Julia Noyon - Episode 2
Bonjour mon lecteur,
J'ai le grand plaisir de vous présenter la deuxième partie de la vie de la jeune Julia Noyon, la demi-sœur de la mère de mon arrière-grand-père, Hortense Merda.
En fait ce petit texte est simplement un extrait de l'un des chapitres qui composeront le grand ensemble qui parlera de cette branche très compliquée de ma généalogie "de Rahïr à Merda"
Des destins hors du commun pour la plupart -j'ose écrire : heureusement- et qui mettent les femmes en vedette... peut être pas toujours pour le meilleur...
En tous les cas, étudier la vie de Julia m'a réellement donné envie d'aller découvrir "en vrai" la Nouvelle Calédonie... sur les traces des bagnes oubliés... sur celles de tous ces malheureux, transportés, déportés, relégués... volontaires... missionnaires... bienveillants, malveillants... autochtones... pour s'imprégner de l'Histoire et accepter ce qui a été...
Il n'est pas certain qu'un jour je fasse ce très -trop- long voyage... mais qui peut dire ce que demain nous réserve ?
J'espère que cette suite va vous plaire autant que la première partie. Je n'ai pas encore répondu à toutes les questions que vous m'avez posées à la suite de la précédente publication mais je vais le faire... cependant, il ne m'est pas toujours possible de répondre aux questions qui ne touchent qu'un individu donné... je n'ai réellement étudié en détails que "mes" bagnards et même à leur sujet, il reste des zones d'ombre ; si j'évoque parfois d'autres forçats, c'est uniquement parce qu'un évènement les a liés aux miens... le plus souvent, je ne sais à leur sujet que ce que j'ai évoqué dans mes parutions...
Si vous n'avez pas encore lu -ou si vous souhaitez relire- le premier épisode : La genèse
Et pour la suite, pour que vous n'ayez pas à la chercher partout, je vous la copie ci-dessous (faire un clic sur "plus d'infos".
Je vous souhaite une très bonne lecture et n'oubliez pas qu'il m'est plaisant de trouver vos commentaires et vos messages.
A très bientôt,
Catherine Livet
Julia Noyon - Episode 2
Un voyage et un époux
Nous
avions laissé la pauvre Julia Noyon à la prison de Doullens dans la
Somme où elle avait été conduite, après plusieurs condamnations pour
vols, en attendant son transfert et son voyage sans retour en Nouvelle
Calédonie.
Mais
Julia n’a pas été condamnée aux travaux forcés, simplement à deux ans
de prison pour vol simple ; elle n’est donc pas une « bagnarde », elle
est une « volontaire »… L’agent recruteur qui sillonnait les prisons de
femmes de métropole était fort convaincant… de toute façon, Julia
avait-elle le choix ? Multirécidiviste, illettrée, orpheline,
célibataire et sans métier… et, sans doute, mère d’un enfant… L’agent
lui vante la colonie comme un lieu paradisiaque, les températures sont
idéales avec pas moins de 12° en hiver et pas plus de 32° en été, les
saisons sont les mêmes, en moins marquées et décalées, que celles de
métropole… Elle n’aura que l’embarras du choix des cultures, le café de
Nouvelle Calédonie est aussi bon que celui de Java et rapporte 1 500 F
par hectare, au bout de 5 ans de culture, le coton rapporte 937 F pour
un prix de revient de 570 F l’hectare, le sucre réussit très bien et des
usines permettent la transformation sur place, tous les légumes de
métropole poussent sans effort… Dès que l’on a un petit pécule, il faut
se lancer dans le semis et dans une culture intelligente du bois de
santal dont le commerce avec la Chine assurera la prospérité… Même la
vigne peut très bien réussir sur certains terrains si l’on applique les
bons procédés de culture… Et pour compléter, on peut acheter à des prix
raisonnables du gros bétail sur les marchés australiens…
Si
elle accepte d’aller s’installer en Nouvelle Calédonie, on lui offrira
une ferme, des terres et… un bon mari travailleur ! Alors comment
refuser ? La pauvre petite Julia a sans doute des rêves plein la tête…
en tous les cas, elle n’a rien à perdre…
Et
la voici embarquée, certainement à Bordeaux, sur un bateau qui a pour
nom l’Océanie, il appartient probablement soit à la maison Tandonet soit
à celle de Ballande, les deux puissantes familles d’armateurs qui
fusionneront plus tard ; parmi les femmes parties pour cette
extraordinaire aventure, se trouve Louise Marguerite Loison ,
blondinette qui plafonne à 1,49 m, comme Julia ; qui est née le 11
octobre 1851 dans le Pas-de-Calais de père inconnu et qui se livre à la
prostitution pour survivre ; elle est illettrée, comme Julia ; condamnée
plusieurs fois pour vols, comme Julia ; internée à la prison centrale
pour femmes de Doullens, comme Julia ; elle portait le matricule 4 900 à
Doullens, Julia était le n° 4 831 ; arrivée à la colonie, Louise Loison
est devenue le n° 170 et Julia le matricule 175 ; il y a de fortes
chances pour que les deux malheureuses se soient connues, ne serait-ce
que lors des ateliers à la prison de Doullens et leurs sorts vont encore
se confondre… Elles ont sans doute aussi côtoyé Célina Caroline
Catteau, matricule 4 955 à Doullens et 193 à la colonie,
multirécidiviste elle a été condamnée à 13 mois de prison ; jusqu’à son
internement, elle vivait de vols et de débauche…mais la demoiselle
Catteau ne va pas avoir le même sort que les deux autres car elle a été
libérée le 23 avril 1883… pendant la traversée !
Et les voici enfin arrivées à Nouméa nos misérables ; nous sommes le 10 mai 1883 et elles
Bourail - le "Couvent" |
retrouvent
la terre ferme… Les femmes libres qui ont fait le voyage avec elles,
rejoignent leur famille, comme celle qui vient rejoindre son époux
bagnard, elle est accompagnée d’une flopée de jeunes enfants dont un
bébé né sur le bateau à qui on a donné le prénom d’Océanie… Mais pour
Julia, le voyage n’est pas terminé car pour elle la terre promise
s’appelle Bourail et se situe au nord de la province sud de la Grande
Terre, le trajet se fait à bord d’un bateau de la marine, on choisit
toujours le plus rapide pour que la traversée puisse se faire dans la
journée pour éviter tout débordement tant il y a de candidats au «
mariage » et si peu de « fiancées » ; pas de chaîne ni de boulet pour
Julia bien entendu mais même pour les condamnées aux travaux forcés
comme Marie Julie Méline, autre passagère de l’Océanie, condamnée à six
ans de travaux forcés pour meurtre ; pour ces volontaires au mariage, ce
sera le « couvent » -qui n’en a que le nom- où les dévouées sœurs de
Saint-Joseph de Cluny vont veiller sur elles jusqu’à leur union avec un
libéré pourvu de terres ou même avec un condamné… En attendant de
trouver le mari idéal, Julia est assurée d’avoir un toit et à manger
chaque jour… Le « couvent » est composé de deux grands dortoirs, de la
maison des sœurs, d’une infirmerie, des cuisines et d’une petite prison
de trois cellules ; l’établissement est muré mais à proximité immédiate,
se trouve l’école des filles qui sont malheureusement souvent
spectatrices du comportement parfois assez scandaleux des malheureuses
détenues ainsi que la caserne des soldats de marine qui ne voient dans
ce voisinage qu’une attraction… Bien que les sœurs ne soient pas très
nombreuses et qu’en plus de veiller sur les détenues elles s’occupent de
l’infirmerie et de l’école qui reçoit des externes mais qui comporte
également un internat, elles font très rarement appel aux surveillants,
réussissant le plus souvent avec bonté et patience à amadouer leurs
pensionnaires aux mœurs légères… elles n’ont pas bonne réputation ces
fiancées de la dernière chance et à dire vrai, certaines ne se
comportent pas vraiment comme des jeunes filles de bonne famille… c’est
ainsi que certaines, malgré la surveillance vigilante des sœurs, fument
la cigarette, d’autres –parfois, voir souvent, les mêmes- gardent
secrètement leur dose quotidienne
de
vin pour s’enivrer en absorbant leur réserve en une seule fois ;
toutes, ou presque, se disputent et s’invectivent avec des grossièretés
sans nom à la moindre occasion… Elles sont tenues à quelques ouvrages de
couture mais elles ne daignent le plus souvent travailler que lorsqu’il
s’agit de confectionner les quelques pièces que comportera leur
trousseau car elles
Bourail - Lessive sur la Néra |
ont
hâte de se marier et ainsi d’échapper à la réclusion… pensent-elles…
Deux grandes distractions viennent rompre leur isolement : la sortie
jusqu’à l’église pour assister à la messe dominicale et la lessive pour
laquelle elles se rendent, tous les mardis, à la rivière… Les bagnards
disposant d’une autorisation de se marier se ruent alors à la messe et à
la rivière pour observer les femmes et, lorsque leur choix est fait,
ils se présentent aux sœurs qui vont organiser des parloirs pour que les
« fiancés » puissent se jauger… certaines femmes sont prêtes à épouser
n’importe qui pour « devenir libres » et ne font « paddock » qu’une fois
avant de donner leur consentement…
Parmi
ces hommes candidats au mariage, se trouve François Joseph Bellier qui
est né le 18 mars 1852 à Saint-Georges-Buttavent en Mayenne de Pierre et
de Françoise Angélique Noury ; il mesure 1,59 m, son nez est moyen, ses
cheveux sont noirs, sa bouche est moyenne, ses sourcils châtains et son
menton rond, son front est ordinaire, son visage est ovale, ses yeux
sont noirs et il a le teint clair ; un buste d’homme est tatoué sur son
bras droit et le bras gauche est également décoré. Malgré son métier de
tisserand, il n’a aucun moyen d’existence. Les assises de Digne dans les
Basses-Alpes l’ont condamné le 05 juillet 1877 à 20 ans de travaux
forcés et 5 ans de surveillance pour vols qualifiés… il faut dire qu’il a
déjà été condamné pour le même motif… Ecroué le 03 octobre 1877, il est
embarqué sur le Tage, certainement au départ de Saint-Martin en Ré, le
20 février 1878 pour le long voyage sans retour vers la Nouvelle
Calédonie… Un autre jeune homme fait la même traversée, Antoine Rivas,
qui a été condamné à 20 ans de travaux forcés et à 5 ans de surveillance
pour… vol qualifié par les assises de… Digne dans les Basses Alpes le…
05 septembre 1877… N’y aurait-il pas comme une odeur de complicité qui
plane au-dessus de ces deux lascars ?
François
Bellier joue les fortes têtes et est envoyé réfléchir pendant cinq
jours en cellules pour « arrogance envers un gardien »
Mais
son arrivée au début du mois de juin 1878 sur la Grande Terre est
marquée par un événement exceptionnel et qui restera pour toujours gravé
dans l’histoire de la Nouvelle Calédonie… Le 18 de ce mois de juin, à
la Ouaménie dépendante de la circonscription de Boulouparis, l’ancien
bagnard nommé Jean Chêne, gardien de la propriété Dezarnauld, est
sauvagement assassiné ainsi que Medon, sa compagne indigène de Poquereux
et certainement leur fils âgé d’environ trois ans par un groupe de
Mélanésiens… l’Administration répond promptement en faisant incarcérer
dix chefs de tribus… Cet événement va précipiter la grande révolte des
Kanaks qui se préparait certainement depuis
Ataï |
un
certain temps déjà… la colonisation chassant la population indigène de
ses propres terres, la sécheresse de 1877 ayant amené une grande disette
et une désolation des cultures aggravée par la divagation du bétail en
quête de nourriture… certains Kanaks, sur le principe de « l’union fait
la force », ont fini par se fédérer… ce qui contribuera à immortaliser
Ataï, le grand chef de Komalé… qui perdra la tête dans cette révolte
terriblement sanglante qui fera quelques 200 morts chez les colons et
environ dix fois plus chez les autochtones…
Nous
ne saurons jamais ce que François Bellier aura pensé de sa première
année à « la Nouvelle » pendant laquelle il n’a connu que cette terrible
insurrection qui a mobilisé des moyens extraordinaires et qui a même
amené à armer certains déportés de la Commune (1) pendant que d’autres,
prenaient le parti des insurgés mais, sans pour autant qu’il existe
nécessairement un lien de cause à effet, la conduite de François Bellier
qui l’avait mené au bagne, va grandement s’améliorer puisqu’il va être
passé en catégorie de 1ère classe au tout début du mois de janvier 1880,
avant même, semble-t-il, d’avoir accompli au moins la moitié de sa
peine, ce qui était pourtant la règle ; cette « promotion » lui offre la
possibilité de recevoir une concession et le droit de faire venir sa
famille auprès de lui, il peut également se faire embaucher chez un
particulier comme salarié… encore faut-il trouver un travail… mais
aussi, il peut prétendre à des remises de peine…
En
plus des paysages magnifiques et de la population indigène très
différente de ce qu’il a toujours connu en métropole, François Bellier
va connaître des pluies torrentielles comme il n’en avait encore jamais
vues, elles sont particulièrement dévastatrices ces 14 et 15 septembre
1879 où elles occasionnent des inondations partout sur la Nouvelle
Calédonie ; ensuite, il fait la connaissance des cyclones avec le très
violent du 24 janvier 1880 qui cause la perte de plusieurs navires et
qui offre des spectacles extraordinaires comme cette pirogue indigène
retrouvée à plus d’un kilomètre à l’intérieur des terres… il y a tant de
dégâts qu’un secours immédiat de 100 000 F est octroyé pour tenter de
pallier les plus gros problèmes… malheureusement pour les victimes, un
second cyclone passera sur l’île les 09 et 10 février suivants et la
fatalité va s’acharner car un troisième cyclone viendra balayer toute la
colonie du 05 au 09 mars de la même année… mais malgré ces
difficultés climatiques et les autres en tout genre
comme les sauterelles qui posent tant de problèmes, notamment au niveau
des cultures, que l’on nomme une commission spéciale chargée de proposer
des mesures pour leur destruction, la transformation de la Nouvelle
Calédonie est menée grand train et la force des bras des bagnards permet
que routes et bâtiments voient le jour un peu partout…
Forçats occupés aux travaux des routes |
Il
faut tout de même reconnaître qu’il y a, de-ci de-là, quelques troubles
faisant parfois des victimes comme en juillet 1880, chez les
catholiques, sur l’île de Maré sur laquelle il faudra prendre des
mesures drastiques contre le pasteur qui proférait « les excitations les plus violentes à la résistance aux ordres de l’autorité française »
et puis, c’est officiel, au mois d’octobre suivant, on ne peut plus se
voiler la face… il y a bien des lépreux dans la colonie, comme la rumeur
le propageait … D’ailleurs, ce n’est pas la seule maladie qui s’est
invitée en Nouvelle Calédonie et il faut prendre des mesures comme en
juillet 1881 où des cas de variole étant signalés à Sydney, il est
décidé une grande campagne de vaccination… Des écoles sont créées, une
pharmacie privée vient s’installer à Nouméa en 1883… et nous voici donc à
l’année qui nous intéresse plus particulièrement puisque c’est celle de
l’arrivée de Julia sur cette terre de bagne où tout reste à faire. A
cette époque, François Bellier qui était tisserand en métropole, qui
aurait appris le métier d’effilocheur à son arrivée à la colonie, exerce
désormais celui de bûcheron à la Baie du Prony qui est située à
l’extrême sud de la Grande Terre. Ce n’est donc pas à côté de Bourail où
les fiancées attendent plus ou moins sagement leur promis… pourtant, il
n’est pas le seul bûcheron de Prony à s’être porté candidat au mariage,
six autres hommes se sont embarqués dans cette même aventure… alors,
est-il envisageable que l’Administration ait organisé un transport pour
que ces hommes, forçats, puissent aller rencontrer les femmes candidates
au mariage à Bourail ?
En tous les cas, Julia et François se sont épiés, ils se sont parlés, ils se sont choisis… pour le meilleur et pour le pire…
Les
lois concernant le mariage ont été aménagées pour que ce genre d’union
puisse avoir lieu ; ainsi, nul besoin de l’autorisation de ses parents
pour se marier sur l’île, il n’est même pas nécessaire de publier les
bans en métropole et les actes de l’état civil peuvent être remplacés
par un acte de notoriété ; en revanche, il faut absolument obtenir une
autorisation de Monsieur le Gouverneur… Les demandes de Julia et
François ont été expédiées à Nouméa, il n’y a plus qu’à attendre la
réponse… Y-a-t-il eu, une seule fois, une interdiction ?
Voilà,
c’est fait, les autorisations ont été signées le 26 juillet, elles
viennent d’arriver à Bourail… celles de Julia et François ne sont pas
les seules… Il faut maintenant publier les bans… pas d’inquiétude,
l’Administration s’occupe de tout et ils le sont une première fois le 05
août puis une seconde le 12 suivant… uniquement à Bourail… la loi est
appliquée à la lettre… Et c’est le grand jour… tôt le matin de ce 17
août 1883, le « couvent » bruit des rires et des interpellations qui
fusent à chaque instant.. les futures mariées se coiffent, se parent
comme elles peuvent, faute de fard, elles se mordent les lèvres jusqu’au
sang pour les rougir… car Julia n’est pas la seule fiancée du jour… Les
hommes sont arrivés, ils attendent à l’extérieur… En tête du cortège
qui se forme, l’administration -qui fait décidément bien les choses- a
fait placer un musicien et tout ce petit monde se retrouve devant Michel
Leflambe, l’officier de l’état civil de Bourail. Il est huit heures du
matin, les couples défilent… 24 hommes, tous bagnards déjà cultivateurs,
le plus souvent à Bourail, ou bûcherons à la baie du Prony, comme
François et un seul serrurier ; Quant aux 24 femmes, elles ont
pratiquement toutes fait la traversée avec Julia sur l’Océanie et sont
donc fraîchement arrivées en Nouvelle Calédonie, rares sont les
condamnées aux travaux forcées parmi les fiancées et elles ont au moins
deux points communs : aucune n’a de profession et toutes habitent
Bourail.
Louise
Marguerite Loison, la camarade de Julia à la citadelle de Doullens est
devenue Madame Célestin Caddoux, un bûcheron de la Baie du Prony… En
revanche Célina Caroline Catteau, l’autre pensionnaire de la prison
centrale pour femmes de Doullens n’a pas pris époux… libérée comme nous
l’avons déjà vu lors de la traversée jusqu’à la Nouvelle Calédonie, elle
a peut-être imaginé qu’elle était libre et qu’elle allait pouvoir se
forger seule une belle vie… Que peut-elle être devenue ?
Tous
ces fiancés ont produit une autorisation du Gouverneur datée du 26
juillet précédent, tous les bans ont été publiés le 05 puis le 12 août
et tous les actes de mariages ont été signés par Xavier Règneny,
surveillant militaire de 1ère classe, Paul Alexandre Gaillard,
surveillant de seconde classe, Jean Lambert et Victor Perrier, tous les
deux surveillants militaires de troisième classe, témoins de chaque
mariage… En revanche, François Bellier aurait déclaré ne pas savoir
signer…
L’encre
à peine sèche, les époux se rendent à l’église pour que le curé puisse
donner la bénédiction nuptiale et après cette cérémonie, les nouveaux
mariés et leurs amis vont faire la
Bourail - l'église |
noce car l’administration, dans sa grande bonté, a offert 150 F à chaque couple…
Si
les cabaretiers de Bourail sont heureux, certains de ces couples si
étrangement et rapidement formés commencent déjà à battre de l’aile…
c’est le début des disputes, les époux se couvrent mutuellement
d’invectives, les coups échangés ne sont pas rares… Les habitants
racontent qu’une fois, quelques heures seulement après la cérémonie, on a
vu un nouveau couple s’injurier et se battre dans les rues de La Foa où
le mari avait une concession… il a fallu qu’un surveillant accompagne
de force l’épouse au domicile conjugal… où seulement quelques jours plus
tard, elle sera assassinée par ce mari dont elle s’est aperçu trop tard
qu’elle ne voulait pas… Il y a aussi l’histoire de ces deux femmes qui,
après leur récent mariage, continuant leur vie de débauches, seule vie
qu’elles avaient connue, ont été tuées par leur époux respectif, deux
Arabes du quartier de Nessadiou… Plus personne ne s’émeut tant ces
situations deviennent courantes au fur et à mesure que l’on marie
n’importe comment et avec n’importe qui ces pauvres filles perdues que
l’on a bernées en leur faisant miroiter une vie paradisiaque auprès d’un
mari sobre et protecteur… Mais les habitants racontent aussi, en
souriant, qu’ils ont parfois vu un nouvel épousé, fort galant à défaut
d’être grand prince, hisser sa dame sur ses épaules pour qu’elle ne
souille pas ses bottines en passant le gué des rivières…
Qu’en
est-il du mariage de Julia et de François ? Le ménage va-t-il se
révéler harmonieux et prospère ? L’administration a tenu l’une des
promesses faites à Julia, celle de lui offrir un mari mais, cet inconnu
nommé François Bellier sera-t-il à la hauteur de ses espérances ? Et
puis, où se trouvent la ferme et ses hectares de terres fertiles qui
devaient être déposés dans la corbeille de la mariée ?
A suivre...
(1)
Voir Alfred François Ouster, Communard condamné à la déportation en
enceinte fortifiée pourtant armé pour lutter contre l’insurrection
canaque et, bien entendu, de l’autre côté, l’emblématique Louise Michel.
Pour lire ou relire l’épisode 1 : La genèse
Petites histoires liées :
- Clémentine Noyon
- Henri Paul Noyon
- Henriette Noyon :
- Angélique Rahïr
- Henriette Merda dite Mariette
- Mariage en deux temps
Sources - Bibliographie :
- Archives de la Somme
- Archives Nationales d’Outre Mer
- Archives de Nouméa
- La Croix du sud
- Le Mémorial artésien
- Un coin de la colonisation pénale... Dr Gaston Nicomède (C. Thèze - Rochefort-sur-Mer)
- Crimino corpus
- Archives du Diocèse de Nouméa
- CycloneXtreme (site internet)
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