vendredi 27 novembre 2020

ChallengeAZ Lettre X

Pêle-mêle d'étrangetés et autres casse-tête - Challenge AZ 2020

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Le temps passe si vite… Louis, « le Soleil » veut briller sur le Monde et, à dire vrai, il est à son zénith… le Monde entier, fasciné, a les yeux tournés vers la France et son magnifique représentant… sauf… quelques-uns qui refusent de se laisser aveugler par l’irradiation de celui qu’ils nomment toujours Louis XIV… Les guerres s’enchaînent… Le Roi Soleil, dans un premier temps, confirme la suprématie de la France sur le Monde… puis, il réussit le tour de force, exploit rare et pourtant peu mis en avant, de permettre l’alliance des plus grands princes européens… ces ententes jusque-là parfois improbables vont donner naissance à ce qui est aujourd’hui toujours appelé « la ligue d’Augsbourg »… Le Roi Soleil s’assombrit… mais s’il ne s’agissait que de guerres…  Les récoltes sont médiocres durant plusieurs années déjà, les printemps sont trop secs, les hivers sont trop froids… en 1693 il n’y a pratiquement rien à moissonner, cueillir ou récolter, les rares denrées sont réquisitionnées  pour les armées et pour calmer la fureur des Parisiens… les prix flambent… l’hiver 1693-1694 est particulièrement froid… on ne nourrit plus les bêtes et, dès qu’elles s’effondrent, malgré leur état le plus souvent peu ragoûtant, sont consommées, voir dévorées sur place… 

C'est en ce glacial 11 janvier 1694 que Robert Livet né vers 1666, se présente devant le curé de Mézières aujourd'hui dans les Yvelines, pour qu’il bénisse son mariage avec Catherine Martin  pourtant, le registre de la paroisse de Mézières pour cette terrible année 1694 reflète parfaitement la situation : 116 décès sont enregistrés pour seulement 16 naissances et 6 mariages  dont celui-ci.
Les catastrophes continuent à s'enchaîner... le printemps suivant leur mariage est trop sec et les semences ne germent pas... l'été est torride... La France entière est touchée... des affamés errent en quête d'un morceau de pain... meurent en route comme les animaux sortis des bois... les cadavres se putréfient au bord des chemins et contaminent les cours d'eau qui propagent les maladies dont la typhoïde qui se glisse partout... Les curés, les notables prennent des notes pour que jamais de tels phénomènes meurtriers ne soient oubliés.
Dans les paroisses, les curés inhument des hommes, des femmes, des enfants, des bébés trouvés morts sur les chemins... personne ne les connaît...
C'est dans ces conditions de vie atroce que, le 04 août 1695, naît la première fille de Robert mais cette pauvre Marie meurt le 21 suivant... une autre naissance va se terminer de la même manière...
Dire que la vie est difficile est loin de la vérité, les disettes se succèdent... et le temps entre dans une colère noire... et, le 18 juillet 1698, il gronde encore plus fort que les derniers jours et finit, vers 4 h 30 du soir, par asséner un coup terrible... L'orage, inconsolable, de ses larmes de pluie et de grêle détruit 8 000 arpents de grains et 400 de vignes, fait voler en éclats les vitres des riches maisons et assomme les bestiaux. Pourtant un petit garçon arrive au foyer, on s'empresse de l'ondoyer mais on s'est alarmé pour rien et le petit Jean va devenir un homme... d'autres enfants vont encore arriver dans les années qui suivent, certains vont vivre, d'autres n'auront pas cette chance.
Pourtant, malgré les années qui passent, la situation ne s'améliore pas et, en cette année 1705, les cimetières voient leur population croître brutalement dès le mois de mai car des fièvres et autres maladies contagieuses sont venues chercher les plus faibles puis, enfin repues, elles ont quitté la région en juillet suivant.
On ne se sort pas des fléaux... qu'ont fait ces gens au bon Dieu ? De mémoire d'anciens, jamais on n'a vu un froid pareil à celui qui paralyse tout cet hiver 1709... même le bon vin si prisé que l'on produit ici se transforme en glace sur la table du roi ! De toute manière les vignes sont gelées et la rivière de Seine est devenue solide.
Un seul mariage est célébré à Mézières durant cette maudite année, quarante-trois baptêmes sont enregistrés sur le registre paroissial contre soixante-cinq inhumations qui ont été rendues très difficiles à cause de la terre gelée et de la faiblesse des organismes…
Et puis, tout est rentré dans l'ordre et la vie a repris... les vignes ont recouvert les coteaux baignés de soleil ; la prospérité, doucement, est revenue... Robert a recommencé à approvisionner les riches tables versaillaises... 

Il est maintenant installé dans le village d'Epône, juste à côté de Mézières et le 21 octobre 1720, il conduit une jeune fille, jusqu'à l'autel de la petite église, elle va devenir Madame André Thuret. Toute la famille Livet est là pour assister Thérèse, il y a Jean, le fils aîné de Robert et aussi Christophe Raffy,
tanneur à Mantes, qui est le parrain de la jeune mariée. Mais le mariage a un petit quelque chose de spécial... Thérèse n'a pas de nom de famille... Elle habite depuis son enfance chez Robert Livet, jardinier de la ville... son père nourricier...

Ce n'est certainement pas pour se débarrasser d'elle que Robert vient de marier Thérèse mais bien pour l'établir... comme il va le faire pour ses filles... et les Livet vont rester très proches de Thérèse et lorsque celle-ci, en 1721, va donner le jour à son premier bébé, ce sera Catherine, l'une des filles de Robert qui deviendra sa marraine  et  en 1724 Jeanne, une autre fille de Robert, deviendra la marraine d'un autre fils de Thérèse.

Thérèse n'aura jamais de nom et lorsqu'elle sera inhumée à l'âge d'environ 40 ans, le 14 août 1735 dans le cimetière d'Epône, le curé va livrer une information capitale "Elle n'avait pas de nom de famille étant un enfant trouvé".

Alors on pense à tous ces fléaux qui se sont abattus sur la région à l'époque où Robert était un tout jeune marié... Et on imagine cet homme, allant ou revenant de ses champs, découvrant un bébé encore vivant, désespérément blotti contre sa mère, tétant de toutes ses petites forces le sein creux et froid d'une malheureuse, tombée là, sur le bord du chemin, morte de faim,  d'épuisement et d'effroi...  Combien de personnes sont passées avant Robert, indifférentes au spectacle d'apocalypse, insensibles à la détresse humaine ? L'homme a ramassé l'enfant, l'a calé bien au chaud contre sa poitrine, il a refermé sa veste sur le corps minuscule pour le protéger du vent, du froid, de la pluie ou du soleil... pressant le pas sans oser courir à cause de l'enfant dont il sentait le petit cœur battre tout contre le sien... appelant pour que l'on vienne ramasser la mère morte... il est arrivé dans sa demeure où Catherine Martin était peut-être justement en train d'allaiter l'un ou l'autre de ses nourrissons à moins qu'elle ne vienne d'en perdre un... et Robert lui a donné l'enfant qui est devenu le sien... Il s'est avéré que c'était une fille... alors, on a dit au curé auquel on a rapidement fait appel pour la baptiser que l'on voulait l'appeler Thérèse et l'enfant, en remerciement d'une si grande bonté, s'est accrochée à la vie et est devenue une belle jeune fille à marier...

Le destin a fait d'une petite fille perdue une enfant trouvée... L'histoire qui aurait pu être triste est devenue si belle qu'il faut la partager... 

Je n'ai pas trouvé l'acte de baptême de cette enfant alors si, au cours d'une recherche dans les registres de Mézières sur Seine dans les Yvelines, vous trouvez vers 1695 l'acte de baptême d'une petite fille sans nom, pensez à Thérèse.

A demain pour la lettre Y yoyoter 

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Vers l'ensemble du #ChallengeAZ 2020

Catherine Livet



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6 commentaires:

  1. Pas de nom mais une belle histoire quand même !

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  2. Merci beaucoup Anonyme. C'est également mon avis

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  3. C'est une émouvante histoire Catherine !

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    1. Oui, j'ai aussi trouvé cette histoire très belle, surtout que les conditions de vie étaient vraiment très dures, ces personnes n'ont pas hésité, semble-t-il, à se charger d'une bouche de plus à nourrir.

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  4. Très belle histoire dans tout ce malheur! Je me souviens avoir fait des recherches dans un groupe d'échanges entre généalogistes, il a longtemps déjà, où une femme avait recueilli deux enfants dans un laps de temps assez court.Je ne m'étais pas posé la question du pourquoi et le généalogiste non plus. Ce serait aujourd'hui, je pense que je tenterais de le faire.

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    1. Merci Marie pour ce commentaire. Il n'est pas toujours possible de connaître le pourquoi des choses. Mais dans le cas de Thérèse dont je parle ici, le contexte était très spécial et des traces de cette époque ont été laissées en abondance par les témoins.

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Merci pour cette lecture.
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