samedi 15 avril 2023

#RDVancestral avec Bazile

Nous sommes le troisième samedi du mois, il est l’heure de se rendre au #RDVAncestral. Ne le dites à personne, on me prendrait pour une folle mais à vous qui êtes mon ami, il faut que je me confie. Voilà, comme je viens de vous le dire, tout se passe le troisième samedi du mois. Ce jour-là, immanquablement, depuis juillet 2017, jamais, je n’ai manqué un #RDVAncestral ; ce qui fait de moi la fidèle parmi les fidèles. C’est une sorte d’ubiquité qui me prend ainsi une fois par mois ; mon corps reste chez moi, bien installé, pendant que mon esprit part à la dérive, à la recherche d’un autre, ayant appartenu à un terrien ayant contribué à ce que mes fils et moi sommes aujourd’hui.

Hé oui ! Je sais que certains n’aiment pas ces situations et préfèreraient retrouver une filiation pour remonter encore et encore dans leur généalogie. Ce n’est pas vraiment mon état d’esprit, surtout lorsque j’arrive à une époque assez reculée.
Hé non ! Je ne suis pas une adepte des recherches ADN.
oui ! Aujourd’hui, je vais rencontrer l’esprit de Bazile qui, je l’espère, va me renseigner sur sa vie.

Bonjour Bazile. Vous avez un rôle très spécial dans la généalogie de mes fils et de bien d’autres de vos descendants, car c’est vous le fondateur de la branche Bazile.

Carte de la Manche - 1792 (1)
Tout commence en Normandie, dans une ville d’une certaine importance puisqu’elle doit abriter, plus ou moins, 8 000 habitants qui vivent sous la protection de la cathédrale Notre-Dame, qui occupe le centre, et les églises Saint-Nicolas et Saint-Pierre qui, depuis que les fortifications ont été détruites, font partie intégrante de la ville.


Nous sommes en 1792. L’époque n’est donc pas des plus tranquilles. La Révolution porte bien son nom et tout le royaume de France est bouleversé.
La belle province de Normandie et le comté du Perche ont été découpés en six départements ; c’est ainsi que Coutances devient une ville du département de La Manche qui a été créé le 04 mars 1790 par la fusion du diocèse de Coutances avec celui d’Avranches.
À cette époque, les églises Saint-Pierre et Saint-Nicolas ont été transformées en oratoires, la cathédrale Notre-Dame devient la seule église de la ville.

 

Nous voici le vendredi 06 avril 1792, il est 6 heures du matin. Madame Menildré, sage-femme jurée et de ce fait bien connue du quartier et même d’une bonne partie de la ville, arrive à l’hôpital général ; elle vient confier, comme il lui arrive parfois, peut-être trop souvent à son goût, un nouveau-né, aux bons soins des sœurs de la Charité. Ce petit enfant, c’est vous. Immédiatement, le père Leboeuf, le prêtre desservant l’hospice, vous baptise. Marie Pantin, habitante de la ville, devient votre marraine. C’est un tuilier, aussi de Coutances, qui devient votre parrain ; il s’appelle Nicolas Bazile et, c’est son patronyme qu’il vous transmet.  Ont-ils endossé ce rôle par bonté d’âme ? Ont-ils reçu une modeste rétribution pour devenir marraine et parrain ? Ont-ils un lien naturel avec vous ? Rien, pas un détail dans la rédaction de l’acte, ne laisse un espoir de retrouver la trace de celle qui vous a donné la vie ; pourtant, le père Leboeuf ne manque pas de noter ce qui lui semble singulier, car il a l’habitude de ce genre de situation. De plus, vous n’avez pas été exposé, vous n’avez pas été déposé à l’hospice par une femme inconnue ou par une mère en détresse ; non, vous êtes un « enfant trouvé ». Cette caractéristique vous suivra jusqu’au bout de votre vie. Bon, d’accord, mais c’est une sage-femme qui vous a « trouvé » ; et ce n’est certainement pas au détour d’un chemin ; il est bien plus probable qu’elle ait assisté l’accouchée ou qu’une personne de sa connaissance lui ait déposé à son domicile. Un jour, peut-être, irais-je consulter les registres d’admission à l’hospice et pourrais-je ainsi avoir quelques précieux renseignements à votre sujet.
La grande particularité de votre identité est que vous devenez Bazile… vous n’avez pas de nom, vous n’avez pas de prénom, vous êtes juste Bazile…
Bazile, l’enfant trouvé, vous le resterez, tout au long de votre vie, mais il va se passer de très longues années sans que je sache quoi que ce soit à votre sujet. Je ne sais pas chez qui vous avez été placé en nourrice jusqu’à vos 7 ans, l’âge de raison, temps pendant lequel votre nourrice a reçu 5 livres par mois.  J’ai tendance à imaginer que l’on s’est bien occupé de vous, ce qui n’était pas toujours le cas, malgré les contrôles du curé local et des personnels de l’hospice, puisque vous avez survécu. Je ne sais pas plus chez qui vous avez travaillé lorsque vous avez eu l’âge de la faire sauf qu’il y a de grandes chances que vous ayez toujours vécu à Cérences où vous avez surmonté toutes les difficultés parce que c’est dans cette petite ville d’environ 2 000 habitants, située à une quinzaine de kilomètres de votre lieu de naissance, que je vous retrouve.

Vous avez déjà 37 ans et vous êtes domestique, mais toujours qualifié « d’enfant trouvé » de l’hospice de Coutances, mais vous êtes domicilié à Cérences. Votre situation ne vous empêche pas de vous marier et, ce 11 novembre 1829, devant l’adjoint au maire de Cérences, vous dites « oui » pour la vie à Marie Françoise Lamy. Elle est servante et a 28 ans et habite également à Cérences où elle est née le 9 frimaire de l’an 7, donc le 29 novembre 1798. Son père, Pierre, de son vivant journalier, est décédé le 04 août 1810 ; sa mère est Thérèse Françoise Amy, elle est fileuse et habite Cérences. Tout est en règle, l’identité des futures a été vérifiée et aucune opposition n’a été déposée après les publications du mariage qui datent du dimanche 1er et du dimanche 08 novembre.
Il y a un détail sur ces documents, vous n’êtes plus Bazile mais Bazire ; c’est d’ailleurs ainsi que, très laborieusement, vous signez votre acte de mariage.

Une première naissance a lieu le 13 novembre 1831, deux ans après votre union, c’est une fille ; vous la prénommez Augustine et Bazile devient son patronyme. Pour faire cette déclaration, vous êtes accompagné par Pierre Lamy, jardinier de 34 ans, votre beau-frère, qui était déjà présent à votre mariage. Ah comme c’est étrange ! Non seulement votre nom est bien redevenu Bazile, mais c’est aussi ainsi que vous signez… toujours un peu difficilement.

Est-il possible qu’aucune naissance ne suive celle d’Augustine jusqu’au 19 juin 1836, jour auquel arrive sur terre votre fils, celui qui va continuer votre lignée ? Vous le prénommez Jules et son patronyme est Bazile.

Vous semblez bien installé à Cérences où vous êtes dit Bazile « le sage ». Malheureusement, les nouvelles ne sont pas bonnes. Le 24 juin 1846, votre fille est morte, chez vous, à l’âge de 14 ans… que lui est-il arrivé ? Maladie, accident ? Comment le savoir ?

Que de chemin parcouru Bazile ! Vous êtes cultivateur à Cérences et votre fils, Jules, est devenu ébéniste. Il habite et travaille à Granville où, en ce 15 avrils 1858, à 11 heures du matin, dans votre beau costume, accompagné de votre épouse sur son trente-et-un, vous vous rendez. Il faut dire que l’événement est important, car Jules se marie. La future est Virginie Victoire Lechartier ; elle n’a pas de profession, est née le 13 mai 1837 à Ducey et habite avec sa mère, Marie Desfours, à Avranches. Son père, Jacques, qui était tanneur, est décédé le 23 novembre 1853. Aucune opposition au mariage n’a été formulée et un contrat passé devant maître Dupont, notaire à Avranches, a été signé la veille.

Nous sommes le 22 juin 1864, chez vous, à Cérences, la tension est palpable ; il est 11 heures du matin, vous rendez votre dernier souffle.

J’ai eu du mal à vous retrouver, car je n’ai pas pensé immédiatement que vous pouviez être redevenu Bazire… le sieur Bazire, sans prénom et toujours dit « enfant trouvé ». Nous sommes maintenant à la fin de votre histoire, nos esprits doivent se quitter, mais avant de partir, je dois encore vous dire que je sais que votre épouse, Marie Françoise Lamy, dite s’occupant du ménage, âgée de 67 ans, vous a rejoint le 08 mars 1866.

Il est très probable, Bazile, que nous puissions nous revoir… un jour plus ou moins lointain… car j’ai bien l’intention de rencontrer votre fils Jules, lors d’un #RDVAncestral.

 
Catherine Livet
Ce texte a été rédigé dans le cadre du #RDVAncestral, auquel vous êtes tous invités à participer.  

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(1)  Carte en noir et blanc de la Manche. Date :1792. Auteur : « les Auteurs de l’Atlas National de France ».

2 commentaires:

  1. Étonnant, Bazile, enfant trouvé sait signer, tandis que mes bigoudens, paysans aisés, à la même époque, ne savent pas le faire !

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    1. Oui, très étonnant, surtout qu'il semble avoir su s'élever dans l'échelle sociale... Il faudrait que je consulte son dossier d'admission à l'hospice, il y a peut-être des détails intéressants

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