#RDVAncestral de décembre 2022 : Louis Paul Charles

Nous sommes le 3e samedi du mois de décembre, le jour immanquable du #RDVAncestral. Il fait très froid et j'ai du mal à me réchauffer mais, au lieu de me lever pour monter un peu le chauffage, je me recroqueville dans mon fauteuil, derrière mon bureau, enveloppée dans un plaid. Mes doigts sont glacés, autant que les touches de mon clavier sur lequel je tape frénétiquement pour tenter d'écrire aussi vite que mes pensées fusent. L'atmosphère, doucement, s'adoucit et la magie opère. Mon corps, enfin à bonne température, peut laisser partir mon esprit, insensible aux maux terrestres, vagabonder sous d'autres cieux.

Il y a déjà longtemps maintenant, c'était en été, j'étais allé à la rencontre de Louise Klein, la mère de mon arrière-grand-mère maternelle Rachel. Comme il m'avait été difficile de la cerner. Je n'ai pas abandonné l'idée de développer cette branche un peu difficile à reconstituer de ma généalogie alors me voici, repartie, vers des âmes pas toujours pleinement sereines...

Bonjour Louis Paul CHARLES. Que sais-je à votre sujet ? Pas grand-chose à dire vrai. Votre père m'a beaucoup occupée tellement il a embrouillé les pistes avec ses changements d'identité, ses trois - presque quatre - mariages et ses nombreux enfants.

Veuf pour la seconde fois, celui qui va devenir votre père, Louis Jérôme, se remarie moins de deux mois après le décès de sa deuxième femme, avec celle qui va vous donner la vie. Elle s'appelle Marie Françoise
Chevrier, elle est née le 19 août 1808 dans le minuscule village de Verdey, dans la Marne, où elle est domestique et où a lieu le mariage, le 27 février 1838.

C'est à Châtillon-sur-Morin, à une douzaine de kilomètres de Verdey que vous venez au monde, le 20 septembre 1839. Votre père y habite et exerce le métier de maçon. On vous donne les mêmes prénoms que ceux du premier enfant, né 21 ans plus tôt, de Rosalie Angélique Hoquet, la première épouse de votre père. Ce garçon habite toujours sous le toit de votre père lors de votre naissance, il y restera jusqu'en 1841, année de son mariage où il s'installera à deux pas, au hameau de Retourneloup, pour exercer le métier de porcelainier. Vous n'êtes pas le seul enfant à vivre au foyer de vos parents à cette époque. Il y a Louis Félix, que je n'ai pas identifié avec certitude, mais qui doit être le même que Lucien, né en 1831, il y a aussi Rosalie Adeline, née en 1828, tous les deux nés du premier mariage de votre père. Il y a également un enfant en nourrice, il s'appelle Emile Parisot et un garçon un peu plus âgé, Auguste Adrien qui porte le patronyme de Chevrier, le même que celui de votre mère.
Voici encore - après celle de la double, voir triple, identité de votre père - une nébuleuse dans l'histoire de votre famille.
Auguste Adrien Chevrier, qui vit avec vous durant vos tendres années, est né le 06 octobre 1830, à Verdey, chez ses grands-parents maternels, de père non dénommé ; il est le fils naturel de Marie Louise Chevrier. Lorsque Auguste Adrien, devenu berger, se mariera à Saint-Hilliers, en Seine-et-Marne, le 04 juillet 1853, il sera noté qu'il était le fils de Marie Louise Chevrier, de son vivant demeurant à Châtillon-sur-Morin où

elle est décédée. Seulement voilà, l'officier remarque que les prénoms inscrits sur l'acte de décès, qui lui a été présenté, ne correspondent pas. Cependant, les témoins attestent sous serment que les véritables prénoms de la mère d'Auguste Adrien sont bien Marie Louise au lieu de Marie Françoise, prénoms qui lui auraient été donnés par erreur... et, comme les témoins du marié, des amis, sont Louis Jérôme et Félix Charles, ils doivent savoir ce qu'ils disent... sauf que, la seule Chevrier décédée à Châtillon-sur-Morin entre la naissance et le mariage d'Auguste Adrien est Marie Françoise... Auguste Adrien, né de Marie Louise Chevrier, semble donc bien être votre frère utérin... votre mère, portaient officiellement les prénoms de Marie Françoise mais semble avoir été appelée Marie Louise au quotidien... D'ailleurs, les prénoms notés en marge de l'acte de mariage de vos parents sont bien Marie Louise.
Ah ! Vos histoires de changement de prénoms ! Je ne m'y ferai jamais !

Un frère, que l'on a nommé Louis Alexandre, est venu vous rendre une brève visite, du 15 au 23 septembre 1842 puis, deux sœurs vous ont tenu compagnie ; Louise Joséphine, en janvier 1844 et Marie Alexandrine, en octobre 1846. Enfin, le 05 avril 1849, toujours à Châtillon-sur-Morin, arrive un petit garçon que l'on prénomme François mais, il décède le 05 juin suivant, à 11 h du matin. Malheureusement, votre mère va suivre son nouveau-né et part pour des cieux plus cléments, le même jour, à 9 h du soir.


Quelques mois plus tard, votre père qui paraît ne pas pouvoir vivre sans femme, manifeste l'intention de se remarier. Deux annonces seront faites dans ce sens, la première le 23 décembre et la seconde, comme il se doit, une semaine plus tard. Cependant, il semblerait que le mariage n'ait jamais été célébré... Comme j'aimerais que vous puissiez me dire pourquoi !

Vous grandissez probablement ici, à Châtillon-sur-Morin, auprès de votre père et de vos frères et sœurs mais, je ne sais pas grand-chose à votre sujet durant votre jeunesse car, ce n'est que le 02 décembre 1876 que je vous retrouve. Vous habitez alors à Saint-Denis-lès-Rebais, en Seine-et-Marne et vous êtes facteur rural. Vous avez 37 ans et vous épousez Louise Klein, née le 13 août 1847 à Mittersheim, en Moselle ; elle est journalière et habite avec sa mère, Catherine Georges, au hameau de Villeneuve-sous-Bois. Je soupçonne fort que vous connaissiez Louise de longue date, car son père, Louis Klein, est décédé le 17 janvier 1869, au hameau de Retourneloup, dépendant d'Esternay, dans la Marne, dont l'économie est basée sur les fabriques de porcelaine où travaillent, en plus de votre frère homonyme, plusieurs membres de votre famille. Par ailleurs, plus tard, Louise Klein deviendra aussi porcelainière.

Quelques années plus tard, je vous retrouve à Courgivaux, à moins de dix kilomètres de Retourneloup. Votre sœur, Rosalie Adeline, y habite, rue de l'Étang.

C'est dans ce village que Louise donne naissance à trois filles. Léa Désirée naît le 10 janvier 1879, mais décède le 20 novembre suivant et Léa Pauline naît en 1880. Ida Rachel Ernestine arrive au foyer le 12 avril 1881 ; c'est après la naissance de celle qui deviendra mon arrière-grand-mère que vous allez, comme tant d'autres malheureux avant vous, tenter votre chance en région parisienne. C'est à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis où vous avez installé votre famille, que naît Paul Gaston, le 23 août 1882. Il faut croire que l'hiver de 1882 s'annonce rigoureux ou que les maladies sévissent dans les taudis mal chauffés, car Léa Pauline meurt le 11 décembre et son frère le lendemain.
Vous n'êtes plus facteur rural, vous êtes simplement journalier. D'autres enfants naissent. Le 28 juillet 1884, vous accueillez Pauline Louise ; elle atteindra l'âge adulte, aura un fils et finira par se marier. Ce sont des jumeaux qui arrivent à votre foyer en 1886 mais ils décèdent peu de temps après, l'un le 13 juillet et l'autre le 19 septembre. Camille Blanche fait son entrée le 10 septembre 1887 mais elle décèdera le 08 février 1892. Un garçon se décide à agrandir la famille. Il arrive le 16 avril 1891 et Gaston René atteindra l'âge adulte mais n'aura pas l'occasion de se marier car, pris dans la tourmente de la Grande Guerre, il sera tué le jour de ses 26 ans, le 16 avril 1917, au Chemin des Dames. Vous ne le saurez jamais.

Sur les neuf enfants que Louise aura portés jusqu'à terme, il ne vous reste donc que deux filles et un fils dont nous connaissons déjà le triste destin. Mais, que vont devenir Pauline et Rachel ?

 

En 1899, le 04 septembre, Rachel, âgée de 18 ans, accouche à l'hôpital Saint-Louis, à Paris, d'un garçon qu'elle prénomme Paul puis, elle revient chez vous avec le petit. Cet enfant est reconnu et légitimé, le 07 septembre 1901 lorsque vous accordez la main de votre aînée à Gustave Beckrich... un dur à cuire, un repris de justice... repenti... Ce seront deux misères qui s'associent là et leur destin va être dramatique.
À votre foyer, fixé depuis plusieurs années rue Catulienne à Saint-Denis, en 1904, Pauline accouche d'un garçon que vous déclarez s'appeler Roger. Malheureusement, vous allez à la mairie, le 06 août suivant la naissance, déclarer que votre petit-fils, âgé d'un mois et treize jours, est décédé là où il était né.

Quelle grande misère ! Vous avez 65 ans et vous devez effectuer des travaux de balayage pour survivre ! Dans quel état êtes-vous à cette époque de votre vie ? Quels sont les métiers que vous avez exercés durant toutes ces années passées à Saint-Denis ?
Vous mariez Pauline le 27 mai 1905. Elle épouse Gaudens Raymond Louis Bacqué, il est maçon à Paris, mais il est né, le 30 octobre 1877, à Valentine, en Haute-Garonne où habite encore sa mère, veuve, qui fait parvenir son consentement par acte daté du 29 mars. Les témoins de votre fille sont Gustave Beckrich, votre gendre, et Edmond Justin, un employé de 46 ans qui habite 133 avenue de Saint-Ouen à Paris et qui est votre neveu, mais avec qui je n'ai pas encore fait connaissance. Pauline divorcera le 05 juillet 1913.

Nous voici à la fin de notre rencontre. Nous sommes le 1er mars 1906, au 12 de la rue Catulienne à Saint-Denis. Vous avez 66 ans et 5 mois. Vous êtes à la fin de votre vie. C'est ce jour-là, chez vous, entouré de votre famille que vous rendez votre dernier souffle. Ce sont vos gendres qui se chargent de la déclaration de votre décès.

Il faut maintenant que mon esprit retrouve au plus vite mon enveloppe terrestre car, en bas, sur terre, j'ai encore du chemin à parcourir... Je suis attendue, déjà Noël emplit tout l'espace... je ne sais pas si le cœur y est réellement, mais en tous les cas, autour de moi, chacun s'efforce de faire sourire ceux qui font un bout de route plus ou moins long ensemble.

Que la magie de Noël vous innonde d'espoir pour un avenir plus clément.

A bientôt,

Catherine Livet

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2 commentaires:

  1. J'ai l'impression que la vie était moins rude à la campagne, plus de solidarité.

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    1. Sans doute ; déjà, je pense qu'il était certainement plus facile de se nourrir et de se loger mais le manque de revenus a attiré la foule vers les usines, sans que les gens se rendent bien compte qu'il fallait beaucoup plus d'argent en ville qu'à la campagne pour survivre (logements insalubres, pas de jardin et encore moins de poulailler...)

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