Julia Noyon - Episode 1

La genèse de l'histoire


En ce 04 mai 1881, nous voici au tribunal correctionnel d'Avesnes (aujourd'hui dit Avesnes-sur-Helpe) dans
le département du Nord ; un petit bout de femme de moins d'1,50 m, aux cheveux châtains, aux yeux gris et au menton pointu,
Gendarmerie, prison et tribunal d'Avesnes
se tient devant l'impressionnant juge qui fait entendre sa sentence : "Deux ans de prison !", cette condamnation pour vol sera confirmée par la cour de Douai le 04 juillet suivant... tout comme une seconde peine de deux ans de prison pour vol qui a été prononcée le même jour par le même tribunal et qui ne se confondra pas avec la première ! Il faut dire que notre jeune Julia, elle est née le 11 juillet 1861 dans cette même ville d'Avesnes, n'en est pas à sa première sanction puisque le même tribunal d'Avesnes l'avait déjà condamnée pour le même motif à un an et un jour de prison le 22 juillet 1879 pourtant, le même jour, un homme n'est condamné, par le même tribunal, qu'à trois mois de prison pour tentative d'assassinat.... elle avait déjà du se présenter devant un juge et avait déjà été condamnée, le 13 février 1879, à 10 jours de prison encore une fois pour vol... lors de cette première condamnation qui est parvenue jusqu'à nous, elle n'avait même pas 18 ans... Julia est donc multi-récidiviste, de plus il est bien possible que nous n'ayons pas retrouvé toutes ses condamnations et sans doute n'a-t-elle pas été ramassée par les gendarmes à chacun de ses larcins, et la justice de cette époque n'aime pas les récidivistes mais alors, pas du tout...
A la décharge de la malheureuse, nous sommes obligés de reconnaître qu'aucune bonne fée n'était présente à sa naissance... et que, de toutes les façons, la déveine était une fidèle compagne de ses parents... de ses grands-parents... et de tous ceux qui les ont précédés dans cette grande chaîne de la vie... à ce stade de l'histoire, nous espérons encore que la roue va tourner pour elle...

Le père de Julia s'appelait Constant Joseph Noyon, il était veuf de Marie Joséphine Cuvelier et déjà père d'un certain nombre d'enfants dont deux vont bientôt retenir notre attention, lorsqu'il avait épousé, le 08 août 1860, Marguerite Angélique Rahïr encore appelée Henriette Merda ou plus simplement Mariette qui était également déjà mère d'un certain nombre d'enfants dont deux seulement étaient encore vivants.
Lorsque Julia vient au monde, Hortense Merda, sa soeur utérine, a atteint 6 ans et son frère utérin, Henri Merda, n'a pas encore 5 ans, il est donc pratiquement certain qu'elle va les connaître ; par ricochet, nous pouvons supposer qu'elle va aussi connaître relativement bien son frère consanguin, Henri Noyon, car bien que né quelques 20 ans avant elle, il va épouser Hortense Merda mais il est beaucoup moins sûr qu'elle connaisse réellement sa sœur consanguine, Clémentine Noyon, qui est née le 13 mars 1838 et qui était déjà mariée depuis le 22 février 1855, à même pas 17 ans, avec un dénommé Isidore Petitjean et il semblerait que le couple soit parti tenter sa chance à la capitale peu de temps après le mariage ; de plus Clémentine et son époux vont être très occupés par la guerre de 1870 et seront pris dans la tourmente de la Commune de Paris ; elle sera médaillée, il sera bagnard...
Pour compléter la famille, au moins trois frères germains vont être également offerts à la petite Julia mais seul l'un d'eux va vivre... et l'entrée dans la vie de ce petit bonhomme va être un peu particulière car leurs parents, bien qu'ils aient déjà effectué la démarche pour les nombreux enfants qu'ils ont eu chacun de leur côté puis pour ceux qu'ils ont eu ensemble, vont tout bonnement oublier de déclarer la naissance de ce petit Henri Paul... la situation sera régularisée en 1871 après que l'indigence des parents soit constatée... alors que l'enfant est né en 1864 ! 
La situation de la fillette n'est donc pas très enviable et, malheureusement, elle ne va pas s'arranger. Elle vient de fêter ses 11 ans lorsque son père est admis à l'hospice civil d'Avesnes où il décède le 27 septembre 1872 et voilà que cinq mois plus tard, le 26 février 1873, c'est sa mère qui décède dans la masure où la famille survit tant bien que mal, rue Sainte Croix... C'est un peu la débandade parmi les survivants... La sœur utérine et le frère consanguin de Julia  décident de se marier ensemble... tout est prévu... les jeunes gens se présentent devant monsieur le maire le 07 décembre 1874, la future est accompagnée par son oncle, en fait le mari de sa tante maternelle Catherine Merda, et par sa grand-mère maternelle, Angélique Rahïr, tout le monde approuve cette union, l'acte est rédigé et signé pourtant, ce mariage va être invalidé... 
Nous ne trouverons plus aucune trace du petit frère de Julia jusqu'à ses 20 ans, sans doute a-t-il été confié à un orphelinat mais qui aide la pauvrette ? Alors, elle fait ce qu'elle peut... y compris de petits vols... et elle est arrêtée plusieurs fois et passe donc devant le juge plusieurs fois...
La justice va faire une proposition formidable à la toute jeune femme plutôt démunie face à la vie surtout qu'il semble qu'il faille qu'elle s'occupe d'un enfant qu'elle aurait eu mais personne ne saura jamais ce qu'est devenu ce petit être... lui a-t-il été enlevé ? Est-il décédé on ne sait pas où ? Il va lui être proposé de partir au bout du monde sur cette terre que l'on nomme Nouvelle Calédonie, ce territoire lointain vers lequel on envoie les condamnés aux travaux forcés qui seront employés à l'aménagement de cette nouvelle possession... Tout le monde semble gagnant : on débarrasse les honnêtes gens de métropole des indésirables, misérables filles récidivistes comme elle, que l'on invite à aller peupler cette Nouvelle Calédonie un peu déserte et elle va se voir offrir un toit, une terre à cultiver et un homme à épouser... Que peut-elle espérer d'autre ? A-t-elle la possibilité de refuser ? Au moment où elle signe ce contrat de dupe, sait-elle que sa sœur Clémentine est installée comme commerçante à Moindou qui est une ville de la province sud de la Grande Terre, au sud de Bourail ? Et Clémentine sait-elle que l'infortunée Julia va débarquer en Nouvelle Calédonie ? Les deux sœurs vont-elles renouer des liens en se rencontrant par hasard ? 

En attendant, Julia est conduite à la citadelle de Doullens dans la Somme, qui est devenue une prison centrale pour femme, où lui est attribué le matricule 4 831 ; elle va rester dans une cellule sordide, peut-être même insalubre, un temps indéterminé, puis elle sera acheminée par wagon pénitentiaire jusqu'à son port d'embarquement et voguera durant de longues semaines vers son extraordinaire destin. 
Quelle aventure pour cette jeune femme qui semble n'être jamais encore sortie de sa ville natale !


Catherine Livet

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Sources / Bibliographie :
  • Archives du Nord
  • Archives de la Somme
  • Archives de Paris
  • Archives de l'Aisne
  • "Journal de Fourmies"
  • "La Dépêche de Brest"
  • Journal Officiel
  • Archives Nationales d'Outre-Mer


2 commentaires:

  1. Triste destin, On devrait diffuser plus souvent ce type d'information pour ceux qui pensent que c'était mieux avant...

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  2. La vie était rude à cette époque. La misère bien grande et la tristesse infinie. Tous les membres de cette branche ont eu un destin extraordinaire.

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