samedi 19 mars 2022

Paul Beckrich - #RDVAncestral de mars 2022

C’est un #RDVAncestral un peu spécial aujourd’hui. Paul Beckrich m’attend. C’est un être mystérieux. Je pense que cela ne vient pas de lui, mais des circonstances, compliquées, qui ont jalonnées son existence. J’ai du mal à laisser partir mon esprit à la rencontre du sien… peut-être parce que je ne veux pas vraiment connaître la vérité… Mais la magie opère et me voici avec lui…

Te voici Paul. Ta naissance est une véritable énigme...

Tu as été reconnu et légitimé par mon terrible arrière-grand-père maternel, Gustave Beckrich, lorsqu’il a épousé Rachel Charles.

Tu es né le 04 septembre 1899 à l’hôpital Saint-Louis dans le 10e arrondissement de la capitale. Ta mère t’a reconnu comme son fils, le 12 octobre suivant, à la mairie du 19e arrondissement où elle habitait au 35 de la rue Fessart ; elle exerçait le dur métier de blanchisseuse et était âgée d’à peine 18 ans. Tes grands-parents habitaient alors à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, où ta mère retourne vivre, avec toi, pas très longtemps après ta naissance.

C’est là que mon arrière-grand-père entre en jeu. Il épouse ta mère, se reconnaît comme ton père et te légitime.

Seulement voilà, en aucun cas, tu ne peux être le fils de Gustave car mon arrière-grand-père était au « Bat d’Af », lors de ta conception et, tu peux me croire, il n’a jamais bénéficié d’une permission.
Il est parti, contraint et forcé ; c’était un « mauvais garçon », le garnement qu’il était à l’école primaire est très vite devenu un voleur et même un agresseur… un vrai voyou ! Ce sont donc ses agissements crapuleux qui l’ont envoyé, le 25 novembre 1896, à Tataouine où il a participé aux campagnes de Tunisie jusqu’au 23 août 1900.
Ceci dit, il a décidé de te considérer comme son fils et tu es devenu l’aîné de la fratrie. Maurice Jacques est né en 1902 mais, sans doute déçu par la vie, a préféré ne séjourner qu’environ six mois sur terre. Ensuite, dans des conditions très particulières, sur le lieu de travail de ta mère, Marcel, mon grand-père, est arrivé parmi les humains.

Oui, oui Paul, je l’ai connu et je dois te dire qu’il n’a jamais été un papi-gâteaux… Je dois même avouer que j’avais peur de lui et de ma grand-mère… tout m’effrayait dans leur vie, leurs animaux, leur maison, leur façon de parler, de bouger…

Après la naissance de mon grand-père, il y a eu celle de Suzanne et ensuite, pour clore le chapitre de tes frères et sœurs, est venu sur terre, un « bébé ».
Mais mon grand-père n’a jamais parlé de ce « bébé » et, c’est tout de même plus étonnant, il n’a jamais parlé de toi.
En revanche, il parlait parfois de sa sœur qu’il aurait bien aimé revoir. Cette sœur, dans ses souvenirs, se prénommait Jeanne…
Mais que s’est-il passé dans votre vie ?
Lorsque Gustave Beckrich est rentré de Tunisie, il a rejoint sa famille à Saint-Denis et a constaté que leurs conditions de vie s’étaient considérablement améliorées. Lui-même a bénéficié des progrès faits dans les domaines de l’hygiène et de l’habitat. Il avait alors un travail fixe, un appartement neuf et bien éclairé… il avait donc, semble-t-il, réussi à stabiliser son existence et se préparait à vous offrir une vie bien meilleure que celle qu’il avait connue… Mais voilà, le destin est venu lui rappeler qu’il était le maître et, le 15 novembre 1907, a envoyé la mort enlever ta pauvre mère…
Le drame vous a tous emportés comme fétus de paille ! Gustave est devenu fou et a tenté de mettre fin à ses jours… 
« … alors, désespéré, hurlant ta douleur… tu te précipites par la fenêtre que ton corps puissant pulvérise et tu t’écrases, dans les débris de verre et de bois qui ont accompagné ta chute, sur les durs pavés de la chaussée humide… Les courants d’air sont revenus habiter ton crâne… croyais-tu vraiment mettre fin à tes jours en jetant ton corps, encore jeune et robuste, d’un premier étage parisien ? ... » (extrait de la biographie de Gustave Beckrich)

Il a été incarcéré dans un hôpital psychiatrique, le temps qu’il se défasse de ses pulsions suicidaires…

Tu as alors été envoyé chez des parents à la campagne… Je n’ai jamais compris qui étaient les parents en question… mais je t’ai retrouvé en Dordogne.

Pourquoi mon grand-père, qui avait environ 7 ans à l’époque de ces événements funestes, n’a-t-il jamais parlé de toi ? Est-il possible qu’il est totalement oublié ton existence ?

Je suis moins surprise qu’il ait annihilé celle du « bébé » car il est envisageable qu’il ne l’ait pas réellement connu. J’ai appris son existence par la presse qui a relaté la fin terrible de Gustave.

J’ai eu énormément de mal à retrouver ce bébé, placé en nourrice, car je cherchais une fille, une petite Jeanne… et j’ai finalement trouvé un garçon, un petit Eugène, né le 16 avril 1907 à Saint-Denis. Malheureusement, je n’ai pas retrouvé sa descendance.

En revanche, j’ai retrouvé celle de Suzanne qui, contrairement à mon grand-père, se souvenait d’un petit frère.

Après sa sortie de l’hôpital, Gustave a repris auprès de lui Marcel et Suzanne mais, je n’ai trouvé aucune trace de toi, ni du bébé.
Gustave, pas aussi bien remis de ses émotions que le pensaient les médecins qui lui avaient rendu sa liberté, et même complètement désespéré, cette fois, n’a pas raté sa sortie :
« … Tu déposes ta missive-testament bien en évidence sur la table de chevet, de son petit tiroir tu sors ce revolver que tu avais acheté pour défendre ta famille des malfrats qui sont encore légion en ce début de siècle… et, à même pas 36 ans, devant tes enfants, ce 23 février 1910 à six heures du soir, tu te fais sauter la cervelle. » (extrait de la biographie de Gustave Beckrich)
Le petit Eugène semble donc être resté chez sa nourrice alors que mon grand-père et votre sœur ont été placés à l’orphelinat puis dans des familles d’accueil. Ils ont été séparés et nous retrouverons mon grand-père dans l’Aube et Suzanne dans le Gard pendant que tu vivais en Dordogne puis dans l’Yonne.


Contrairement à mon grand-père, tu apprends un métier ; tu deviens chauffeur de machines à battre.

Je te perds un peu de vue en Dordogne jusqu’en 1917 où, le 03 décembre, tu te présentes à la mairie de Bergerac pour déclarer que tu t’engages volontaire pour une durée de quatre ans dans l’armée. C’est la guerre et tu vas être distingué, tu seras cité à l’ordre du 97e régiment d’infanterie avant d’être incorporé à l’Armée d’Orient.

Paul, je sais encore plusieurs choses à ton sujet, surtout lorsque tu viendras t'occuper des moissons dans la Beauce et où tu épouseras la fille d'un cultivateur, mais je ne t’ai trouvé aucune descendance… Est-ce possible ?

Il faut peut-être que je cherche encore… de toute manière, il est temps que nous nous quittions. Il est midi trente sur terre et je suis attendue… A bientôt Paul.
 
Catherine Livet
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10 commentaires:

  1. Quelle terrible histoire. Les non-dits, les secrets de famille, qui empoisonnent parfois plusieurs générations.

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    1. Quelle famille n'a pas ses secrets ?
      Merci Dominique pour ta lecture et ton commentaire

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  2. Quelle triste histoire mais tellement bien racontée. J'ai beaucoup de secrets de famille qui ont été enterrés avec leurs acteurs. Je ne pourrais pas en parler sur mon blog car c'est encore trop récent mais ces secrets empoisonnent encore ma génération.

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    1. Oui, effectivement, il faut faire très attention avec les histoires récentes.
      Merci Aline pour la lecture et le commentaire.

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  3. je viens de lire ce texte avec émotion, vous avez du talent et savez rendre votre histoire vivante, tellement prenante, ma généalogie cache elle aussi des secrets dont certains récents d'autre moins, cordialement.

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  4. Merci Djmaminou.
    N'hésitez pas à écrire ces secrets, avec vos mots. Il ne faut pas qu'ils se perdent.
    Si vous le souhaitez, vous pouvez rejoindre le groupe Facebook, "de la généalogie à l'écriture" que j'anime au sujet de l'écriture de sa généalogie. Vous y trouverez une communauté bienveillante et des conseils.

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  5. Il est des vies marquées par le tragique ... Un récit poignant

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    1. C'est vrai, certains de nos ancêtres ont connu une vie bien difficile.
      Merci Véronique pour ta visite et ton commentaire

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  6. Très émouvante cette histoire.

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Merci pour cette lecture.
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