Une femme sans histoire
Tout mon être est serein et mon esprit joyeux car il sait qu’aujourd’hui, il a toute latitude pour rencontrer qui il souhaite et il part, un peu vers l’inconnu, plein d’entrain et de curiosité, sans appréhension, impatient de faire la connaissance d’un esprit du passé…
Oh si je m’attendais à cela !
Voici une ancêtre dont je ne sais pratiquement rien d’autre que son nom, ce #RDVancestral va-t-il être fructueux ?
Louise, n’ayez pas peur, il faut
que nous parlions. J’aimerais tant en savoir plus à votre sujet, mais vous n’avez
laissé, comme bien des femmes de votre époque, que très peu de traces de votre
passage terrestre et je ne vous connais que par les autres : votre mari et
vos enfants. Mais aujourd’hui, vous êtes au centre de mes préoccupations, car il
se trouve que vous devenez la base de la branche de ma généalogie que je me propose de développer à partir de maintenant.
Laissez-moi tenter de vous expliquer le pourquoi de notre rencontre. Je suis l’arrière-petite-fille de votre fille Ida Rachel Ernestine CHARLES et de son terrible époux Gustave Beckrich.
Mais voici qu’en ce mois d'août 2020, m’est venue l’idée de partir en #RDVAncestral avec vous afin que, lors de notre rencontre, vous puissiez m’aider à remonter votre arbre généalogique.
J’ai une première constatation à exposer : vous n’avez pas eu de chance avec vos enfants. Sur neuf enfants que je vous connais – et, compte tenu des dates des naissances, je pense qu’il ne m’en manque aucun – seuls trois vont atteindre l’âge adulte dont, bien entendu, Rachel, mon arrière-grand-mère et, leur vie ne va pas ressembler à un long fleuve tranquille. Rachel décèdera prématurément de maladie en laissant mon grand-père orphelin à six ans et deux enfants plus jeunes ainsi qu’un en âge de travailler. Votre seconde fille Pauline née en 1884 s’est mariée mais, elle divorcera quelques années plus tard. Votre fils, Gaston René, né le 16 avril 1891 aura le triste honneur d’avoir la mention Mort pour la France en ayant perdu la vie le 16 avril 1917, le jour de ses 26 ans, dans le secteur du Choléra à Berry-au-Bac dans l’Aisne. Ce fils vivait avec vous lorsque la mobilisation générale vous l’a enlevé.
Et voilà, maintenant que nous avons fait le tour de vos enfants, je ne trouve plus aucune trace de vous jusqu'à ce que je m'intéresse à votre fils parce qu'il est Mort pour la France et que je vous retrouve installée, avec lui, à Ivry-sur-Seine dans le Val-de-Marne.
Je ne sais pas
trop comment ou pourquoi, vous êtes allée vous installer dans cette ville mais, un élément est remarquable
et il va falloir que je m’y intéresse : C’est, semble-t-il, au décès de
votre époux, survenu le 28 février 1906 à votre domicile de Saint-Denis, que
vous êtes partie dans le Val-de-Marne. A partir de cette époque, vous êtes
devenue porcelainière et il se trouve que la porcelaine était très présente
autour de vous et de votre époux avant votre mariage.
Je ne peux pas croire que c’est le hasard qui fait que, veuve, vous deveniez porcelainière et que vous le restiez pratiquement jusqu’à la fin de votre vie qui sera très longue puisque vous ne décèderez qu’en juillet 1940.
J’en suis là de votre histoire, mais je sais que lors du décès de votre père, c’est son beau-frère, Louis GEORGES, frère de votre mère Catherine, qui a fait la déclaration et il se trouve qu’il était alors porcelainier à Retourneloup où vivait votre père, journalier, et où vous avez probablement passé quelques années.
Comme je vous l’avais dit Louise, au début de notre rencontre, vous êtes la base de la branche Klein de ma généalogie bien que ce patronyme apparaisse déjà du côté de votre gendre Gustave Beckrich… je me prends à rêver que, peut-être, vos ancêtres ont été liés, de manière plus ou moins proche, à ceux de votre mémorable beau-fils.
Les éléments que je vais maintenant recueillir vont me permettre d’en savoir un peu plus sur votre existence terrestre… du moins je l’espère…
Oui, je sais vous êtes surprise et peut-être perturbée par ma démarche mais, la vie a changé et il me semble naturel de parler des femmes de mon ascendance, même s’il semble qu’il n’y ait que très peu à dire.
A bientôt Louise, il faut que je note notre entretien avant que mon esprit ne perde le fil de ses pensées mais, croyez-moi, il ne vous oubliera pas de sitôt…
Catherine Livet
Ce texte a été rédigé dans le cadre du #RDVAncestral du mois d'août 2021
FNAC
(Pour la version numérique de mes livres)
Sources / bibliographie
- Archives de la Marne
- Archives de Seine-et-Marne
- Archives du Val-de-Marne
- Archives de l'Aisne
- Archives municipales de Saint-Denis
- Mémoire des Hommes
- La prise en charge hospitalière des maladies infectieuses à la fin du XIXe siècle - Pierre Madeline - Histoire des sciences médicales - Tomme XXIX - n° 3 - 1995
Tant de naissances et tant de décès, quelle tristesse ...
RépondreSupprimerOui, la vie était bien difficile à cette époque. Merci Anonyme pour votre lecture et votre commentaire
SupprimerRemarquable travail. Le lien puissant qui relie les mères aux filles participe à cet écrit. Je suis moi même passionné par les personnalités de mes ancêtres femmes. On fait grâce à vous une plongée dans ces temps proches où la vie des enfants était si précaire.
RépondreSupprimerMerci inconnu. Et oui, l'époque n'est pas si lointaine et pourtant, bien des choses n'éaient pas comme nous les connaissons.
Supprimerje suis bluffée par la densité d'un récit qui part de si peu ! quel bel exemple pour nous toutes qui peinons et suons pour aligner trois mots.
RépondreSupprimerMerci Dominique. J'ai pris quelques risques en rédigeant au fur et à mesure de mes recherches. Mais c'est un des charmes du #RDVAncestral, tout - ou presque - est possible.
SupprimerL'art d'écrire (comme tous les arts) est un travail incessant alors, il n'est pas inhabituel de peiner et suer... seul le résultat compte.
Belle mise en lumière de Louise
RépondreSupprimerMerci beaucoup Fanny. En fait, même les femmes simples ont une histoire.
SupprimerIl est très important de parler de nos ancêtres femmes et ce n'est pas facile. Tant de siècles où elles ont été maintenues dans l'ombre !
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il n'est pas facile de parler de nos ancêtres femmes pourtant, elles le méritent effectivement
RépondreSupprimerQuel beau travail, je suis admirative de votre écriture !
RépondreSupprimerMerci beaucoup Christiane. J'aime bien vos histoires aussi.
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