vendredi 1 mai 2020

1er mai du sang et des fleurs

La fête du travail

Vers toutes les fêtes
Bonjour mon lecteur,

Bon, ce n'est pas un scoop : le 1er mai est la fête du travail. 
Tout aurait commencé le 1er mai 1886 là-bas, aux USA, dans la ville de Chicago où les syndicats ouvriers viennent d'arracher de hautes luttes la journée de 8 heures.
Tout ceci est bien loin dans le temps et l'espace, mais le 1er mai est, dès lors, resté dans l'histoire comme le jour de grève par excellence.

En France, il faudra attendre la loi du 23 avril 1919 pour que la durée quotidienne du travail soit fixée à 8 heures... et encore, tout n'a pas été aussi simple pour autant et la généralisation s'est faite lentement. Les ondes de la révolution russe et les prises de positions d'autres pays européens avaient fini par faire avancer la vieille France.

Le 1er mai, que nous associons aujourd'hui à la fête du muguet, a pourtant été un jour brutal et même sanguinaire dans l'histoire qui s'écoule de 1886 à 1919.

En juillet 1889, s'est tenu à Paris un congrès, resté sous le nom de IIe Internationale socialiste ou Internationale ouvrière, réunissant les partis socialistes d'Europe... très dominés par le très puissant S.P.D pour Sozialdemokratische Partei Deutschland (Parti social-démocrate d'Allemagne). C'est ce jour qu'il a été décidé d'organiser, le 1er mai 1890, une manifestation internationale pour revendiquer la journée de travail de 8 heures. C'est ce jour qui est regardé comme celui de la naissance de la Journée Internationale des Travailleurs.
L'habitude de cette manifestation est prise, mais celle de 1891 va laisser de terribles souvenirs qui ont marqué durablement les contemporains et qui sont restés dans la mémoire collective et les archives.

Les faits se sont déroulés à Fourmies, dans le Nord.
Le programme de la journée prévoyait qu'une délégation d'ouvriers porterait les revendications à la mairie dans la matinée et que l'après-midi serait festif et se terminerait par un bal... Mais la ville, réputée pour son industrie textile, est à cran... le patronat menace de licencier les ouvriers grévistes... la manifestation devient houleuse... Il y a quelques échanges musclés entre les gendarmes et quelques manifestants dont quatre sont arrêtés et enfermés dans la mairie... le maire promet de les relâcher à 17 heures mais, lorsque leurs camarades viennent les chercher, les portes restent closes... Le préfet déploie un formidable dispositif coercitif, à l'époque, c'est l'armée qui est appelée pour remettre les ouvriers derrière leurs métiers à tisser...
La tension monte... les manifestants veulent que leurs camarades, arrêtés le matin, soient immédiatement libérés...
La situation devient explosive... Sommation ou pas, les récits diffèrent grandement sur ce point, les soldats, étrennent le fameux fusil Lebel... ils ouvrent le feu... Neuf personnes, pour la plupart très jeunes, tombent, mortellement atteintes, dont quatre femmes et un enfant âgé de dix ans.

La presse va relayer l'information, des photos seront même prises - pas des instantanées, les scènes vont être reconstituées -. La couverture du Petit Parisien, supplément littéraire illustré, du 17 mai 1891, s'inspire pour sa une des photos de Monsieur Louis Perron qui sont conservées à l'écomusée de l'Avesnois.

Un prêtre, venu porter secours aux victimes, sera même considéré comme s'étant interposé entre les manifestants et les soldats...  L'histoire de son intervention est mise en scène et voyagera avec les cartes postales éditées pour l'occasion pour conserver le souvenir de ce premier mai sanglant...
Les députés se déchirent... Il y a les partisans de l'ordre et ceux qui défendent la justice sociale... À l'Assemblée, Georges Clemenceau, aurait dit "Il y a quelque part, sur le pavé de Fourmies, une tache innocente qu'il faut laver à tout prix. Prenez garde ! Les morts sont de grands convertisseurs !".

Un hôpital temporaire est dressé pour soigner les soldats blessés, par jet de projectiles, mais il n'est pas dit si, finalement, les soldats infirmiers sont venus porter secours aux nombreux manifestants blessés lors de cette affreuse journée.

Les obsèques se déroulent le 04 mai, sous bonne garde... plus de 40 000 ou 50 000 personnes y assistent.

Les neuf décès de cette journée sanglante sont inscrits dans le registre d'état civil de Fourmies (1 Mi EC 249 R 012)
au 02 mai 1891 :
L'intransigeant du 08 mai 1891 - victimes
  • acte 124 : Emile Segaux, 30 ans, tisseur, décédé à 6 h du soir au lieu-dit rue des Eliets,
  • acte 125 : Kleber Edmond Gilotaux, 19 ans, rattacheur, décédé à 6 h du soir au lieu-dit Grande Place. Les journaux de l'époque annoncent qu'il portait le drapeau en tête des manifestants,
  • acte 126 : Louise Hublet, 20 ans, ouvrière de filature, décédée à 6 h du soir dans une demeure rue des Eliets,
  • acte 129 : Marie Diot, 17 ans, ouvrière de filature, décédée à 6 heures du soir au lieu-dit Grande Place,
  • acte 130 : Emilie Blondeau, 18 ans, ouvrière de filature, décédée à 6 h du soir au lieu-dit Grande Place. Elle est restée dans l'histoire sous le prénom de Maria. Elle est un symbole fort de cette fusillade parce qu'elle a été tuée un bouquet d'aubépine à la main représentant l'espoir et l'amour,
  • acte 132 : Félicie Tonnelier, 17 ans, ouvrière de filature, + 6 h du soir dans une demeure rue des Eliets,
  • acte 133 : Emile Cornaille, 10 ans, + à 6 h du soir dans une demeure rue des Eliets. Les journaux précisent, pour attendrir les lecteurs, qu'une toupie a été trouvée dans une poche de l'enfant,
  • acte 134 : Charles Leroy, 21 ans, tisseur, + à 6 h lieu-dit Grande Place,
  • acte 135 : Gustave Pestiaux, 16 ans, rattacheur, + à 6 h du soir, lieu-dit Grande Place.


On trouve la description des blessures mortelles dans certains journaux de l'époque mais, je trouve cela très malsain. Savoir qu'ils sont morts fusillés est bien suffisant pour se rendre compte des faits.
Il faut aussi noter que certaines des victimes n'étaient même pas des manifestants, mais de simples passants.

Camille Latour, 46 ans, succombe le lendemain mais, il semble qu'il n'ait pas été blessé par balle.
Les journaux, dont l'Intransigeant du 08 mai 1891, publient la liste des blessés... compte tenu des blessures décrites, d'autres décès devraient certainement être comptabilisés au titre de la fusillade de Fourmies.
Un monument sera même érigé dans le cimetière en souvenir de ces malheureuses victimes en 1903.


Toute l'histoire du premier mai baigne dans le sang.

Je vous parlerai du tireur du 1er mai 1907, à Paris mais aujourd'hui, je vous rappelle que c'est le Maréchal Pétain, sous l'occupation allemande, qui a décrété, en 1941, le 1er mai comme "fête du travail et de la concorde sociale".
Il faudra attendre la loi du 30 avril 1947 pour que le 1er mai devienne un jour chômé et payé et qu'il soit interdit de travailler ce jour-là sauf bien entendu pour certains professionnels indispensables 24 heures sur 24 et... un job d'une année par an est créé : Tout un chacun, particulier et organisation, peut vendre des brins de muguet non transformés, librement, et sans rien devoir à personne.

 
Mais alors et le muguet dans toute cette histoire ?
Justement, c'est une autre histoire... bien que les fleurs aient jalonné celle des sanglants 1er mai, comme l'évocation du bouquet d'aubépine  d'Emilie/Maria Blondeau nous le laisse penser.
En attendant, que ce brin de muguet vous porte bonheur.

À très bientôt,
Catherine Livet
 

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