savoisienne
 

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