samedi 31 juillet 2021

#MétierAncestral Cloutier

 

Quelle galère que leur vie !

Soudain, à la lecture de l’acte que je venais de découvrir, ma curiosité a été piquée par le métier mentionné.

Lorsque Alexis Joseph Rahïr épouse Marie Angélique Hélain, à Lerzy dans l’Aisne, il exerce le métier de cloutier. Instantanément me viennent à l’esprit des expressions comme : « Travailler pour des clous », « Ça ne vaut pas un clou » qui veulent bien dire que mon malheureux ancêtre était alors très loin de vivre dans l’opulence.

Il paraît qu’il faut douze coups de marteau pour façonner un clou… J’imagine Alexis, debout, du soir au matin, devant sa petite enclume, frappant sans relâche le fil de fer, le battant une première fois, une deuxième fois et le martelant encore et encore jusqu’à la douzième frappe où, enfin, le petit bout de métal devient clou. J’imagine Alexis suant et toussant dans les chaudes vapeurs que dégagent le métal qui rougit et se tord sous la brulure permanente du feu de la forge qui envoie de minuscules braises ardentes mordre la peau épaisse des mains du cloutier. J’imagine les cendres qui s’envolent et qu’Alexis inhale heure après heure, jour après jour depuis toujours. Comme sans doute son père avant lui, Alexis travaille à domicile alors, j’imagine ses enfants qui frottent, de leurs mains noircies, leurs yeux rougis en y déposant des larmes de suie comme pour montrer le malheur qui les hante.

Les parents d’Alexis, Thomas, qui est aussi cloutier et Ida Donnieux se sont mariés à Liège qui était alors une principauté ecclésiastique. Leur nom ne s’écrivait pas exactement de la même manière à cette époque ; on le trouvait sous la forme Rahier qui semble bien être la graphie originelle car, à quelques kilomètres de Liège existe alors un ban de ce nom, dans les alentours de la paroisse de Stoumont…  Ensuite, ils ont quitté leur région natale pour aller là-bas, dans le Nord de la France. Des amis, des cousins sont déjà partis ; ils ont facilement trouvé du travail à la manufacture d’armes de Maubeuge autour de laquelle l’industrie de la sidérurgie se développe rapidement ; les usines et les clouteries embauchent tous ceux qui se présentent. Alors, Thomas et sa femme ont tenté l’expérience, usant leurs sabots sur les routes et les chemins. Ils ont eu peur, ils ont eu froid, ils ont eu faim ; peut-être ont-ils perdu quelques enfants en route, car il y a de la place pour plusieurs naissances entre celle de Nicolas à Liège en 1756 et celle d’Alexis qui a été baptisé le 02 avril 1772 à Maubeuge, le jour même de sa venue au monde.

Alexis n’est jamais devenu riche et il décède le 05 septembre 1807, si jeune qu’une enfant posthume voit le jour en mars 1808 à Lerzy ; faut-il penser que son père espérait tant la voir venir au monde qu’elle a été prénommée Désirée ou n’est-ce que le hasard ? 

Photo d'illustration

C’est certain on ne fait pas fortune en exerçant le métier de cloutier et s’il était encore besoin de lever un doute, il suffit de regarder les registres du bureau d’aides de Lerzy et constater que tous les membres de la famille Rahïr, toute leur vie, ont bénéficié de secours, soit sous forme d’argent soit sous forme de pains… sauf peut-être Angélique, l'aînée des filles. Elle a mis au monde une petite fille qui ne vivra que 18 mois et puis, elle s'est mariée avec un gars du pays, Jean-Baptiste Merda, et puis une fille est née qui n'a pas vécu très longtemps et puis Angélique a laissé choir mari et famille, elle est partie... A-t-elle suivi un bonimenteur qui l'a convaincue que l'herbe, là-bas, était plus verte qu'ici ? Nous la retrouverons pourtant... lorsque ses derniers rêves d'une vie facile se seront envolés, qu'elle aura enfin compris que partout, comme ses parents, comme ses grands-parents comme ses ancêtres avant eux, elle traînera, comme un bagnard son boulet, son héritage de misère... et ce petit paquet de vie qui, déchirant ses entrailles, a poussé un cri de douleur en découvrant la cruauté du monde dans lequel il venait d'être propulsé... Mais ce sera une nouvelle histoire car, ni Angélique ni sa fille ne seront cloutières. 

Catherine Livet

LIBRAIRIE

FNAC
(Pour la version numérique de mes livres)

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