.T.O, le Service du Travail Obligatoire ! Vous souvenez-vous mon
Père lorsque nous avions lu que le service en question avait d’abord été baptisé
Service Obligatoire du Travail mais que l’abréviation aurait donné SOT… les
yeux ronds, vous aviez dit « Bah ça alors ! J’ai échappé au pire ! »…
Quelques quolibets ont du effectivement fuser à
l’époque.
Vous aviez échappé une première fois à la
« réquisition » lorsque vous étiez employé des établissements
Maurel
que vous avez été obligé de quitter le 31 juillet 1942 ; vous avez été
embauché dès le 03 août suivant par la S.N.C.F (Société Nationale des Chemins
de Fer Français) au sein de laquelle vous pensiez, comme tous, être à l’abri
d’une nouvelle tentative de réquisition… c’était sans compter sur la loi n° 106
du 16 février 1943 et du décret d’application n° 431, tous les deux publiés dès
le 17 février au Journal Officiel…
Aucune perte de temps n’est admise et, le 22
suivant, le chef de gare est obligé de communiquer votre nom aux autorités. Je
suis toujours désagréablement surprise lorsque je vois ce document écrit en français (encore mais jusqu'à quand ?) et en allemand.
Mais, dans la foulée, le même chef de gare
adresse une protestation au maire du 14e arrondissement en argumentant que vous
êtes déjà réquisitionné au titre de la Loi du 04 septembre 1942. Cette loi, publiée au Journal
Officiel du 13 suivant, précise que toute personne de sexe masculin de plus de
18 ans et de moins de 50 ans et toute personne de sexe féminin de plus de 21
ans et de moins de 35 ans peuvent être assujetties à effectuer les travaux que
le gouvernement jugera utile dans l’intérêt de la nation. Cette loi est
complétée par un décret d’application le 19 et une circulaire en date du 22
faisant obligation aux personnes concernées par la loi de venir se déclarer à
la mairie si elles ont une activité de moins de trente heures par semaine. Bien
entendu, peines de prison et amendes
sont prévues. Vous êtes donc de sexe
masculin, vous avez plus de 18 ans et vous travaillez à la SNCF, entreprise
stratégique s’il en faut, vous travaillez donc déjà dans « l’intérêt de la
nation »…
Mais, fin décembre 1942, les efforts conjoints de Saückel et de
Laval n’ont réussi à déporter, selon eux, qu’un trop faible nombre de
travailleurs forcés ; ils vont donc passer à la vitesse supérieure et,
début février 1943, les préfets sont tenus de recenser tous les Français nés
entre le 1er janvier 1912 et le 31 décembre
1921 et, le 15 février, en
application de la loi du 04 septembre 1942, il est décidé de créer le STO,
Service du Travail Obligatoire d’une durée de deux ans, pour tous les jeunes
nés entre le 1er janvier 1920 et le 31 décembre 1922.
Les peines d’emprisonnement et
les amendes prévues vont considérablement
s’alourdir ; elles s’appliqueront bientôt non seulement aux contrevenants
mais également à toute personne, y compris l’employeur et même un membre de la
famille, qui apporterait une aide
quelconque.
La Résistance n’est pas encore en
mesure de lutter contre ces pratiques, ce ne sera qu’en juillet 1943 que naîtra
le Comité d’Action contre la Déportation par le travail forcé en Allemagne
(CAD).
Et voilà ! La souricière se
referme sur vous et vos camarades.
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Carte de travail |
Une
carte de travail vous est attribuée, elle vaudra titre de transport ; vous
êtes affecté à la Deutsche Reichsbahn, (la société du chemin de fer allemand) à
la gare de Ulm, sur le Danube dans le Würtemberg. Combien de jeunes travaillant
à la gare de la Villette vont-ils partir en même temps que vous ? A dire vrai, je pense qu'ils n'y en a pas beaucoup qui seront affectés à Ulm... peut-être pour tenter d'affaiblir votre résistance en coupant chacun de ses camarades... Voici encore une question pour laquelle j'aurais aimé avoir votre avis, votre ressenti mais qui est arrivée trop tard à mon esprit...
Un passeport vous est attribué,
il n’est valable que pour l’Allemagne et limité à une durée de deux ans du 1er
septembre 1943 au 1er septembre 1945, ces mêmes dates figurent sur
le visa français ; ce passeport comporte également un visa allemand.
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Carte de circulation |
Une
place vous est réservée dans ce qui est appelé un foyer de travailleurs mais
qui se révèlera être un simple baraquement abritant d’immenses dortoirs
sommaires.
La carte qui vous est remise à cette occasion porte une date de
départ de validité qui m’embête puisqu’il est noté 25 juin 1943 alors que votre
passeport démarre le 1er septembre de la même année et pourtant, il
est certain que vous étiez à Ulm en juillet 1943 et qu’à la date du 14 de ce
même mois, vous aviez déjà eu le temps de vous faire de bons camarades comme le
prouve l’échange de quelques photos au dos desquelles on peut lire très
nettement cette date. Comme je regrette de ne pas avoir remarqué cette apparente incohérence entre les différentes dates figurant sur les documents qui sont aujourd'hui encore entre mes mains... vous aviez l'explication... et je ne vous ai rien demandé...
Cette même carte, dite de circulation, vous permettra, en
théorie, de vous déplacer à Ulm.
Il y a eu des choses pas très
belles durant ce S.T.O mais de franches camaraderies sont nées et de bons
souvenirs sont restés, visiblement partagés au moins avec ceux dont vous avez
conservé les coordonnées et même parfois les photographies dans votre trombinoscope.
J'ai écrit la vie de mon père durant l'affreuse époque qui lui a volé sa jeunesse puisqu'il a été "requis" du S.T.O :
Un p'tit gars du S.T.O
Dans Paris occupé, la vie de René, né en 1922, est compliquée. Sa
grand-mère, qui l’a élevé, vient de décéder. Il doit quitter
précipitamment son emploi pour échapper à une première réquisition
et se pense à l’abri après avoir été embauché à la S.N.C.F. Mais les
ennuis vont commencer et s’éloigner de la gare de triage où il
officiait va devenir une nécessité.
L’étau va se resserrer, il sera expédié en Allemagne au titre du Service du Travail Obligatoire.
À la gare d’Ulm, sur le Danube, en Allemagne, où il doit travailler,
les règles ne sont pas respectées, les requis sont maltraités. Infrastructure
de
la plus haute importance, la gare va être bombardée et ruinée par
les alliés et René va être blessé. Le 24 avril 1945, à 11 heures, il se
trouve face à des soldats américains, il se croit libéré,
mais rien n’est encore joué et le rapatriement ne va pas être aisé.
Enfin rentré, rien n’est terminé et malgré le temps, les souvenirs ne seront jamais effacés.
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: Catherine Livet pour la collection "Destins d'Ancêtres" de Becklivet - Imprimerie Messages Sas - ISBN 978-2-493106-03-2 - Dépôt légal août 2022 - Sortie le 12 septembre 2022 - 18 € TTC
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Un trésor que toutes ses pièces d'archives familiales !
RépondreSupprimerOui Renaud j'en ai bien conscience et le problème de leur conservation et de leur transmission commence à se poser.
SupprimerOn n'en parle pas assez de nos travailleurs forcés !
RépondreSupprimerLes choses commencent à évoluer tout doucement.
SupprimerQuels précieux documents vous avez là, témoins d'une époque très sombre qu'il ne faut surtout pas oublier.
RépondreSupprimerOui, c'est une chance que d'avoir ces documents. J'espère qu'ils seront conservés bien après moi. Merci Béatrice pour tous vos commentaires.
RépondreSupprimerBel article et témoignage avec de magnifiques documents.
RépondreSupprimer"La Résistance n’est pas encore en mesure de lutter contre ces pratiques, ce ne sera qu’en juillet 1943 que naîtra le Comité d’Action contre la Déportation par le travail forcé en Allemagne (CAD)"
Que n'habitait il à Créteil, mon grand-père, secrétaire à la mairie et résistant, lui aurait peut-être fait comme il l'a fait pour d'autres de faux-papiers pour lui éviter le STO. https://www.dropbox.com/sh/dvga5nd2q2ioagd/AABm9swdrLPi1NrJdUZ_DhzRa?dl=0
Concernant la question de la conservation des documents qui semble vous préoccuper dans vos deux précédentes réponses: c'est une excellente question!
Merci beaucoup Patrice. Oui, mon père aurait pu rencontrer votre grand-père mais cela ne s'est pas fait... le destin tient souvent à rien : une rencontre, bonne ou mauvaise par exemple. Je pense que nous avons déjà échangé quelques mots au sujet de votre grand-père. Avez-vous rédigé une chronique ou une biographie le concernant ?
RépondreSupprimerEt non! Une omission qu'il faudra que je corrige !
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