La fatalité est partout, elle les précède, elle les suit, elle les entoure, les enveloppe... elle revêt tous les aspects terrestres qui soient à sa disposition... Maladies, famines, accidents, infirmités... jalonnent leur existence de génération en génération...
Les femmes enfantent dans la douleur des petits êtres que, instinctivement, elles protègent, nourrissent, soignent mais qui vont finir, fatalement, par apporter un peu plus de difficultés dans leur dure existence.
Et voici l'une de ces pauvres filles comme il y en a tant d'autres autour d'elle. Pas de chance dès le départ, elle est née le 21 Germinal de l'an XII (11 avril 1804) à Englancourt dans l'Aisne. Pourquoi est-elle née là alors que frères et soeurs sont nés ailleurs ? Il paraît que son père, Alexis Rahir, y était maréchal ferrant...
Les prénoms que l'on donne aux filles de sa fratrie seront sans doute la seule légèreté de leur existence, ils semblent avoir été choisis pour tenter de conjurer le sort... la première, mon ancêtre, s'appelle Angélique, comme leur mère, peut-être pour qu'elle se souvienne qu'elle est née innocente ; la deuxième, celle dont il est question ici, est prénommée Célestine, peut-être pour qu'elle ait plus de chance de voir la lumière radieuse du soleil porteur de plaisirs et la dernière est Désirée, peut-être pour qu'elle pense qu'elle était attendue... C'est une enfant posthume car le destin, pris d'une subite colère, vient de frapper plus durement encore que d'habitude et Alexis, le père qui trimait pour gagner de quoi acheter quelques subsides pour sa famille affamée, est mort le 05 septembre 1807 à Solre-le-Château dans le Nord... Que faisait-il là-bas alors qu'officiellement il était domicilié à Lerzy dans l'Aisne ? Pourquoi est-ce Nicolas, le frère du défunt, cloutier à Maubeuge dans le Nord qui a fait la déclaration de décès ?
Et puis l'hiver, toujours redouté, arrive... le froid distribue généreusement de douloureuses engelures aux enfants que la faim tenaille... la famille ne survit que grâce à l'aide du bureau de secours de Lerzy...
Le temps, inexorablement, passe. Les enfants ont survécu ; Angélique, l'aînée des filles, a mis au monde une petite fille qui ne vivra que 18 mois et puis, elle s'est mariée avec un gars du pays, Jean-Baptiste Merda, et puis une fille est née qui n'a pas vécu très longtemps et puis Angélique a laissé choir mari et famille, elle est partie... A-t-elle suivi un bonimenteur qui l'a convaincue que l'herbe, là-bas, était plus verte qu'ici ? Nous la retrouverons pourtant... lorsque ses derniers rêves d'une vie facile se seront envolés, qu'elle aura enfin compris que partout, comme ses parents, comme ses grands-parents comme ses ancêtres avant eux, elle traînera, comme un bagnard son boulet, son héritage de misère... et ce petit paquet de vie qui, déchirant ses entrailles, a poussé un cri de douleur en découvrant la cruauté du monde dans lequel il venait d'être propulsé...
Quelle Galère que leur vie !
C'est son tour ! Célestine se marie le 28 août 1828. Peut-être aura-t-elle plus de chance ? Peut-être le promis sera-t-il un bon époux, robuste travailleur, respectueux de la mère de ses enfants ? Tout est encore possible... Le fiancé s'appelle Pierre Joseph Delmotte, il est né le 07 mai 1807 à La Vallée aux Bleds, une dépendance du village de Voulpaix à quelques kilomètres seulement de Lerzy... Il est possible que les deux jeunes gens se connaissent de longue date... depuis toujours peut-être. C'est de sa mère dont il est, statut si commun à cette époque, orphelin mais son père est là pour l'assister et approuver cette union que seule la mort pourra briser.
La nuit de noces a porté ses fruits et un petit Jean-Baptiste, le 19 mai 1829, est né ; son père, tisseur en coton, que l'on imagine conscient de ses responsabilités est allé faire, comme il se doit, la déclaration à la mairie de Lerzy... et le temps a passé... et ce n'est que le 04 novembre 1833 que Marie Célestine est arrivée au foyer. Le père est occupé on ne sait pas où, on l'imagine trimant au loin pour subvenir aux besoins de sa famille. C'est Angélique Hélain, la grand-mère du nouveau-né, qui vient faire la déclaration.
Extrait acte de naissance Marie Célestine Delmotte |
Rosalie Euphrasie, le 18 septembre 1835, est venue agrandir la famille... Où est le père ? C'est la grand-mère maternelle de l'enfant qui vient, encore une fois, déclarer la naissance à la mairie de Lerzy.
Marie Frozine pointe le bout de son nez le 05 mars 1838, la grand-mère se rend à la mairie de Lerzy pour faire la déclaration, elle en profite pour nous informer qu'elle vit désormais chez sa fille Célestine qui, sans doute a besoin d'aide pour s'occuper de sa progéniture pendant qu'Angélique, sa mère, commençait à craindre de vieillir seule.
Il faut croire qu'il n'y avait plus assez de place dans la maisonnée et l'aîné est parti vers le paradis des enfants le 17 mai suivant ; Un voisin et un ami de la famille viennent signer l'acte de décès de cet enfant légitime mort au domicile de ses père et mère.
Constant Armand vient clore la fratrie le 15 août 1840... Le père est absent... quel est donc le problème de cet homme avec la naissance de ses enfants ? Pourquoi est-il systématiquement absent ? Heureusement, la grand-mère est encore vive et s'occupe des formalités à la mairie de Lerzy où elle est bien connue car régulièrement, elle vient percevoir une aide bienvenue même si le bureau de secours ne donne plus d'argent mais distribue du pain en fonction de la composition de la famille.
Toujours aucune nouvelle de son gendre, le fantomatique Pierre Joseph Delmotte... Où est-il ? Serait-il parti courir la gueuse ? Peut-être est-il mort sans que personne ne le sache ?
Tient, en ce 19 juin 1860, c'est Marie Frozine qui se marie. Son père sera-t-il présent aux épousailles de la plus jeune de ses filles avec Athanase Julien Rose ?
Ah non ! Le père, âgé de 52 ans, qui est pourtant dit habiter à Lerzy, au même lieu que sa fille, n'est pas présent mais il donne son consentement par brevet daté du 14 juin 1860 et enregistré le 15, par devant Maître Malizieux et son collègue Maître Boucher, notaires à Vervins. Le mystère va-t-il se dissiper ? Pierre Joseph Delmotte ne serait-il pas tout simplement grabataire ou lourdement handicapé depuis de longues années ?
Les deux autres filles Delmotte se marient en 1865 et, sans surprise, leur père est absent et il n'a pas donné son consentement... ce n'est pas très grave car, justement, les futures sont autorisées à contracter mariage sans recourir au consentement paternel... en état d'interdiction légale... Peut-être l'état de santé du père s'est-elle encore dégradée depuis les cinq dernières années ?
Ah non ! Ce n'est pas ça ! Un extrait du casier judiciaire du Tribunal Civil de l'arrondissement de Vervins a été produit et enregistré.
Mais quelle est donc cette Galère ! Que vient faire dans l'histoire de cette famille un extrait de casier judiciaire ?
La solution de l'énigme n'est plus loin, elle est à portée de main... c'est l'agent chargé du recensement de la population en 1836 qui la détient... Angélique Hélain, la veuve Rahire habite alors chez son fils, François Louis qui deviendra le père de Narcisse Bélisaire, et dans la maison juste à côté, demeurent sa fille Célestine avec ses trois premiers enfants et, bien que le chef de famille, Pierre Joseph Delmotte, soit bien noté comme membre du foyer, il est précisé "Détenu à Toulon" !
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Vivement le prochain RDV Ancestral ...
RépondreSupprimerJuste une question ... S'il était détenu, comment ce brave homme a-t-il pu honorer son épouse si féconde ??
Suspense... Le #RDVAncestral apportera-t-il une réponse à cette question ?
Supprimerl'histoire n'est pas banale! hate de savoir la suite !!!
RépondreSupprimerLa suite vaut le détour... suspense ! Merci Christiane pour toutes vos lectures et vos commentaires.
SupprimerWhaou ! Un récit passionnant qui donne envie d'arriver très vite au prochain samedi du rdv ancestral :)
RépondreSupprimerMerci Béatrice ! Il faut dire que cette branche est très riche d'histoires particulières
SupprimerIl reste bien des zones d'ombre dans cette histoire, hâte de lire la suite ! Quand ?
RépondreSupprimerUne partie est publiée dans le cadre du #RVAncestral de novembre et la totalité sera publiée au cours de l'année 2021
SupprimerAh j'ai la même histoire du côté de mon époux. Hâte de lire ton rdv ancestral du coup !
RépondreSupprimerj'ai bien l'impression que ce genre d'histoire était plus répandu que l'on ne l'imagine aujourd'hui
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