Hier était la troisième séance de l'atelier d'écriture en généalogie auquel je participe mais hier, était le 3e samedi du mois et donc le jour du #RDVAncestral auquel je participe depuis longtemps maintenant et qui est un exercice que j'aime réellement.
Je vous rappelle que vous pouvez participer au #RDVAncestral qui est ouvert à tous, il consiste à raconter un rendez-vous imaginé, plus ou moins romancé selon l'auteur, avec l'un de ses ancêtres.
Pour tout savoir et pour lire l'intégralité des participations, direction le site dédié : RDVAncestral
En ce qui me concerne, j'avais un rendez-vous avec Robert Livet, mon ancêtre paternel, qui vivait sous le règne de Louis XIV et avec lequel j'avais déjà échangé le mois précédent.
Je vous remercie pour votre fidélité,
A bientôt,
Catherine Livet
Voici l'intégralité de cette rencontre :
Robert Livet de 1694 à 1722
Il a fait beau et chaud toute la
journée, la soirée a été douce et amicale ; nous sommes vendredi, il est
déjà tard… Je viens de rentrer chez moi et la maison est vide… il n’y a aucun
bruit… j’aime cette sensation d’être seule au monde… J’apprécie pleinement l’instant
magique où, mon corps bien installé dans son fauteuil préféré, je sens mon
esprit s’élever, partir loin, toujours plus haut, à la recherche de celui de l’un
de mes ancêtres… aujourd’hui, il va à la rencontre de Robert Livet avec lequel
il n’a pas terminé d’échanger lors de leur dernière conversation…
Mais bien entendu Robert que je
me souviens où nous en étions lorsque j’ai du vous quitter un peu précipitamment
le mois dernier… vous veniez de vous marier alors que partout autour de vous
régnaient famine, maladies et désolation… d’ailleurs, il me semble que ce n’est
que le 04 août 1695, toujours à Mézières, que naît votre premier enfant, une
fille qui est prénommée Marie mais qui
sera inhumée le 21 suivant ; c’est encore une fille que Catherine Martin
met au monde ce 15 mars 1697 mais l’enfant est bien faible et la sage femme
s’empresse de l’ondoyer ; Monsieur le curé a le temps de suppléer au
baptême, il nomme la sage femme du village dans l’acte qu’il rédige, elle
s’appelle Andrée Potier, je pense qu’elle pourrait bien être votre tante
maternelle mais je dois vous avouer que je n’ai pas encore fait de recherches
dans cette voie ; la marraine est Marguerite Martin, sans doute la sœur de
votre épouse et le parrain est Etienne Placet… il n’a pas été choisi au hasard,
les Placet et les Livet sont plus qu’amis et les liens entre les deux familles
ne s’arrêtent pas aux baptêmes, ils vont se renforcer par mariages pendant au
moins le siècle qui va suivre…
Malheureusement,
la fillette vous quittera le 09 avril 1699 ; il faut dire que la vie est
très difficile et, sans aller jusqu’à parler de famine, les disettes se
succèdent tant le temps se fâche contre les hommes comme le 18 juillet 1698 où
un orage, vers 4 h 30 du soir s’est abattu avec tant de force sur la région que
8 000 arpents de grains et 400 de vigne furent entièrement détruits, en un
quart d’heure, par la violence de la pluie de grêle… des vitres ont volé en
éclats et il paraît que des bestiaux ont été assommés par la force des grêlons…
Au tout début du mois de février
de cette année 1699, Catherine Martin a enfanté. Un premier garçon vous
Baptême de Jean Livet |
est
offert mais il y a péril de mort et Andrée Potier, toujours sage femme de
Mézières, s’est empressée de baptiser le nouveau-né et vous êtes vite allé le certifier
à Monsieur le vicaire de la paroisse et pour cette déclaration, vous étiez
accompagné par… Nicole Potier, femme d’âge mûr… sans aucun doute votre mère.
Pour cet enfant encore le parrain, Jérôme Cacheux et la marraine, Marie
Guibourg ont été choisis avec soin, dans des familles alliées et qui resteront
très imbriquées avec les Livet et les Placet pendant plus d’un siècle. Votre
petite communauté s’est alarmée pour rien car ce petit Jean va se ragaillardir
et devenir un homme qui se mariera et aura des enfants.
Une petite fille, Marie Catherine
va suivre en 1701 et va aussi atteindre l’âge adulte, se marier et avoir des
enfants mais ce ne sera pas le cas de la suivante qui, née à la fin de l’année
1702 sera inhumée le 10 janvier 1703 mais Jeanne née à la toute fin de 1703 et
Marguerite née en septembre 1705 accompliront également leur devoir sur cette
terre et donneront des enfants à leurs époux respectifs. Quelques mois avant la
naissance de votre fille Marguerite, vous êtes devenu, le 30 mai, le parrain de
Marie Placet, fille de Sébastien et de Marie Saint Pierre ; le bébé a un
frère aîné, Pierre, qui dans quelques années va épouser Marie Jeanne Forget la
veuve de votre fils Jean… Vraiment, les Placet et les Livet seront alliés de
toutes les façons possibles… Mais à dire vrai, je ne sais pas si votre filleule
va vivre car depuis le début du mois de mai des fièvres malignes et autres
maladies terriblement contagieuses emportent les plus faibles habitants de la
région… l’épidémie va durer jusqu’au mois de juillet entraînant une grosse
surmortalité.
Jacques, le garçon que Catherine
Martin met au monde en 1707 n’atteindra pas un an mais il sera suivi de
Jean-Baptiste dont j’ai l’honneur de descendre.
Comme il est difficile de vivre à votre
époque ! Sur fond de guerres qui semblent devenues perpétuelles apportant
tant de souffrances au peuple de France, le roi très chrétien fait tout pour
préserver les intérêts de
son petit-fils et contribue à plonger l’Europe
entière dans cette guerre dite de la succession d’Espagne qui va affaiblir un
peu plus une population tant éprouvée…
Victoires remportées en Flandre en 1709 |
Un mal en entraînant un autre, en
cet hiver 1709, de mémoire d’anciens, on n’a jamais connu un froid pareil… Il
paraît que le bon vin de la région tant apprécié à Versailles gèle sur la table
royale… de toutes les façons, les vignes sont également gelées tout comme la rivière de
Seine qui est devenue solide… il est impossible de ravitailler la capitale et
les liaisons avec Versailles sont pratiquement coupées… on enregistre des
températures négatives jamais atteintes, de –15 à – 18° C du 06 au 17 janvier
où la température remonte à – 7,5 °C ; le dégel s’amorce le 24 mais une
nouvelle vague de froid sévit du 04 au 10 février avec des températures de
l’ordre de – 5° C puis le thermomètre remonte jusqu’à afficher 12° mais rechute
dès le 21 février pour atteindre – 13,5° C le 24 février… Un seul mariage est
célébré à Mézières durant cette maudite année, quarante-trois baptêmes sont
enregistrés sur le registre paroissial contre soixante-cinq inhumations qui ont
été rendues très difficiles à cause de la terre gelée et de la faiblesse des
organismes…
Louis XIV a pourtant bien
conscience de la souffrance de son bon peuple et de la dramatique situation
économique dans laquelle se trouve le royaume ; dès décembre 1708, il fait
interdire d’exporter du blé et en avril 1709, il est permis de ressemer de
l’orge…des mesures exceptionnelles de charité sont prises… mais le peuple
gronde et des émeutes, peut-être plus en province que dans la région, perturbent
le Grand Roi qui, jusque là pensait qu’il ne devait rendre compte qu’à Dieu,
reconnaît humaines ses limites et, en juin 1709, dans toutes les églises de
France sera lu son fameux « Appel au peuple » à qui il s’adresse
directement et il sera écouté…
Ensuite,
il vous sera offert deux autres fils l’un, Pierre, que je perds de vue dès son
baptême célébré le 24 avril 1712 et le second, Gabriel qui est baptisé le 1er
mai 1716, jour de sa naissance, et qui est inhumé le lendemain.
La vierge à l'enfant |
Je me suis prise d’affection pour
vous Robert d’abord parce que vous avez vécu à une époque difficile à
appréhender pour mes contemporains tant les siècles nous séparent, ensuite
parce que vous avez vécu dans une région, le Mantois, que je connais bien maintenant
et que j’ai marché dans vos pas… j’ai pénétré dans la petite église Saint
Nicolas de Mézières, j’ai effleuré les fonts baptismaux au-dessus desquels
vous, vos frères, vos sœurs, vos enfants et vos neveux ont été présentés, comme vous j’ai contemplé la vierge à
l’enfant… j’ai presque senti votre souffle… j’ai cheminé dans les rues que,
pour certaines, vous avez empruntées, j’ai flâné le long du lavoir de la grande
fontaine, richesse sans prix à votre époque que les sources de Mézières, où il
y a de fortes chances que vous soyez venu prélever l’eau nécessaire à votre vie… et enfin Robert, sans doute
est-ce très subjectif, j’ai toujours eu, depuis que je vous connais, le
sentiment que vous étiez une personne bienveillante… malgré les difficultés de
votre vie, malgré l’époque où vous avez vécu qui était loin d’être tendre…
Peut-être est-ce du à l’histoire de Thérèse ?
Au
plut tôt dans le courant de l’année 1716, vous avez quitté la paroisse de
Mézières pour celle d’Epône, sa voisine.
Un nouveau fléau s’abat alors sur
la région… en cette année 1719, il a pour nom canicule… le niveau de l’eau
baisse dangereusement… même les sources si précieuses, fierté de Mézières et d’Epône,
se font
Marques des frères Livet à l'inhumation de leur mère |
discrètes… l’eau boueuse croupit, s’infecte et propage les maladies…
Des nuées de sauterelles sont observées traversant toute l’Ile-de- France et
causant de sérieux dégâts sur la végétation déjà bien éprouvée par la sécheresse…
C’est cet été là, le 19 septembre que votre mère quitte le monde après avoir
reçu tous les derniers sacrements, elle est inhumée le lendemain dans le
cimetière de Mézières en votre présence et celle de vos frères, Guillaume, le
maçon et Gabriel, le vigneron ; elle était veuve pourtant, je n’ai pas
encore trouvé la trace du décès de votre père.
Et puis quelques années plus tard, vous avez
assisté dans l’église d’Epône qui est devenue la vôtre à une union qui pourrait
être semblable à n’importe quel mariage
de l’époque dans cette région sauf qu’il n’en est rien… la fiancée n’a pas de
nom, elle est juste Thérèse…vous l’avez nourrie depuis sa plus tendre enfance
jusqu’à ce jour, 21 octobre 1720, où vous lui avez trouvé un mari, André Thuret
fils des défunts Guillaume et Françoise
Fleury, votre fils Jean est présent au mariage de celle qu’il doit considérer
comme sa sœur car ce n’est pas parce qu’elle est maintenant mariée que vous
n’allez plus prendre soin d’elle… le 09 décembre 1721, elle donnera naissance,
à Epône, à un fils qui sera prénommé André, comme son père, et qui aura pour
marraine votre fille Catherine qui est dite être de la paroisse d’Epône ;
il en sera de même pour la naissance d’un autre de ses fils, Jean qui sera
baptisé le 09 novembre 1724 et qui aura pour marraine,
votre fille Jeanne… Thérèse n’aura jamais de nom et lorsqu’elle sera inhumée,
le 14 août 1735, dans le cimetière d’Epône, le curé précisera « Elle n’avait
pas de nom de famille étant un enfant trouvé »
Cependant,
le 24 novembre 1721, vous avez marié votre fils aîné, Jean qui est devenu
jardinier comme vous, à Mézières, il a épousé Marie Jeanne Forget qui lui
donnera deux enfants, des garçons, le premier vivra neuf jours et le second naîtra
et décèdera dans la même journée. Et puis votre fils Jean va tomber malade, il
décède ce 15 juin 1724 muni de tous les sacrements et le lendemain, vous serez
à Mézières pour assister à son inhumation.
Intérieur de l'église St-Béat d'Epône |
Une époque se termine car même
s’il vous reste encore trois filles et un fils à marier, leur mère, Catherine
Martin va vous quitter pour toujours… elle a eu le temps durant sa maladie de
recevoir les derniers sacrements, s’est éteinte le 29 janvier 1722 et a été
inhumée le lendemain dans le cimetière de l’église Saint Béat d’Epône. A ce
moment là Robert, aviez-vous conscience qu’une nouvelle vie vous attendait ?
Il faut maintenant que mon esprit
regagne mon corps… j’ai encore un gros travail à accomplir car je dois mettre
par écrit cette rencontre pour qu’elle ne soit jamais oubliée et que mes
descendants connaissent leurs ancêtres comme je les connais.
Catherine Livet
Ce texte a été rédigé dans le
cadre du RDVAncestral d’avril 2019, il fait suite à celui du mois de mars :
Robert Livet
Robert Livet
Sources / Bibliographie
- Archives des Yvelines
- Le grand hiver 1709 – Météo France
- Le siècle de Louis XIV – Joseph Du Fresne de Francheville (1704-1781), auteur prétendu du texte
- Histoire du climat depuis l’an mil – Emmanuel Le Roy Ladurie
- Photo en-tête, Gallica
Il faudrait qu'on arrête de se plaindre parce que la vie était bien plus dure avant
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord avec vous. Merci beaucoup pour votre lecture
SupprimerLe temps était complètement détraqué
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