samedi 18 décembre 2021

#RDVAncestral Laurent Muyllaërt, Mort pour la France

Nous sommes vendredi soir. Comme à son habitude, la semaine s'est déroulée à la vitesse de la lumière. Et, comme chaque veille du #RDVAncestral, je m'isole... La solitude est propice à la réflexion. Aujourd'hui, je sais où mon esprit va filer dès que mon corps, dans un état second, va accepter de le laisser s'échapper... Il faut absolument que mon esprit retrouve celui de Laurent Muyllaërt, mon arrière-grand-oncle, qu'il avait déjà rencontré en novembre dernier.

Hé oui Laurent ! Comme convenu me voici de retour dans les limbes où ton esprit semble être maintenu pour l'éternité.

Lorsque nous nous sommes quittés, l'armée t'avait expédié à Gabès, en Tunisie, au Bat' d'Af', histoire de t'apprendre à bien te tenir mais, je ne suis pas certaine que l'Armée ait réussi à te faire passer tes mauvaises habitudes car, un an après ton retour à la vie civile, tu te retrouves devant un juge qui te condamne, le 22 mai 1907, à huit jours de prison pour rébellion aux agents... Les deux fils que t'avait offerts Gabrielle Lapostre, ton épouse, sont décédés mais ta fille, Laurence, née en 1903, est bien 

vivante et elle atteindra l'âge adulte. En 1910, un bébé arrive au foyer, dans le 13e arrondissement de Paris ; c'est encore une fille, elle est prénommée Laure Gabrielle et atteindra aussi l'âge adulte et se mariera... Mais en attendant, tu enchaînes les petits boulots pour nourrir ta famille, tu es débardeur lors de la naissance de Laure... Je me prends à t'imaginer, actionnant un treuil, poussant, tirant, portant de lourdes caisses pour les sortir ou les charger du bateau arrimé en bord de Seine... et je te vois suant, ahanant, souffrant pour gagner quelques sous qui ne suffiront pas à couvrir les besoins de ta famille... Tu ne restes pas très longtemps dans le même logement et tu finis par connaître tous les quartiers de Paris et de sa banlieue jusqu'à ce que tu partes tenter ta chance à Montpothier, dans l'Aube.

Ce déménagement est un peu étrange mais à dire vrai, je n'ai pas eu vraiment de mal à te retrouver en cette ville car je savais que ta mère, Hortense Merda, y était installée... Deux fois veuve, elle épousera Henri Fleury, également deux fois veuf, chez qui elle semble être domestique lorsque tu la rejoins en 1911. Henri Fleury est tuilier chez Nourissat et Paysart et il semblerait que l'entreprise embauche car tu y es aussi employé. Ta vie semble pouvoir devenir plus paisible, mais le destin en a décidé autrement...

C'est la guerre et tu rejoins le 237e Régiment d'Infanterie à Troyes qui fait mouvement le 08 août.  Le 11 août, le régiment s'établit sur les hauteurs de Moivrons en Meurthe-et-Moselle ; le 19, il franchit la Seille et se trouve à Manhoué en Moselle où il cantonne. Le lendemain, les hommes reçoivent l'ordre d'organiser le terrain et de tenir la ligne de défense du secteur... Il est six heures, les canons grondent, le bruit est si terrible qu'il est aisé d'imaginer la violence du bombardement... C'est la bataille de Morhange qui fait rage... Et voilà, c'est ton baptême du feu... des obus pleuvent, ensevelissant les hommes sous les projections de boue qui retombent sur eux, les entrainant dans les entrailles de la terre, béantes et gluantes... Une fumée épaisse cache le soleil... c'est le village de Nomeny en Meurthe-et-Moselle qui se consume... le 237e reçoit l'ordre de se replier... Le 25 août, il reçoit l'ordre de passer à l'attaque dans le secteur de Drouville, toujours en Meurthe-et-Moselle, l'objectif du 6e bataillon dont tu es l'un des éléments, est de prendre le village de Courbesseaux. Alors, à l'abri des cultures, avec tes compagnons, tu progresses, échappant à la vue des tireurs ennemis, tapis dans leurs tranchées vers lesquelles, résolu, tu avances... jusqu'au moment où les mitrailleuses ennemies, elles aussi dissimulées par les plantations, entrent en action... stoppant net la progression des valeureux hommes du 6e bataillon... Mais déterminés, d'un seul bond, baïonnette en avant, une vague d'assaut s'élance... et est fauchée par les mitrailleuses qui se sont unies pour cracher leur feu meurtrier... et la violence de la contre-attaque ennemie oblige au repli... Les pertes sont très élevées... le 237e doit se reconstituer.
Au tout début de septembre, le régiment repasse à l'action et s'occupent à mettre en état de défense le secteur de Romémont-Buissoncourt... Le 05 septembre, une fusillade, très vive, met en alerte les hommes du 237e... Deux compagnies vont appuyer le 279e qui essuie les tirs... Avec les autres hommes de la 20e compagnie, au prix de grandes pertes, tu vas contribuer à la tenue de la cote 277... jusqu'à l'épuisement... Les Allemands profitent de la nuit du 07 au 08 pour se retrancher tout en envoyant  quelques éléments s'infiltrer jusqu'à la lisière de la forêt de Saint-Paul... Le 5e bataillon est encerclé... les hommes se dégagent à la baïonnette... pas un ne veut capituler... les pertes sont terribles... L'ennemi, en supériorité numérique très nette, intensifie la pression...
Le 09 août, les hommes du 237e attaquent la forêt de Saint-Paul et le bois d'Harancourt... un bataillon arrive à la lisière de la forêt, mais échoue à s'y maintenir et doit se replier sur sa position de départ... dont il ne bougera plus jusqu'à la relève, repoussant vaillamment toutes les contre-attaques... Partout aux alentours, les villages brûlent, la campagne est dévastée mais, l'élan ennemi a été stoppé par la résistance inouïe des hommes du 237e.
Du 11 au 27 septembre, le régiment se reforme, organise le terrain et fait des reconnaissances...
Et voilà, Laurent, je te perds une nouvelle fois de vue... 

 

Il y a comme un mystère autour de ta disparition car j'ai retrouvé une fiche dans les archives de la Croix Rouge qui indique que tu serais disparu le 23 août au combat de Hoéville en Meurthe-et-Moselle et que tu serais décédé à l'ambulance n° 3 de la 70e division... Cela me semble assez improbable mais alors, que veut dire cette fiche... les références notées sur cette fiche renvoient à des documents qui ne te concernent pas, il s'agit certainement d'un autre soldat Muyllaërt...
En revanche, le jugement qui a été rendu le 06 décembre 1917, fixe ton décès au 14 septembre 1914 à Courbesseaux en Meurthe-et-Moselle.
Tu es décoré de la Croix de Guerre avec étoile de bronze. "Soldat brave et dévoué. Mort glorieusement pour la France, le 14 septembre 1914 à Courbesseaux"
La plus jeune de tes filles est adoptée par la Nation.

 

Vois-tu Laurent, tu m'as mise dans le flou et il va falloir que je complète mes recherches pour avoir une petite chance de pouvoir trancher.  

Avant de te quitter, Laurent, il faut que je te dise que ton dur à cuire de frère, Charles, le rebelle, l'insoumis, s'est engagé dans la Légion Etrangère, il est devenu sergent et a été terriblement blessé le 20 août 1917 à Cumières dans la Marne. Il ne s'en remettra jamais. Lui aussi s'est retiré à Montpothier auprès de votre mère où, malgré ses infirmités, il a travaillé comme carrier aux établissements Labesse... Ma mère, sa petite-fille, se souvenait très bien de lui. Il est décédé en 1937, dans d'atroces souffrances, des suites de ses blessures de guerre. Comme toi, il ne reste rien de lui, la seule photo reconnue a été détruite... Je n'ai pas réussi à mettre la main sur son dossier militaire et il n'y a plus de trace de son dossier médical.

Sache Laurent qu'ici-bas, je pense souvent à toi et à mon formidable arrière-grand-père, ton frère Charles. Un jour, mon esprit quittera définitivement mon corps alors, j'utiliserai mon énergie à vous faire ouvrir les portes du paradis mais, pour l'instant, ma mission terrestre n'est pas terminée et il faut que je te quitte pour rejoindre les vivants.

Vers la première partie

Catherine Livet

Ce texte est écrit dans le cadre du #RDVAncestral du mois de décembre 2021.


 .・゜゜・ LIBRAIRIE ・゜゜・.

Pour me joindre :

 
Rejoignez-moi sur le groupe Facebook
 

 
Bientôt disponible : "Un p'tit gars du S.T.O"

Vers le site du #RDVAncestral

2 commentaires:

  1. Quand les archives se contredisent, ça ne nous facilite pas la tâche...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, c'est contrariant, on ne sait plus que penser.
      Merci Christelle pour ton commentaire

      Supprimer

Merci pour cette lecture.
Ecrivez moi un petit commentaire, je suis toujours heureuse d'échanger quelques mots avec les personnes cachées derrière les écrans.