Jean Baptiste Livet, troisième du nom


La maison bruisse… J’aimerais être seule pour pouvoir laisser vagabonder mon esprit à ma guise, le sentir voguer dans l’espace, planer, virevolter jusqu’à ce qu’il trouve l’esprit de l’ancêtre avec lequel je souhaite une rencontre… Je m’isole dans mon bureau, pièce sacrée, les bruits s’estompent… Je peux enfin me concentrer et je vous vois… Je sais qui vous êtes et vous savez qui je suis…

Ah mais ce n’est pas possible ! Vous ne m’avez pas simplifié la tache ! Mais oui, je sais bien que ce n’est pas de votre faute ! C’est évident que ce n’est pas vous qui avez choisi votre prénom mais c’est vous qui êtes en face de moi aujourd’hui Jean-Baptiste Livet et de toutes les façons, j’ai déjà fait le même reproche à Robert, notre ancêtre commun et moi aussi je suis une Livet, une vraie de vraie ! Râleuse ! Surtout que vous avez encore tenté de me perdre en épousant Marie Marguerite Hourdiot qui avait pour jeune sœur Marie Marguerite Hourdiot ! A croire que toute cette histoire a été tramée pendant plusieurs générations dans le seul dessein que je mélange tout le monde !
Schéma généalogique

Vous êtes né le 21 octobre 1758 au village d’Epône alors en Seine et Oise et aujourd’hui dans les Yvelines de Jean-Baptiste et de Marie Jeanne Thibout et vous avez été baptisé le lendemain, votre parrain est Philippe Thibout, votre oncle maternel, et votre marraine Marie Marguerite Le Roy qui, dans quelques temps, épousera votre parrain. Vos parents se sont mariés en 1757 et vous êtes le premier né mais je pense que vous aurez toujours le sentiment d’être fils unique car vos sœurs qui sont nées à Hargeville vont y décéder très jeunes et  je ne pense pas que vous puissiez avoir de souvenirs d’elles… De quoi sont elles mortes ? Nous ne le saurons jamais mais la vie ne doit pas être très facile… Louis XV n’est plus le Bien-Aimé, la Pompadour anime la Cour et la politique, de plus la France est en guerre, celle dite de 7 ans, contre nos meilleurs ennemis les Anglais…  Cependant, la région est couverte de vignes et de cultures qui permettent un commerce régulier avec Versailles et la capitale.

Carte des Yvelines avec l’implantation des Livet au fil des siècles


Il faudrait que vous puissiez me parler de votre enfance car, bien entendu, je ne sais rien de vous à cette époque puisqu’il n’y a aucune trace de vous depuis votre baptême jusqu’à votre mariage qui va être célébré en début de l’an 1782. La publication des bans se fait tant à la paroisse d’Hargeville qu’à celle de Goupillières où vous vivez désormais avec vos parents qui, comme vous, sont dits journaliers.
Votre fiancée est Marie Marguerite dont le patronyme est écrit Hourdiot mais qui était écrit Hourdeau à son baptême qui a été célébré le 20 août 1759, le jour de sa naissance, à Hargeville. Elle est la fille de Jean Denis, charretier, et de Marie Marguerite Dubois, son parrain est Martin Pelletier et sa marraine Marie Anne Hourdeau, fille de Nicolas.
Mais votre fiancée a une petite sœur qui est née et a été baptisée le 30 septembre 1762, aussi à Hargeville, et qui est prénommée Marie Marguerite mais le nom est orthographié Hourdiot ; son parrain est Jacques Drouart et sa marraine est Marie Anne Placet. Bien entendu, cela ne devait poser aucun problème lorsque vous étiez ensemble sur terre, les deux jeunes femmes étaient parfaitement reconnaissables l’une de l’autre, sans doute même n’étaient-elles pas appellées par le même prénom… mais cela n’est pas aussi évident pour vos descendants… mais heureusement Monsieur Bauny, curé d’Hargeville qui a célébré votre mariage le 05 février 1782, a pris la peine de bien citer les témoins de votre union. Bien entendu, Jean-Baptiste père était présent et consentant et vous étiez également assisté par Philippe Thiboust, votre oncle maternel  qui est aussi votre parrain. La future est orpheline et est assistée par Nicolas Hourdiot qui est son tuteur ainsi que par son oncle Maximilien Hourdiot et par… Martin Pelletier, laboureur, qui est le… parrain de la fiancée… Ouf ! Surtout, n’oubliez pas de remercier Monsieur le curé de ma part.
De nombreux autres parents et amis sont présents et certains signent en bas de votre acte de mariage sur lequel je découvre votre signature. Vous n’écrivez pas notre nom comme le curé et ses prédécesseurs le faisaient déjà puisque vous ne mettez pas la lettre T finale que vous remplacez par un accent sur le E
Signature Jean-Baptiste Livet en 1782





Votre mariage est rapidement suivi d’une naissance, celle de Marie Marguerite dont la visite éclair sur terre tient en un seul acte rédigé par le curé Bauny qui précise que l’enfant a été baptisée le samedi 08 juin 1782 et qu’elle a été inhumée le lendemain dans le cimetière d’Hargeville en présence du parrain et de la marraine.
Le second enfant ne va pas se faire attendre très longtemps et c’est encore une fille que le curé Bauny baptise le 29 avril 1783 en présence de son grand-père paternel de la paroisse voisine de Goupillières qui fait office de parrain et de Radegonde Cacheux, la marraine, qui signe et qui donne son prénom à l’enfant. Bien que cette petite Marguerite Radegonde n’atteindra pas l’âge de 6 ans, elle va jouer un rôle important dans votre vie puisqu’elle va permettre à Marie Marguerite Hourdeau d’élever des nourissons venus de Versailles dont au moins un, décèdera chez vous en 1785.
Les deux enfants qui suivent sont encore des filles mais elles naissent et sont baptisées à Goupillières, la ville voisine dans laquelle vivent vos parents ; sur ces quatre premières naissances, seule la dernière fille, Victoire Elisabeth, va atteindre l’âge adulte. Les prochaines naissances auront lieu à Hargeville à commencer par celle d’un garçon, Jean Louis, le 22 décembre 1788 dont je perds la trace. Le début de la période révolutionnaire ne réduira pas la fécondité de votre union et les naissances vont continuer de se suivre à un rythme plutôt soutenu  puisque le 12 septembre 1790 naît une fille, Marie Angélique, qui se mariera en 1826, elle sera suivie de la naissance, le 14 décembre de l’année suivante, de Jacques qui deviendra omniprésent dans la vie de ses contemporains. Suis-je passée au dessus de certains actes ? Avez-vous quitté Hargeville et Goupillières durant quelques années ? Avez-vous participé activement à la Révolution dont certains effets ont été fortement répercutés sur la région à cause de sa relation privilégiée avec Versailles et la capitale et par la présence de villes fortifiées le long de la Seine, voie de communication alors essentielle ? Je me pose toutes ces questions car le rythme soutenu des naissances semble connaître un répit de plus de quatre ans puisque Charles, dont j’ai l’honneur de descendre, ne verra le jour à Hargeville que le 19 avril 1796 mais deux autres filles vont naître ensuite, Marie Marguerite en 1798 et Magdeleine en 1800, toutes les deux vont atteindre l’âge adulte et se marier et Magdeleine va sans doute veiller plus particulièrement sur vos vieux jours…
Comme j’aimerai savoir ce que vous avez fait durant cette Révolution et surtout, ce que vous en avez pensé car un faisceau de petits éléments m’incite à imaginer que vous avez joué un certain rôle dans cet épisode majeur de l’Histoire de la France…
C’est durant cette période trouble que votre père, Jean-Baptiste, décède chez lui à Goupillières le 20 mai 1799 ; vous venez faire la déclaration le lendemain et je peux constater que la signature du citoyen que vous êtes devenu a considérablement évolué puisque vous ne notez plus que votre patronyme qui a perdu son accent et qui a retrouvé son T final.
Signature Jean-Baptiste Livet en 1799
A son veuvage votre mère, Marie Jeanne Thiboust, vient s’installer à Hargeville auprès de vous et de son frère Philippe en tous les cas, c’est bien dans cette petite ville qu’elle décède le 24 janvier 1801 ; c’est vous qui faites la déclaration assisté de votre oncle et parrain Philippe Thiboust ; vous signez strictement de la même façon que lors du décès de votre père. Ce qui est remarquable dans cet acte et qui est l’un des éléments me faisant penser que vous avez été lié d’une manière plutôt active à la Révolution est la personne du maire de la commune car il a pour nom Martin Pelletier et il y a une forte probabilité que nous soyons en présence du parrain de Marie Marguerite Hourdeau, votre épouse.
Goupillières va rester longtemps dans la vie de vos descendants car beaucoup de descendants de vos petits-enfants vont y naître ; il faut dire que vous avez gardé autour de vous, à l’exception de l’aînée de vos filles, Victoire Elisabeth, qui vivra à quelques kilomètres à Autouillet, vos enfants vivants ; C’est dans ce vilage que vous mariez Marie Marguerite, le 03 juillet 1822, avec Jean Louis Drouard, un jeune cordier de 24 ans ; ce mariage est suivi d’une naissance puisque Marie Louise Drouard pousse son premier cri le 23 octobre suivant ; c’est son oncle Jacques qui se charge d’assister le père pour la déclaration de naissance malheureusement tout ne se passe pas trop bien et votre fille sans doute mal remise de ses couches, décède le 10 décembre de la même année et un malheur n’arrivant jamais seul, le bébé suit sa mère dans la tombe puisque sa petite âme quitte son corps le 19 décembre suivant… C’est encore votre fils Jacques, qui deviendra omniprésent dans la vie non seulement des Livet mais aussi des villageois en général, qui a le triste privilège d’assister Jean Louis Drouard lors de ces deux déclarations.
 
Mais parmi les autres évènements de votre vie, il y a le mariage de François Frédéric, votre petit-fils né de votre fils Charles. Il est bien jeune, même pas 20 ans, lorsqu’il épouse le 04 juillet 1837 à Septeuil, Marie Louise Bernard qui a 24 ans… Il me plaît d’imaginer que vous avez assisté à cette union dont le principal témoin est bien entendu votre autre fils, Jacques. J’aimerai que vous puissiez me parler de votre fils Charles et  de votre petit-fils François Frédéric qui sont, comme vous, mes ancêtres.

Ah Jean Baptiste, le temps presse ! Je sais que nous aurions pu parler bien plus en détails de beaucoup de choses et de chacun de vos enfants mais il va falloir que mon esprit regagne vite mon corps car ma maison s’anime… De toute façon, nous sommes arrivés à la fin de votre expérience terrestre puisque, veuf depuis le 14 janvier 1836, entouré de vos enfants survivants, de vos petits-enfants et même de votre arrière-petite-fille, Julie Rosalie Louise Alexandrine Livet qui est née le 11 mars 1838 des œuvres de François Frédéric, vous vous éteignez, chez vous, à Goupillières, le 18 avril 1840.

Catherine Livet
Vers Robert Livet

Pour connaître la vie de Robert Livet, suivez le lien

Ce texte a été rédigé dans le cadre du #RDVAncestral du mois de septembre 2019

Sources – Bibliographie :
  • Archives des Yvelines
  • Archives personnelles
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5 commentaires:

  1. Bravo, j'aime beaucoup et super bien vu pour les 2 soeurs Marie Marguerite Hourdeau.
    Christian

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  2. Bravo, j'aime beaucoup. C'est une façon très agréable de regarder autrement la généalogie. Bien vu pour les 2 soeurs Marie Marguerite Hourdeau.
    Bonne continuation
    Cordialement
    Christian

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  3. Eh bien, votre Jean-Baptiste a vécu 82 ans, ça en fait à raconter ;-) J'imagine que la tâche a été hardue !

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  4. Malgré une vie sans fait extraordinaire (a priori!), tu nous contes l'histoire de Jean-Baptiste et on se prend à la lecture. As-tu vérifier dans les cahiers de doléance s'il était cité ?

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Merci pour cette lecture.
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