Bonjour mon lecteur,
Je vous ai déjà présenté en quelques lignes la courte vie de Germaine Livet, ma grand-mère paternelle.
Mais j'ai eu une seconde grand-mère que j'ai connue... enfin, un peu... à dire vrai, pas beaucoup... car elle me faisait peur...
Je crois qu'il ne serait pas équitable de ne pas écrire quelques lignes à son sujet, c'est pourquoi je vous présente Charlotte Muyllaërt.
Charlotte Eugénie Hortense est née le 19 avril 1910 dans le 15e arrondissement de Paris, juste trois jours après le mariage de ses parents.
Son père est Charles François Muyllaërt qui est né, on ne saura jamais pourquoi, à Doullens dans la Somme alors que sa famille habitait à Paris. Je me souviendrai sans doute toujours de sa date de naissance, 16 mars 1890, car l'un de mes fils est né juste cent ans après. Le prénom usuel de mon arrière-grand-père est Charles, nous pouvons en être sûrs, car la "P'tite Denise" qui est sa petite-fille et ma mère, se souvenait franchement de lui.
On peut dire que Charlotte va arriver dans une famille plutôt misérable. Lorsque nous assistons au mariage de ses parents, le 16 avril 1910 dans le 15e arrondissement de la capitale, son père est coltineur. Il a 20 ans et est donc encore mineur à son mariage alors que sa fiancée - enceinte jusqu'aux yeux - est veuve et mère d'un garçon né en 1898 ; elle est née le 23 mars 1876 à Paris, elle a donc 34 ans... La différence d'âge entre les époux est donc notable. La mère de Charlotte est Henriette Juliette Marie, elle est la fille de Joseph Lapostre et de Henriette Leferme ; elle est aussi la sœur aînée de Gabrielle qui est mariée depuis 1900 avec Laurent Hector Muyllaërt, le frère aîné de Charles.
Un autre mystère apparaît dans l'histoire de ma grand-mère car l'un des témoins du mariage de ses parents est Eugénie Jouannot, femme Pitot qui est dite grand-mère de l'époux... sauf que Charles Muyllaërt a déjà deux grand-mères, l'une est Anna Maria Lodrigo et l'autre est Henriette Merda. Pourtant cette femme Pitot doit avoir une grande importance pour Charles car sa fille aînée s'appelle Charlotte parce que - c'est lui qui l'a expliqué il y a maintenant bien longtemps à la P'tite Denise - c'est comme son nom à lui mais pour les filles ; elle porte également le second prénom d'Eugénie... on ne peut que faire un rapprochement avec Madame Jouannot ; elle héritera également, en troisième prénom de celui de sa grand-mère paternelle, Hortense.
En 1913 à Sceaux, une petite sœur est offerte à Charlotte. Toute la famille habite dans cette ville, aujourd'hui dans le département des Hauts-de-Seine, chez les parents d'Henriette Lapostre dont le père, bien installé, est sculpteur alors que le père de Charlotte gagne la vie de la famille en exerçant des travaux de maçonnerie.
Mais voilà que la Première Guerre Mondiale éclate. Charles n'a jamais fait son service militaire - c'était un rebelle, son frère avait déjà eu quelques problèmes avec la justice et l'armée l'avait envoyé apprendre à vivre au sein d'un bataillon d'Infanterie Légère d'Afrique, les fameux "Bat Daf" ou "Bila" - mais, compte tenu de la situation, il va s'engager... dans la Légion étrangère. Et, ce qui devait arriver est arrivé et Charles est terriblement blessé à Cumières dans la Meuse, le 20 août 1917 ; il perdra complètement un doigt et la moitié d'un second à la main droite, un éclat d'obus lui pulvérisera le crâne et il devra être trépané et, durant les années qui vont suive, il va perdre de la "substance" dans la région à l'omoplate gauche et dans la région occipitale...
La vie de la petite Charlotte n'était déjà pas des plus faciles et, compte tenu des infirmités de son père, elle ne va pas s'améliorer. Après 1918, lorsque Charles est renvoyé dans ses foyers, la famille quitte Sceaux pour Paris où elle va déménager très fréquemment avant d'aller s'installer à Montpothier dans l'Aube. Ce n'est pas un hasard. La grand-mère paternelle de Charlotte, Hortense Merda, y vit avec son troisième mari.
Extraction d'argile du lieu dit Les Gloises à Montpothier |
Dans une ferme du voisinage a grandi un orphelin qui a connu une vie au moins aussi misérable que Charlotte. Il s'appelle Marcel Beckrich et est né en 1903 de Gustave - qui s'est tiré une balle de pistolet dans la tempe droite, devant son fils, en 1910 - après le décès de Rachel Charles, la mère de Marcel. C'est donc très jeune qu'il a été placé dans des fermes.
En fin d'après-midi, par une belle journée de juin 1927, Marcel aborde Charlotte qui est absorbée par la lecture du journal, en lui offrant quelques cerises qu'il vient de cueillir.
Charlotte Muyllaërt - photo non libre de droits |
Les Muyllaërt montent à Paris, ils sont accompagnés par Marcel Beckrich, le bon ami de Charlotte. Le jeune homme va trouver de l'embauche aux Halles de Paris, il va ainsi, pendant de longues années, exercer le dur métier de porteur.
Le jeune couple va s'installer dans un petit meublé au 94 rue Boucicaut à Fontenay-aux-Roses dans les Hauts-de-Seine, à quelques dizaines de mètres du logement des parents de Charlotte.
Il ne faut pas attendre bien longtemps pour voir les formes juvéniles de Charlotte s'épanouir sous la poussée de la vie naissante qui a pris place au creux de ses entrailles protectrices et, le 11 janvier 1929 Denise pousse son premier cri.
Fontenay-aux-Roses - Rue Boucicaut - Tramway - Carte circulée en 1930 |
C'est à la fin de l'année 1933 ou au début de 1934 que la famille déménage à Châtillon, au 13 rue Jeanne d'Arc.
Ce n'est pas un hasard ; dans cette même rue habitent les "cousins Lapostre" ; en réalité, ils ont pour nom de famille Chevolot ; ils sont trois frères et dirigent une entreprise de reliure du même nom. Ils sont les fils de Blanche Lapostre, la tante maternelle de Charlotte, et de son mari Eugène Chevolot. Au moins un fils de Charlotte y trouvera de l'embauche alors qu'elle refusera toujours que sa fille Denise y travaille...
Dans cette usine, travaille également une contre-maîtresse que l'on nomme la cousine Rose ; il s'agit de Rose Poulain, l'épouse de Henri Lapostre qui est statutaire et surtout le fils de l'oncle maternel de Charlotte, Emile Nicolas Lapostre lui-même marié à sa cousine Elmire Marguerite Lapostre, cette dernière étant, de plus, la sœur du premier époux d'Henriette, la mère de Charlotte.
Voici un schéma qui permet de comprendre les liens très enchevêtrés dans la famille Lapostre :
Les parents de Charlotte sont repartis à Montpothier, ils ont vendu la maison et le terrain qu'ils y possédaient et sont allés vivre chez la mère de Charles Muyllaërt. Plus tard Charlotte racontera à sa fille que son père avait vendu le carrelage de la maison, et qu'ils vivaient sur la terre battue, pour récupérer un peu d'argent... Charles Muyllaërt touche une maigre pension d'invalidité et peu de moins en moins travailler et son épouse est couturière... mais surtout, Charles est sujet à des crises convulsives qui deviennent de plus en plus fréquentes et la brèche qu'il a au crâne suinte sans discontinuer... Au début de 1937, il perd une fois de plus connaissance et est conduit à l'hôpital de Troyes dans l'Aube où il décède le 22 février suivant des suites de ses blessures de guerre, il n'a pas 47 ans...
La mère de Charlotte, Henriette Lapostre, est simplement couturière ce qui veut dire qu'elle n'est pas financièrement indépendante d'autant plus qu'elle commence à vieillir... Charlotte et sa sœur Henriette vont donc devoir s'occuper d'elle... ce qui va parfois poser quelques problèmes...
Charlotte, Marcel et leurs enfants vont être aidés par les sœurs de Saint-Vincent de Paul, celles à l'immense cornette reconnaissable entre toutes ; les religieuses, et surtout sœur Angèle, vont s'attacher à la famille et elles ne seront certainement pas étrangères au mariage religieux de Charlotte et de Marcel mais, ce n'est pas encore d'actualité. Charlotte et Marcel vont commencer par faire baptiser leurs trois enfants, la P'tite Denise née en 1929, Carmen en 1931 et Marcel fils. En ce 04 février 1934, les enfants sont conduits ensemble sur les fonts baptismaux de la toute nouvelle église Notre Dame du calvaire à Châtillon-sous-Bagneux ; il faudra encore un peu de réflexion aux parents puis, à leur tour, ils recevront le baptême le 06 octobre 1934 et, dans la foulée, seront unis religieusement.
Cette photo n'est pas libre de droits |
En ce début de février 1940, dans un contexte très difficile, Charlotte donne naissance à la petite Rolande... Est-ce cette naissance qui décide Charlotte a quitter la région ? Les deux aînées et la petite née en 1935 sont placées, séparément, dans des familles en Eure-et-Loir alors que Charlotte, son fils et le bébé sont accueillis ensemble quelque part dans le Loir-et-Cher. Marcel père est resté à Châtillon mais ce n'est que dans bien des années que nous pourrons comprendre pourquoi. Ce départ, que la P'tite Denise, devenue grande, appelera le petit exode ne dure pas très longtemps car Charlotte décide de récupérer sa marmaille et de retourner à Châtillon... où la famille va assister au "grand exode"...
Charlotte ne veut pas partir alors les voisins lui confient les clefs des maisons qu'ils abandonnent en laissant leurs plantes, leurs potagers, les poules, les lapins et les chiens...
Bientôt les soirées ne se passeront plus à chanter au son de l'harmonica dont le père de famille joue avec aisance mais dans un silence religieux, installés au plus près du gros poste de radio, l'oreille tendue... pour écouter la BBC diffuser "Les Français parlent aux Français"...
La vie de Charlotte vient de prendre un nouveau virage...
Catherine Livet
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Vers Germaine Livet
Quelle vie complexe tout à l'opposé de ma famille qui a vecu 500 ans en vase clos.
RépondreSupprimerje trouve ton texte bien compliqué à lire, on s'y perd quelque peu ! mais faut dire que sa vie est compliquée !!! bravo quand même.
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